A tous ceux qui sont sur le chemin ! A celui qui arrive là où la montagne se dresse... - Page3
Écrit par Christophe Dechêne   
Mercredi, 22 Décembre 2004 18:41
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A tous ceux qui sont sur le chemin ! A celui qui arrive là où la montagne se dresse...
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Mercredi 29 juin "Tous ces objets"

Sculpture en bronze, Christophe, juin 2005 "Le sage"

Hier, je suis passé à l'école, invité à un petit barbecue par mes collègues. Le retour sur mon lieu de vie professionnel et presque quotidien a été intérieurement assez difficile à vivre. Lorsque j'ai quitté l'école par un terne après-midi de novembre, au bout du rouleau, en promettant d'aller voir mon médecin traitant, je pensais rentrer soit le lendemain ou tout au plus 15 jours plus tard.  On n'aime pas laisser ses élèves ! Alors, je continuais à mordre sur "ma chique" en espérant tenir jusqu'à Noël ! J'étais loin de m'imaginer l'épreuve qui m'attendait ! C'est ainsi que j'ai tout quitté en croyant revenir rapidement : mes stylos, mon plumier, mon bureau, mon tableau noir, ma mallette, mes préparations, mes livres, mes classeurs, mon journal de classe, mon local, tout ce petit monde familier que je m'étais créé au fil des ans. Tous ces objets, ces lieux, ce matériel,...  qui m'étaient indispensables sont restés sur place. Mon Pompéi à moi ! A vrai dire, ils ont reposé sept longs mois sans que j'en aie besoin. Quand je pense à tout ce que j'ai entassé dans cette classe ! Aujourd'hui, je deviens le découvreur de ces "vestiges" de mon passé et je suis troublé !
Le parallèle à faire avec ma vie m'explose alors en pleine figure. "On nous fait croire, que le bonheur c'est d'avoir, d'en avoir plein nos armoires, illusions de nous dérisoire !"  disait Souchon. Un jour, sans crier gare, on part, sans rien emporter. On ne connaît ni le jour, ni l'heure ! Personnellement, j'ai la chance de pouvoir continuer à oeuvrer sur cette terre, un second bail en fait !
Alors pour moi, ce retour à l'école, je l'ai vécu un peu comme si j'étais un "revenant". En passant devant "mon local", j'ai jeté un regard furtif, mon pas était rapide, mon coeur palpitait, juste de quoi laisser entrer quelques images. Dans ma tête, des chocs émotionnels. Quelqu'un m'avait remplacé, avec fruits d'ailleurs, le mobilier (bancs, armoire, bureau,...) n'avait pas bougé, les objets trônaient toujours à la place que je leur avais attribuée, les enfants étaient là souriants. A vrai dire, plus que des objets, des lieux, ce qui compte ce sont les visages, rencontres, les souvenirs, les émotions, les échanges, les projets, la passion, l'amour,...
Du coup, nous avons décidé d'aller porter à "Télé-service" tout ces objets inutiles qui encombrent nos armoires ou de faire l'une ou l'autre brocante. C'est beaucoup d'objets qui sortent de la maison pour laisser place à plus d'essentiel !

Samedi 25 juin "Une vie de château"

Ces derniers jours, la chaleur était accablante. Le thermomètre de l'Audi de Willy indiquait hier sur le coup de 19 heures, plus de 37 degrés. Se rendre à un spectacle de théâtre n'était pas vraiment la meilleure idée de la journée mais la date était convenue depuis plus d'un mois. Le spectacle avait lieu dans un château proche de Seraing. Cet endroit, cher à John Cockerill et aux frères Dardenne fait remonter en moi toute une série d'images surannées. C'est un quartier en bordure de Meuse juste en face du dernier haut fourneau de Wallonie. Vous savez, celui qui crache, toussote, fume mais vit toujours. De petites rues pavées font rebondir notre véhicule. La couleur terne des habitations tranchent avec le vert des arbres. A l'ombre des places, les enfants jouent tandis que les adultes, assis sur les bancs publics fuient la chaleur des habitations.   On roule en commentant la beauté ou le charme désuet de tel immeuble.  Mon regard se porte sur les habitations. Toutes les fenêtres sont ouvertes. Chacun recherche un peu d'air. Enfin, nous nous parquons dans une ancienne cour de récréation. Elle est pavée de gris et repose calmement à l'ombre de marronniers et des tilleuls. Les cris des bambins ont depuis longtemps quitté ce lieu enchanteur. Un peu de nostalgie se dégage de l'endroit. Les cours de récréation, moi, j'aime bien, surtout celle-ci car elle est vaste ! J'aime quand les enfants ont de la place pour courir, jouer et s'amuser de rien. Je replonge en images dans notre passé scolaire, dans mon enfance, dans "le Grand Meaulnes" d'Alain-Fournier. Dès que l'on descend de la voiture climatisée, l'air suffoquant s'engouffre dans nos narines. Le contraste est une fois de plus saisissant. Les martinets nous survolent et leurs cris stridents me font lever les yeux au ciel. Il est bleu et sans nuage. Pourtant, on attend tous l'orage. Celui qui fera redescendre la température. Celui qui nous permettra de sortir de notre torpeur.

Un grande demeure bourgeoise du 19ième nous accueille. Rapidement, nous décidons d'aller prendre un verre dans les caves. C'est le seul endroit susceptible d'avoir pu préserver un peu de fraîcheur. Tout sent la transpiration et ils n'ont pas de Gini ! Tant pis ! A peine servis que déjà l'on vient nous chercher. Le chien lui aussi se lève et se déplace paresseusement vers un autre coin plus frais et moins fréquenté. Nous suivons le guide à la découverte de cette maison mystérieuse... Les planchers craquent sous nos pas, le plâtre des murs tombe par endroits, l'électricité est apparente et les faux plafonds datent des années 70. De grandes fenêtres laissent rentrer un peu d'air et de lumière côté cour. Coté Meuse, elles sont occultées afin de permettre aux comédiens de jouer sous les spots. Dans ce château, on finit par se perdre. L'esprit fatigue, la chaleur moite nous étouffe, le corps se traîne de salle en salle. Chacune est différente tant par la taille que par l'aspect.  Des volées d'escaliers nous font passer d'un étage à l'autre ce qui nous permet de visiter cette maison de maître.

Durant deux heures, ce centre dynamique et souriant nous aura proposé en 4 lieux, 4 spectacles variables par leur qualité. De débutants, encore assez scolaires, à l'actrice plus confirmée qui vit passionnément son rôle ou la danseuse qui nous emmène dans ses tourbillons chatoyants chacun exprime qui il est, raconte un peu de son histoire à travers son personnage. La créativité permet à l'Homme d'être soi-même, un individu différent qui se laisse découvrir. Le langage du corps et toute sa symbolique me plaisent. Chacun exprime ce qu'il est et plus loin que le texte, plus loin que le jeu, l'on découvre des êtres, des sensibilités, des vies. Ma vie à moi, c'est encore trois chimios et puis l'espoir. L'espoir d'une seconde vie qui a déjà commencé. Malgré que je ne me sois pas exprimé hier dans le cadre d'un atelier de théâtre, je pense qu'on pouvait lire rien qu'en me voyant une partie du chemin qui me préoccupe. Peut-être y avait-il des découvreurs d'âme dans ce château ? Qui sait ? Au fait ! Ce chanteau serait hanté...

Chimio 12 du 7 juin au 21 juin

Lundi 20 juin "Cécile"

J'écris pour vous dire ma profonde tristesse suite au décès de Cécile, 26 ans. Hier après-midi, elle participait à son premier jogging de Verviers. Rien n'explique ce dramatique accident ! Seules des questions, la révolte, l'incompréhension. Personnellement, je ne la connaissais pas, mais sa maman m'en avait souvent parlé lors de nos rencontres. Une famille merveilleuse, généreuse, discrète ! Ayant été l'instituteur de Anne, sa soeur et de François, son frère, j'ai pu faire un bout de chemin à leurs côtés ! Il y a des rencontres qui marquent plus que d'autres. Pour moi, c'était bien le cas. Aujourd'hui, les enfants ont grandi. Le temps a passé, parfois même sans que l'on s'en rende compte. Tous ces petits moments de bonheur que l'on vit dans le quotidien auxquels on ne prête plus suffisamment attention parce qu'on court encore et encore. 
Chaque matin, en m'éveillant, il m'est permis de contempler un bel oiseau en bois sculpté qui m'avait été remis en cadeau par la famille de Cécile. Cet oiseau est suspendu à un fil transparent. Il plane ainsi toute la journée dans ma chambre à coucher. Chaque fois que mon regard se pose sur lui, mes pensées s'envolent. Des émotions font place au silence puis à l'intériorité, Je n'ai plus qu'à fermer les yeux.
En cette fin d'après-midi morose malgré le soleil, j'ai trouvé au funérarium une famille qui ne comprenait toujours pas ce qui lui arrivait. Je n'ai probablement pas trouvé les mots pour apaiser cette souffrance, cette douleur infinie, celle de perdre son enfant, perdre sa soeur !  D'ailleurs, il n'y a rien à dire ! Je me souviens cependant des paroles de mon ami Joseph, 80 ans passés, alerte père d'une famille nombreuse qui m'a dit un jour avoir perdu un jeune fils. Les voici : "Pas un seul jour de ma vie ne s'est passé sans que je ne pense à lui."   

 

Dimanche 19 juin "Jogging de Verviers"

Aujourd'hui, c'est le jour du Grand Jogging de Verviers. Le soleil lumineux pousse déjà dans notre maison ses chauds rayons. Et nous ne sommes encore qu'aux petites heures de la matinée. Comme toujours la chaleur, sous le coup de 15 heures, sera bien au rendez-vous. Il faut savoir que Verviers est un des joggings les plus animés de nos contrées, avec des spectateurs massés sur tout le parcours qui cherchent des yeux tous ceux qu'ils connaissent. C'est une grande fête populaire tant pour ceux qui courent que pour ceux qui regardent.
Pour peu que son cercle de connaissances soit un peu étoffé, le joggeur entendra crier son nom des dizaines de fois durant l'heure, l'heure trente ou sous l'heure s'il est sportif et fort bien entraîné. Les 13.6km du parcours débutent par une descente de folie jusqu'au coeur de la Cité : La Place Verte. Un vrai sprint massif. Il m'est arrivé une fois de n'avoir plus de jambes, passé cet endroit. J'avais pris un départ excessif ! Arrive ensuite une longue traversée des faubourg jusque Ensival où la montée devient terrible. Ceux qui ont épuisé leurs forces peuvent s'attendre à vivre un vrai calvaire. "Pied vache" est sur le parcours l'endroit où le corps souffre le plus. Tous les membres sont lourds, le rythme cardiaque s'envole, la fatigue envahit tout le corps. Le mental joue un rôle déterminant car il faut relancer la machine à un moment ou à un autre. Souvent, mieux vaut marcher pour reprendre son souffle ! La montée n'en finit pas jusqu'à l'entrée du parcours vita où des spectateurs très groupés sur un dernier raidillon,créent une ambiance propice à la recherche des dernières énergies. Un peu de descente puis on remet le couvert. Bonjour la montée de la rue de l'Usine ! Un vrai casse patte ! Et toujours autant de monde. Le reste du parcours se fait à travers de petits chemins bucoliques. Heusy, sa place, son tennis, son GR, le ravitaillement, la plaine de Rouheid. Arrive alors la dernière montée du jogging que l'on arborde comme on peut, sous les encouragements des spectateurs groupés. Un air de tour de France ! Enfin, une dernière descente vers Bielmont et l'arrivée sur la piste, sous les vivats des gens et les cris de Henri, le commentateur fou. Ouf !

Je l'ai vécu plusieurs années comme étant l'objectif majeur de ma saison de jogging. Dès janvier, je n'avais que cette course en tête. Mais chaque année, je suis passé au travers suite à la pression trop forte que je me mettais et à la fatigue due à cette fin d'année scolaire. Je n'ai jamais pu faire mieux que 57'12. Alors, j'ai changé mon fusil d'épaule ! Ces trois dernières années, je l'ai fait avec Yves et quelques amis en participant déguisés. Nous n'avions que du plaisir d'animer, de faire rire, de prendre son pied... le temps ne comptait plus. Nous arrivions à chaque fois avec de nouveaux records : 1h25, 1h30, 1h35 ! Mais sur le parcours, nous n'arrêtions pas de parler, de faire demi-tour, de changer d'itinéraire, d'aller s'asseoir dans les jardins avec les gens,... Nous avions gagné l'an dernier le prix de meilleur déguisement. Titre que je ne saurai défendre cette année. J'ai bien sûr le choeur qui tire un peu et je me suis même demandé ce matin si je ne serais pas capable de le faire doucement à mon rythme ! Vanité... J'ai vite dû me raisonner ! Mais Yves a trouvé 15 choristes et sera déguisé en "Gérard Jeuniot". Je suis certain qu'il pensera à moi dans la course. La vie continue encore et encore.

Jeudi 16 juin "Compostelle à vélo"

Hier mes parents sont rentrés de leur périple à Compostelle, soit 2370 km à vélo en en peu plus d'un mois. Avec mes deux soeurs nous avons été les accueillir à leur descente d'avion. Durant le trajet du retour, la discussion a tourné bien entendu sur les ressentis, les émotions, les petits faits et aventures. Toute cette expérience vécue qu'ils ont vécu au quotidien ! De retour à la maison, j'ai assisté, ému, à la course effrénée de Sam 4 ans pour se jeter dans les bras de sa mami. Tout le monde était bien heureux autour des deux pèlerins. Une bonne sangria, un petit pain, un morceau de gâteau, des jeux pour les enfants,... C'était vraiment la fête hier soir. Je suis particulièrement frappé de voir que leur expérience de route peut, en bien des points, se comparer avec la route qui est la mienne. La durée, l'effort, les difficultés quotidiennes, l'incertitude, les doutes, les joies, le but, ... "On verra", "Si Dieu le veut", "Allez, courage"  sont certainement des phrases que nous avons partagées en commun.

Pouvoir, tout au long du chemin, partager son vécu avec les autres pèlerins permet de se rendre compte que chacun vit les mêmes difficultés. Ainsi va aussi la vie ! Chacun a des épreuves, toutes différentes certes, mais si semblables à la fois dans la façon de les affronter, de les vivre, de les surmonter pour en sortir différent. Pouvoir partager avec l'autre est certainement une des richesses qu'il nous est donné de développer encore et toujours.

Dimanche 12 juin "Abbey Road à Dolhain"

La fête de la musique, c'est partout en Communauté Française, ce prochain week-end. Souvent convivial, parfois ensoleillé, en fait un endroit idéal pour découvrir des artistes, rencontrer des amis et se faire plaisir.

Dolhain, petite bourgade qui somnole le long de la Vesdre entre Verviers et Eupen, a eu la bonne idée d'avancer d'une semaine sa fête de la musique afin d'éviter la concurrence avec d'autres villes. On nous proposait en tête d'affiche le groupe Abbey Road qui interprète les Beatles. Paul, John, Georges et Ringo comme je ne les ai jamais vus !
J'ai découvert les Beatles un jour de février 78 au retour d'une marche scolaire pluvieuse et obligatoire. J'avais 14 ans. Tournant en rond à ne rien faire, j'ai fouillé dans les 33 tours de mon père. Au hasard, j'ai choisi le disque rouge 1962-1966.

Pourquoi ? Je ne sais pas. Mais toujours est-il qu'à partir de cette époque, j'ai collectionné toutes les chansons des Beatles soit en disque 33 tours soit en cassettes audios. Bien entendu, je n'ai jamais pu assister à un de leur concert, j'arrivais trop tard, les Beatles s'étant séparés au début des années 1970. Je dois cependant les avoir écouter tant et tant de fois que mon cerveau en a gardé une empreinte indélébile. Petit à petit, l'idée de pouvoir aller écouter Mac Cartney m'était apparue comme une évidence. Peu importe l'endroit où il se produirait en Europe ! L'important, c'était qu'il se décide à partir en tournée. J'ai pu concrétiser ce rêve un mois avant la naissance de Jonas, mon fils.
Nous étions  en novembre 1989, le mur de Berlin venait de tomber le neuf de ce mois. Avec Bernard et Francis, nous avions choisi Dortmund pour assister à ce concert exceptionnel. Depuis, le temps a passé. j'ai filé ma collection de CD à mon fils, un peu comme on sème en ne sachant pas ce que l'on va récolter. Il y a quelques temps, l'album bleu et l'album rouge ont fini pour tourner dans le lecteur. Un peu puis de plus en plus.  Jonas m'a même offert un DVD des Beatles en concert début des années 1960. 

Lorsque sur le journal, j'ai vu le nom de la tête d'affiche des fêtes de la musique, je savais ce que je programmerais à mon agenda virtuel pour ce samedi soir. Jonas a invité deux amis, fans eux aussi et nous sommes partis sur le coup de 21 heures. Une fois sur place, je me suis assis à la terrasse d'un café avec vue sur le podium car mes jambes ne me permettent pas de rester debout si longtemps. La fatigue reste une contrainte majeure de ma chimio. J'ai retrouvé, buvant un verre à la table voisine, Jojo et Jean-Paul (qui a joué avec Rapsat), mes profs de l'atelier guitare durant 4 années. A l'atelier ou lors de cabarets, nous jouions un Beatles presque à chaque coup. J'ai appris à jouer de la guitare après mes trente ans. C'était un beau rêve mais aussi un  cadeau que je me suis offert en investissant passionnément dans cet apprentissage. Je peux maintenant aussi, jouer les Beatles ! Jeudi, Céline, m'a rapporté  la farde de partitions qui se trouvait toujours dans ma classe  depuis novembre. Toute seule à dormir sur une étagère, la pauvre. J'ai donc ressorti ma guitare acoustique et tourné les pages l'une après l'autre. La maison tout entière a résonné de ces mélodies que j'aime tant.

A ma table est venu s'asseoir mon voisin, Philippe, avec qui j'ai passé la soirée. Au devant de la scène, mes trois gars. Ils n'ont rien perdu du jeu fantastique de ce groupe belge qui m'a permis hier soir de concrétiser un rêve. Entendre les Beatles en concert. Entendre Abbey Road jouer les Beatles! j'ai passé une soirée inoubliable et j'ai chanté sans arrêt.

Jeudi 9 juin 'Lundi, morne plaine"

Lundi, morne plaine... C'est avec mon ami Dominique que nous avons décidé d'aller rendre visite à un ami commun chez qui un cancer des intestins venait d'être diagnostiqué. Je dois bien l'avouer, j'ai pris une gifle en pleine figure lorsque je suis rentré dans la chambre de cet hôpital namurois. Et pourtant, j'en ai croisé des cancéreux à la Citadelle. Mais lui, c'est un collègue de formation ! Je le rencontre depuis deux ans tous les samedis et tous les mercredis. Toujours le coeur sur la main, toujours pour faire plaisir. Une petite cigarette au bec, un costume classique et une fidélité envers chacun. La dernière fois que je l'ai vu, c'était il y a un mois d'ici, je l'ai trouvé un peu tracassé, certes fatigué, mais en bonne forme. Depuis lors, les nouvelles qui m'arrivaient, étaient franchement mauvaises.
Lundi, morne plaine car je ne l'ai pas reconnu. J'ai d'abord cru serrer la main d'un autre avant d'entendre le son de sa voix. Je n'en reviens pas comme il a maigri. Il s'exprimait avec lenteur et ne bougeait presque pas ! Une gifle en pleine face !
Je suis resté Ko debout, puis Ko tout court ! J'ai essayé de ne pas enfouir cette émotions mais de la partager en famille. Mon fils a expliqué à mon épouse que, statistiquement, dans les cours de candidats inspecteurs, le taux de cancer est bien plus élevé que dans les autres milieux. C'est vrai que nous sommes mis sous pression, que rien ne semble venir du côté des examens, que les repères nous manquent. Mais c'est une formation qu'il faut prendre avec humilité et abnégation, la vie nous l'enseigne. Il n'y a pas un jour où je me dis qu'apprendre me pèse. Je reprends la dédicace d'une de mes formatrices "Pour Christophe : Sachons toujours conserver des choses le meilleur qu'elles nous offrent à explorer" Merci pour cette belle phrase !
Lundi, morne plaine... Je dois bien en convenir, notre visite lui a fait un bien fou, mais que c'était dur ! En sortant de la chambre, des larmes de gratitude ont coulé des yeux de son épouse, c'était encore plus dur ! Heureusement, qu'on a nos femmes à nos côtés : courageuses, fortes, souriantes et tout simplement présentes.

Bronze, d'Anne Franck (Amsterdam 9/2004)

De retour à la maison, j'ai rapidement pris la direction des cours de sculpture sur bronze où nos pièces restent malgré les promesses dans leur moule de plâtre. Des mois, à rester figées au lieu de trôner de tout leur bronze sous les projecteurs de nos salles à manger, de nos salons,... Rien ! Pas de coulée ! Le métal wallon ne se porte décidément pas bien ! Une fois, ce sont les produits qui sont en rupture de stock, une autre fois il faut faire face à des délais non tenus, enfin surviennent des problèmes techniques,.... En m'inscrivant naïvement à ces cours, je voulais développer ma créativité pour entrer en résilience. "La culture active et créative est un liant social qui donne espoir aux épreuves de la vie", nous dit Louise Poliquin. Par l'art, j'exprime mes émotions, mes passions, mes sentiments ! Me voici donc sans pièces, but ultime de cet atelier ! La seule que j'ai réalisée a été offerte à mes parents pour Noël... Enervement intérieur, questions inquisitrices envers l'animateur au lieu d'utiliser la communication non-violente. Retour à la maison avec des frustrations. J'ai eu beau respirer, regarder mon coeur, ....

Ce lundi pourri aura conditionné mon mardi de chimio ainsi que mon mercredi. Comme un petit gamin, je ne voulais plus aller à l'hôpital. Comme un petit gamin, je sentais que ça n'irait pas ! J'ai tout de même poussé la porte de la Citadelle et une fois dans la chambre, j'ai "dégueulé" avant même que les produits ne me soient injectés. Mercredi pour la première fois depuis janvier, je n'ai pu me lever et encaisser sereinement mes nausées. En conclusion, plus que 4 chimios c'est vrai, mais je ne veux plus les vivre de la sorte. Il me faut accueillir mes peurs ! Pavlov quand tu nous tiens !

Chimio 11 du 14 mai au 7 juin

Samedi 4 juin "Protocole du 24 mai 2005"

Diagnostic secondaire : Bilan pulmonaire :"fibrose" pulmonaire base gauche au scanner. Diminution de 10% de la TLCo/Va alors que Hb 10 au diagnostic et 12.6 actuellement. Sensation subjective de dyspnée plus marquée à l'effort... Stop bléomicine pour la poursuite du traitement (cure AVD)

Bilan scan et Pet post C4 : Pet négatif au niveau de la masse médiastinale qui a regressé de + de 60% au scan. Foyer peu clair rétromammelonaire G par ailleurs, à suivre

Commentaires : Evolution clinique correcte. Chimiothérapie poursuivie en ambulatoire.

 

Vendredi 3 juin "Tu fais quoi ?"

Une seconde semaine de chimio, ça se passe comment ? Quelques activités et beaucoup de repos. Lundi matin, j'ai été me promener dans les bois du Staneux sur les hauteurs de Polleur. Il s'agit d'un grand bois de feuillus dont le chemin principal longe la crête. j'ai vu un écureuil, un chevreuil et... 4 promeneurs. Un aller-retour s'impose sur ce type de parcours assez rectiligne. Mes jambes sont rapidement devenues lourdes, je n'ai pas prolongé inutilement. Vers 18h30, je suis parti avec Willy à mon cours de sculpture sur bronze. J'ai coulé une pièce que j'avais réalisée il y a trois semaines. Une petite dame dans une longue robe. Je pense qu'elle sera très jolie !  J'ai également sculpté un  cheval commencé une semaine auparavant. Il devrait encore recevoir à ses côtés la fille qui chuchoterait à son oreille. Cette sculpture sera pour Lola car le cheval, c'est sa passion. Actuellement, elle passe 3 jours par semaine à s'occuper de chevaux.
Mardi, vers onze heures, Guy est venu me saluer. Une vraie surprise. Guy est un ami de mes parents. Nous avons fait de la course à pied ensemble il y a quelques années. Le "Non" de la France à l'Europe a été le centre de notre conversation. A midi, mes neveux sont revenus avec Evelyne. Ambiance assurée !

J'ai proposé à Olivier dont, je suis le parrain, d'aller voir, après l'école, l'entraînement des Diables rouges à Spa. Personnellement, le côté magique que j'avais gardé de notre escapade bordelaise en 1998,  lors de la coupe du monde en France avait totalement disparu. Georges, Francis, Christophe et moi, avions été à Bordeaux pour Belgique-Mexique. Un merveilleux souvenir humain ! Olivier était très heureux de son passage à la Fraineuse. Il a obtenu sept signatures de joueurs alors qu'il pensait en avoir deux ! Auparavant, nous avions été avec Evelyne, faire une petite balade du côté de Theux. Les souvenirs de mon passage comme maître de formation professionnelle à l'Ecole Normale ont vite ressurgit. Mercredi matin, j'ai été me promener avec Michelle au lac de la Gileppe. Cet endroit est actuellement l'endroit que je  préfère : au calme, boisé, légèrement venteux car près de l'eau, ombragé et bucolique. Toutes ces rencontres avec d'autres personnes sont des instants magiques car nous échangeons sur les choses de la vie. Le soir, nous avons été chez Willy et Colette. Encore une occasion de refaire le monde autour d'un verre de vin. Un petit !
Jeudi vers 10 heures, je suis descendu à pied en ville. Après avoir fait quelques courses, j'ai retrouvé Bernard pour une petite bouffe sympa. Nous n'avons pas tellement parlé du bon vieux temps mais plutôt de nos vies. Ces deux heures sur le temps de midi ont filé, comme toujours dans ces cas là ! Le rendez-vous était fixé au "café du théâtre". Un endroit un peu hors du temps avec un accueil des plus chaleureux : "Mes chéris", nous lançait le dame de service !!!
Tous ces moments sont ponctués de périodes de repos, de lectures, de quelques brides de Roland Garros, d'informatique. Aujourd'hui, rien n'est prévu !  

Mercredi 25 mai "80 ans"

"Après dix séances, il faudra passer dans un autre groupe. Vous avez bien progressé ! Retirez votre bouée ! Dorénavant, vos deux brassards seront suffisants. Le grand bassin vous attend. N'ayez pas peur, il n'y aura pas de différence... !"
Bon puisque c'est le maître nageur en personne qui le dit ! Quand il faut y aller... Vous savez, personnellement, mes perceptions dans cette petite piscine étaient bonnes. La grosse bouée me convenait bien. Je buvais bien la tasse tous les premiers et troisièmes mardis du mois. Cependant, il paraît que c'est préférable, tous les tests le confirment.
C'est ainsi que l'oncologue me proposa, ce mardi matin, de me retirer un des quatre produits qui composent ma chimiothérapie. Avec trois, cela ira tout aussi bien ! Ce produit était responsable d'une grande partie des mes nausées, de mes poussées de fièvre et vraisemblablement de mon infiltration dans le poumon. Il était très toxique mais son rôle en première ligne en faisait un guerrier redoutable. Si redoutable qu'il ne distinguait parfois pas l'ami de l'ennemi. le coquin s'est infiltré dans  un des poumons et a déjà réduit ma capacité respiratoire de 10 à 15 %. Alors, mieux vaut apprendre à nager sans bouée. Perdre une partie de ses repères, c'est relancer l'aventure, suivre un autre chemin. J'ai déjà parcouru 11 kilomètres sur les 16 prévus. Il n'y a pas à dire, ça avance.

Dans ma chambre, un nouveau compagnon s'était installé alors que je passais d'un examen à l'autre. Il avait de grosses lunettes au milieu du visage, des cheveux gris encore bien présents, une toison blanche hirsute s'échappait de sa poitrine. Son rythme était lent, son regard vif, son oreille défaillante. Monsieur L. dans son beau pyjama bleu, défaisait sa valise et s'installait dans sa nouvelle chambre. On venait juste de le changer de service. C'est ainsi que je fis sa connaissance. Nous parlâmes, d'abord de contingences matérielles. Ensuite, son discours devint plus philosophique et chargé de bon sens. Il me parlait lentement avec de petites phrases et trouvait que le monde ne tournait pas rond. Il me parla d'Erasme, de Nietsche, de Spinoza puis encore de ses fils qu'il ne voyait plus, des choses simples de la vie, de ce qu'il aimait cuisiner comme des pommes de terre coupées en fines rondelles, mélangées à du persil et de petits oignons rouges menus hachés, le tout cuit à l'huile d'olive. Il avait toujours mangé sainement : beaucoup de fruits ainsi que des légumes de son jardin,... Monsieur L avait 80 ans et se disait diminué dans son attention, sa concentration. Pourtant, même s'il perdait parfois le fil de ses idées, il me donnait l'impression de raisonner comme peu de gens le feraient encore à son âge. C'était vraisemblablement un homme sage.  Un homme qui avait surmonté bien des épreuves dans sa vie. Vous savez,  celles qui forgent la caractère et dont on se passerait volontiers. Dans la journée, j'ai assisté à l'arrivée du médecin qui venait lui annoncer qu'enfin on avait découvert le mal dont il souffrait. Lui qui n'avait presque jamais été malade ou hospitalisé, il venait de tirer le gros lot. Il souffrait de la même maladie que moi, un Hodgkin à un stade très avancé. Comment un homme seul, de cet âge et de cette lucidité pourra-il supporter 8 mois de chimiothérapie ?  Je sentis tout le désarroi de cet homme. La peur aussi, la résignation, l'humanité. Il se mit au lit, se recouvrit le corps des ses draps comme pour s'enfouir. Il ne parlait plus. La chimio était une des deux alternatives. L'autre consistait à ne rien faire. Cependant, la maladie finirait par l'emporter. Je n'aurais pas su le conseiller et j'aurai même compris qu'il se résigne. La vie, même en bout de course, n'est pas toujours juste. Les heures passèrent, il se réfugia dans le sommeil et respirait difficilement. J'aurai  voulu qu'il s'en aille paisiblement sans avoir à affronter cette dernière épreuve.

Pour moi, l'heure du retour sonnait. Nous nous sommes longuement serrés la main sans rien dire. Ses yeux se sont mis à couler légèrement. Je lui ai simplement dit que je penserai beaucoup à lui . J'ai retiré ma main de son emprise et je suis parti.

Chimio 10 du 10 mai au 24 mai

Lundi 23 mai "Rentrée à l' hôpital"

C'était prévu ! Je rentre ce lundi pour des examens et mardi pour la chimio. C'est donc mon retour en hospitalisation. Fini pour cette fois-ci l'hôpital de jour. Heureusement qu'Evelyne se  souvenait que je devais être à jeun.  En téléphonant ce matin en salle 26 pour vérifier l'information, j'ai appris que je devais passer un scanner du thorax. Merde ! Avec le produit de contraste qu'on m'injecte,  je suis mal pour le reste de la journée.

Mon sac est rempli de trois livres dont un roman, un lecteur cd audio avec le disque bleu des Beatles et un autre de Maxime Leforestier. On y trouve également 3 boîtes de Schweppes. C'est la seule boisson que je supporte pour le moment. J'ai aussi pris la liste des médicaments que je devais recommander, il y en a 7 en tout. Mon rasoir est resté à la maison. Il faut dire que c'est un des seuls avantages de la chimio. Terminé le rasage quotidien, je peux rester une bonne semaine sans me raser. Ce matin, je me rends à la Citadelle avec Mary, qui fait le crochet pour me déposer avant de se rendre à son travail. A l'entrée, j'irai me chercher un quotidien ou un magazine. Ensuite, je prendrai l'ascenseur jusqu'au second étage. Je prendrai possession de ma chambre double. Au programme de la journée : prise de sang, scanner, test respiratoire, radios des poumons, ...

Mardi 17 mai "Du bout du monde, du fond de mon âge"

Internet ! Pourquoi ne pas utiliser cet extraordinaire moyen de communication pour informer mes proches. C'était mon idée lorsque j'ai appris de quel mal je souffrais. Une bonne idée, non ?  J'avais vite compris que partager ses doutes, ses espoirs, expliquer au téléphone en répétant les mêmes informations, demandait beaucoup d'énergie. Sur cette page, j'y ai laissé de mes nouvelles, puis petit à petit, toutes mes impressions, mes émotions, mes hauts et mes bas, ma vie. Internet a fait rentré le monde dans ma vie. Internet a fait remonter le temps à la surface.   

Nathalie, il y a quelques mois, m'avait demandé  pour reprendre une partie de mes textes afin de les traduire, de les travailler avec ses étudiants de l'Université de Grenade. Cela me semblait déjà extraordinaire de voir la destinée de ces écrits. Vendredi dernier, quelle ne fut pas ma surprise d'apprendre que le Vif l'Express invitait ses lecteurs à se plonger dans ma page chimio. Ce qui est sur le net, même si l'on désire lui donner un caractère personnel, devient vite public. J'accueille ce qui arrive comme un cadeau. Suite à cet article, j'ai reçu des messages de divers points de la région francophone du pays. C'est assez incroyable de lire ces messages d'encouragement ou relatant un parcours similaire au mien. Internet permet une communication au-delà des horizons connus...  Ce matin, via la poste, cette fois, Bernard avait ouvert le bal !  Il m'a envoyé une carte postale de Chicago, lui qui est à Kansas City pour un an.  Ensuite cet après-midi, voici que je reçois un mail d'Etienne qui était louveteau alors que j'animais la meute du Petit-Peuple dans les années 80. Etienne m'écrit de Perth en Australie. Il me joint des photos et me parle de sa vie. On ne s'est plus vu depuis tout ce temps mais l'image est nette, précise.... Le temps se compresse, les instants du passé remontent à la surface avec le sentiment que c'était hier.

Hier, c'était un mail de ma cousine Colette. Nous nous sommes perdus de vue et sans cette épreuve, le contact ne se serait fait que fortuitement, un jour ou l'autre.

 En fait, depuis que je suis en chimio, l'espace et le temps n'ont plus tout à fait la  même valeur qu'avant. Je reçois des messages venus du fond de mon temps, de plus loin que l'oiseau, à tire d'ailes, ne peut se rendre.  L'espace se réduit, le temps ne garde que les souvenirs de ces instants magiques que sont les moments partagés. Pourtant août me semble encore si loin ! Alors, rien de mieux que de goûter le moment présent. C'est ce que j'ai fait aujourd'hui en allant me promener tout seul dans les bois de la Gileppe. Seul avec le chant des oiseaux et le bruit du travail des bûcherons ! Tout seul et hors du temps. Ce temps qui file autour de moi!

Mercredi 11 mai "Nouvelles"

Avant toute chose je voudrais vous faire part du départ de mes parents pour Saint Jacques de Compostelle. Ils sont partis ce matin en VTT,au départ de l'église Saint Jacques de Polleur. De nombreux amis étaient là pour leur signifier qu'ils les accompagneraient en pensées tout au long du trajet. Quel plaisir de voir tous ces amis, réunis en comité d'accueil sur la petite place du village. Quelques petits mots sympas dans l'église locale avant le vrai départ. La première étape les emmenait par Theux, Pepinster, la vallée de la Vesdre, celle de la Meuse jusque Andenne où ils logeront chez leur ami Jacques, ça ne s'invente pas ! Aujourd'hui, Fernand les attendra à Angleur afin de faire quelques kilomètres ensemble. Samedi, Paul et Malou les retrouveront à Monthelon. Les jours qui suivront les verront prendre la route de Vézelay où Agathe et Arnold viendront les rejoindre pour un ou deux jour(s) de repos. Diverses motivations accompagnent ce voyage, vous pouvez en imaginer quelques unes. Je leur souhaite une bonne route, beaucoup de joies, des rencontres multiples, pas trop de chiens vagabonds, des paysages enchanteurs, de la force pour surmonter les souffrances physiques et morales, des mollets bien huilés pour affronter les montées petites et grandes et enfin beaucoup de soleil,.... Ils vont accomplir chaque jour environ 80 km. La distance est de 2500km. L'arrivée est prévue vers le 13 juin.

Hier j'ai vécu une rude journée. La plus difficile à encaisser. Le médecin m'a gentiment expliqué que ce serait de plus en plus difficile au niveau des effets secondaires. J'ai été malade toute la journée, température, courbatures, plus de forces. Cette fois ce sont mes enfants qui m'ont aidé à monter jusqu'au lit. Ce matin, cela va un peu mieux.

Les résultats sont, à mon idée, moins probants que ce que à quoi je m'attendais. Hier, j'étais déçu mais aujourd'hui, je me dis que ce n'est pas grave car je continue d'avancer. Je dois faire confiance.

De ma visite hier : Je n'ai pas encore de  traitement pour mes douleurs au sein. J'attends ! Le pet scanner (de toutes petites images en noir et blanc de 4cm sur 3) montreraient d'après l'oncologue qu'il n'y a plus pour l'instant de cellules actives, ce qui est une bonne nouvelle. Le scanner du thorax montre toujours une masse importante. A la moitié du traitement, elle devait avoir diminué de moitié. Cependant les premiers clichés (décembre) se trouvent sur un Cd-rom. Le médecin n'a pas l'ordinateur adéquat pour les lire ces images ! Donc pas de comparaison possible entre le scanner effectué à Verviers en décembre et celui de mardi dernier. Je reste dans l'expectative. Idem pour les radios des poumons qui se trouvaient chez moi. Je pensais que le médecin en avait gardé des copies ! De nouveau, pas moyen de comparer. Je ne sais donc pas dans quelle proportion ce fameux ganglion diminue. C'est moche de rester dans l'incertitude !

Autre chose, j'ai un petit "infiltrat" au niveau d'un des poumons. Je m'en plaignais depuis un mois. Le médecin me fait rentrer mardi 24 mai en hospitalisation pour effectuer divers test : respiratoires, radios,.. le but est de voir si un des produits de chimio, la bléomicine, celui qui d'après le cancérologue d' Amstrong (le coureur cycliste) détruit les poumons, doit toujours faire partie de mon traitement ! Le médecin m'explique que le protocole prévoit 4 produits de chimio mais rien ne prouve que la bléomicine est indispensable. Ce n'est pas un discours qui me rend serein ! Je suppose qu'il envisagera de le "balancer" comme il dit ou de le remplacer ? On verra...

Une dernière chose: les piqûres à 1500 euros pour mes globules blancs, une tous les 15 jours, c'est terminé ! La firme ne les offre plus ! Je devrai revenir à l'ancien produit, c'est à dire une injection sous-cutanée qui se fait chaque jour.

Ce matin, je continue ma route, avec quelques doutes, c'est vrai. Heureux d'avoir passé la cap de la journée d'hier et de me sentir un peu mieux. Depuis samedi, lettres, visites, téléphones, mails,...continuent d'affluer. Philippe, Gio, Nicole, Dominique et Jean-Pierre, Marie-Claire, José,Gabrielle, Jean-Pierre, Willy et Colette, Sylvianne, Yves, Michel, Charles et son épouse, et tous les autres que j'oublie. J'en ai de la chance ! Merci à eux, merci à chacun qui me lit, qui pense à mes petits soucis, merci à ma famille qui m'aide à surmonter les difficultés.

J'ai enfin une pensée particulière pour Christian, un ami d'Eghezée, chez qui on vient de découvrir un cancer des intestins et pour François qui vient de perdre son papa. Je leur envoie tout mon courage.

Chimio 9 du 27 avril au 10 mai

Lundi 2 mai "Lectures"

On constate que certains enfants traumatisés résistent aux épreuves, et arrivent même à les utiliser pour devenir encore plus humains. Il ne s'agit pas de surhommes ou d'invulnérabilité. Ils sont arrivés à "associer l'acquisition de ressources internes (Dans nos premières années, lors de nos interactions préverbales, comment réagissions-nous face aux agressions de l'existence) affectives et comportementales avec la disposition de ressources externes sociales et culturelles." (Boris Cyrulnik, Les vilains petits canards). Par ressources externes, il entend le fait que tout le monde doit participer à la résilience. Trouver des lieux d'affection, d'affectivité et de paroles. Dans le quotidien, c'est autant le voisin qui s'inquiète de l'absence de la vieille, que le sportif qui fait jouer les jeunes du quartier, que la chanteuse qui rassemble une chorale, le philosophe qui doit mettre au monde un concept et le partager,... 

"Chaque personne chemine au cours de la vie, le long de sa propre voie qui est unique" (Bowly, L'avènement de la psychiatrie développementale a sonné). Mettre en oeuvre des actions pour s'éloigner de souffrances passées et donc actuelles, transformer la douleur pour en faire un souvenir que l'on peut se remémorer, avec lequel on peut prendre du recul, accueillir ses sentiments, s'ouvrir  à ses émotions. Dans la course quotidienne, on dispose rarement d'un temps d' écoute intérieure. C'est ainsi que différents mécanismes de défense sont mis en place : le déni, l'isolation, la fuite, l'intellectualisation, la créativité (par l'art). "On ne réussit jamais à effacer nos problèmes, il en reste toujours une trace, mais on peut leur donner une autre vie plus supportable." (Cyrulnik).

On constate aussi, que certains portent le poids de blessures qu'ils n'ont pu surmonter. Lorsqu'une émotion intense affecte une personne, elle peut donner lieu à des manifestations de disharmonie dans son organisme. Si l'on ne veut pas refouler ses émotions, il est nécessaire de comprendre que l'on doit exprimer nos sentiments et nos besoins. Pour Claudia Rainville, la seule façon de nous libérer est de retourner dans les événements qui nous ont fait souffrir pour les dédramatiser et pour en transformer la compréhension de ce qui a fait naître ces émotions et ces sentiments. Pour se libérer de ce mal de vivre, il faut fouiller dans sa mémoire et retrouver l'événement qui a pu donner naissance à ce mal. En se retrouvant face à soi même, au calme, détendu, l'adulte que nous sommes n'a plus qu'à y retourner pour aller accueillir l'enfant qu'il était et qui souffrait. Le cerveau ne fait pas la différence entre le réel et l'imaginaire pourvu que ces nouvelles images soient vécues comme réelles, il les accepte.

Jeudi 28 avril " A la mi-parcours, les martinets sont de retour"

Ouf ! Les trois examens sont derrière moi ainsi que la chimio. Je viens de franchir la mi-parcours. 4 mois déjà que je "chimiote" ! J'attends les résultats avec calme et sérénité. Ce matin, je me suis levé en meilleure forme que les fois précédentes. C'est plus encourageant et d'ailleurs, le soleil est de la partie. Mardi, l'examen du scanner du thorax a été particulièrement difficile à vivre. L'injection d'un produit de contraste auquel je semble être allergique m'a donné l'impression d'avoir perdu tout le bénéfice de 15 jours de repos. Les nausées fortes, la fatigue sont réapparues avec force. Pour le Pet scanner, il s'agit maintenant de voir si des cellules cancéreuses sont toujours actives. L'examen fut meilleur. Après cet examen, nous nous sommes arrêtés à l'abbaye de Brialmont avec Evelyne. Un endroit très reposant. Nous avons acheté parmi les livres, cartes et produits alimentaires proposés une boîte de champignons. Le soir, nous avons eu droit à un steak, champignons crème. Ils étaient excellents !
Comme chaque année à cette période, je scrute le ciel afin d'observer l'arrivée des martinets, ces oiseaux migrateurs qui ressemblent à des hirondelles. Très souvent, ils arrivent le premier mai parfois quelques jours plutôt. Cette année, je les ai vu le mardi 26. C'est très tôt ! J'adore ces oiseaux qui ne se posent pas durant les trois premières années de leur vie et effectuent 3 migrations aller-retour avant de nicher dans les infractuosités de nos hauts bâtiments. Les cris stridents de ces martinets que j'entendais de ma classe  lors de leur rapide passage dans la rue de Francorchamps, me rappelaient que le beau temps était de retour. Le soleil allait taper sur les grandes vitres de la classe qui se transformerait rapidement en sauna. Ces cris  étaient aussi le signe que les vacances n'étaient plus très loin ! Auparavant, il faudrait encore gérer la pression inhérente à l'examen interdiocésain. Mettre les enfants en confiance avant de les voir partir, pour le secondaire. Cette année, j'écouterai les martinets de la maison. Les vacances seront encore bien longues.


Ce soir, mes neveux,  Olivier et Victoria, viennent passer l'après 4 heures à la maison. Nous allons faire des photos de Vic pour les remerciements de sa communion. Je me réjouis d'y être!

 

Chimio 8 : Du 11 avril au 27 avril

Lundi 25 avril "Avoir peur"

Me voici arrivé face à mon triptyque. Examens et chimios, de la Citadelle au CHu : scanner, pet scanner, échographie, chimio ! Dans les chambres doubles de la Citadelle, je rencontre à chaque fois une autre personne qui fait face à cette épreuve terrible. Cette épreuve qui vient se dresser à un moment sur notre route. Je me souviens de chacun, je vous en ai déjà parlé. Mon premier équipier de chambrée avait une longue expérience derrière lui, de nombreux mois de chimio. C'était une jeune gars, très sympa, en bonne forme physique. Mentalement, il me semblait fatigué, comme toute personne dont la durée du traitement ne permet pas encore d'entrevoir la fin. Assez ! Plus envie d'écouter des dvd, lire des livres, écouter de la musique,... tous ces passe-temps qui occupaient ses premières semaines. Il parlait peu, juste une communication mesurée. C'était un échange bref mais vrai de celui qui a déjà enduré l'effort et qui préserve toutes ses forces.  Je me souviens qu'on lui avait annoncé après un scanner de contrôle que des cellules cancéreuses avaient été découvertes à un nouvel endroit. Dur à avaler, juste possible d'encaisser, plus moyen de se révolter, accepter et faire confiance. Je repense à ce moment alors que je suis à mi-parcours. Depuis un mois j'ai une douleur au sein gauche et aujourd'hui, je me présente chez le médecin. Toute la phase de peur(s) qui précède le verdict, je l'ai déjà connue avant que l'on découvre que j'étais porteur de la maladie d'Hodgkin. J'avais eu tellement peur,... !  Changer son mode de pensée n'est pas facile? Et pourtant voici ce que me propose Marie-Claire :  "Accueille tes peurs, ressens-les, écoutes-les, vis-les. Donne-toi un moment pour te retrouver avec elles." On n'a pas peur de ce que l'on connaît mais bien de ce que l'on ne connaît pas. Chacun a des peurs !
J'ai donc accueilli mes peurs.  Je les ai laissées venir. C'est plus par le ressenti que par le mental qu'elles deviennent supportables. Mon mental a pourtant bien entendu toutes les remarques positives émises ces derniers jours : l'oncologue m'a laissé entendre qu'elle faisait cette échographie un peu pour me rassurer. Ou bien, mon cousin avec qui j'ai des échanges très profonds me signale que le traitement de chimio m'assure une "assurance omnium" et que médicalement je suis suivi par des spécialistes qui connaissent leur boulot. Ma voisine qui a eu un cancer du sein m'a dit que le cancer n'était pas douloureux,... cependant, plus je pense et plus j'ai peur. Plus le moment du verdict approche, plus la peur grandit. Mon mental ne m'apaise donc pas. C'est pourquoi, je me suis retiré en moi et j'ai ouvert la porte de mes peurs : celles de souffrir, de recommencer un autre traitement comme des rayons par exemple, de mourir, de ne pas voir mes enfants grandir,..
C'est dans le livre de  Thomas d'Ansembourg "Cessez d'être gentil soyez vrai" que je trouve une autre piste. Il nous dit qu' "avoir peur" est un sentiment que l'on éprouve lorsque nos besoins ne sont pas satisfaits. Si nous sommes déjà largement coupés de nos sentiments, nous le sommes presque tout à fait de nos besoins." Il propose de passer par l'observation (réagir à quelque chose que nous observons, entendons) puis par les sentiments (ce que je ressens, quel est mon sentiment ?) définir quel est notre besoin avant de formuler une demande.

Premier examen, La Citadelle : En arrivant au quatrième étage, rien que des femmes et quelques enfants. Normal, je suis en sénologie. Ca discute partout, les enfants ne tiennent pas en place. Les regards convergent vers moi. Je me demande ce que je viens foutre ici ! Une infirmière sort d'une des nombreuses portes puis c'est l'appel. Je suis un peu inquiet car le nom de mon docteur n'est indiqué sur aucune. Une porte s'ouvre. La voix de l'infirmière couvre le brouhaha général.  "Madame Dechêne"... Ca commence bien ! Je me lève et rectifie "je suppose que vous cherchez monsieur Dechêne, pas madame!"  L'infirmière est confuse. Mammographie des deux seins, appel chez le médecin. "Vous venez pour des nodules ?" Etonné :  "Non, j'ai mal au sein gauche !" le verdict tombe : "Ce n'est pas très grave me dit-il. Une gynécomastie" ou un nom barbare dans le genre. Je me fais expliquer trois fois . A la fin de chaque explication, il me salue. Je repose une question. Trois fois, il me dit au revoir. Ca roule ici ! Certainement un dérèglement,... ? Je me vois prescrire une une prise de sang que je réclame car mercredi je suis en chimio. Mon triptyque diminue. Les peurs fort présentes vendredis, moins perceptibles lundi matin font place à un état paisible. 

 

Dimanche 17 avril " Entraînement jogging"

Ecoute le proverbe de ce dimanche : " Lorsque jeudi, avec deux de tes charmantes collègues tu te promènes. Lorsque  vendredi, avec ton ami Philippe tu vas visiter une nouvelle construction et ses dépendances avant d'aller boire et manger. Lorsque  tard le soir, tu parles et tu bois avec tes amis de retour du Mont Ventoux. Lorsque samedi, dans un magasin,  tu vas tester des fauteuils et qu'avec ta femme le soir, tu essayes de rester debout dans une très sympathique retrouvaille d'anciens élèves de l'école primaire,... ne t'étonne pas d'être fatigué au levé et consacre le dimanche à ton lit car tes jambes ne te tiennent plus." C'est un peu ce qui m'arrive. Je me suis endormi trois fois dans la journée de samedi, fatigue quand tu nous tiens.

Je compare cette période aux entraînements que je faisais lorsque je préparais le marathon de Venise.  Un des entraînements consistait à courir 6 fois un kilomètre (2 tours et demi de la piste d'athlétisme) en une durée de 3 min 50 secondes. Après chaque effort, on pouvait trottiner 200 mètres avant de repartir toutes foulées dehors pour le kilomètre suivant. L'effort devait être régulier. Tout était calculé. La vitesse, le temps de passage à chaque 100 mètres, le rythme cardiaque, le nombre de tours qu'il restait à courir (plus que deux tours, plus que un tour, plus que 300 mètres,...). Comme on courait à plusieurs, nous formions un petit train de fous du stade. le premier kilomètre ne posait pas trop de problème mais on sentait le poids de l'effort. Lorsqu'on lançait le second, après 200 mètres on avait compris qu'il faudrait s'accrocher. Au départ du troisième, il ne fallait plus penser à rien car il semblait impossible d'arriver au bout des 6 "fractionnés". L'effort n'en finissait pas. On souffrait dans le quatrième et on ne pensait plus. Faire le vide, ne pas penser à ses jambes, à la fatigue,... Les pulsations atteignaient un niveau chaque fois plus élevé. Avant d'aborder le cinquième et pour se donner du courage, on se disait plus que deux. mais après 100 mètres on avait compris qu'il en restait 900 ! Tenir, allez,allez, encore, Ouf !! Marcher... Plus que un mais pas la possibilité de penser car l'effort pour le dernier reste trop considérable. Enfin, à bout d'énergie, mètre après mètre la ligne d'arrivée finale se gagnait à la volonté de s'accrocher. Ces entraînements appelés fractionnés permettaient à chaque joggeur d'atteindre un meilleur niveau en course.  Actuellement, après huit chimios sur 16 je suis dans le vide mental. Comme dans mon entraînement, trop loin de l'arrivée pour décompter, trop conscient de chaque difficulté, pas envie de me plaindre, trop fatigué que pour réfléchir aux chimios restantes. Garder son énergie et ne plus penser, tenir, s'accrocher, ne pas compter,...

Mercredi 13 avril

Après la chimio de lundi, Evelyne m'a aidé à monter jusque dans la chambre à coucher. Les forces me manquaient Les bras, les jambes, ne me portaient plus. Même couché, une fatigue terrible  envahissait tout mon corps.
C'est dû à l'effet de l'accumulation des produits dans le corps.  Ce mercredi, la fatigue est toujours très tenace. Au niveau des nausées,  pour la première fois à la maison, l'odeur de la nourriture me force à sortir pour respirer l'air extérieur. Ce n'est pas la gloire ! J'attends une amélioration...
Willy, mon ami, est venu m'apprendre à lire mes radios du thorax. Je ne comprenais rien à l'image. Je regardais chaque fois une tache noire qui n'était en fait qu'une poche d'air ! Celle-ci augmentait ou diminuait d'une fois à l'autre sans logique apparente. Je viens de visualiser pour la première fois l'étendue de la masse tumorale. En décembre lors de la première radio, elle était extrêmement étendue. Je comprends mieux les médecins qui me disaient lors de chaque rencontre "Au départ vous aviez une fameuse masse !" Actuellement, elle a bien diminué de moitié.
Comme nous sommes au milieu du traitement, je vais bientôt passer des contrôles. Un examen le lundi 25/4 pour une douleur au sein gauche (échographie) et deux autres mardi 26/4. Un à la Citadelle à 11h15 pour un scanner du thorax et l'autre à 13h30 au CHU pour une Pet scanner. Ma prochaine chimio sera donc le mercredi 27 avril. Un rencontre est prévue avec l'oncologue pour le 10 mai afin de recevoir les résultats.

Chimio 7 : Du 29 mars au 11 avril

Vendredi 8 avril  "17 années"

Alors qu'à la télévision, la messe d'enterrement de Jean-Paul II est au centre de l'actualité, je retiens son dernier mot "Je suis heureux, soyez heureux". Et pourtant ! Autour de moi, j'apprends que des personnes souffrent des suites d'un accident grave, voient le retour de la maladie,... D'autres cherchent un travail et effectuent une démarche active, ou aspirent à une guérison, cherchent un apaisement à leurs souffrances morales.  D'autres encore sont dans des projets de construction, de mariage, d'un voyage, de l'attente d'un enfant,...  Je pense à chacun et j'envoie tout mon courage !

Pour ma part, je suis  presque au milieu de mon long marathon mais déjà je suis las ! Lorsque je courais le marathon de Venise il y a deux ans, au vingtième kilomètre, une grande fraîcheur physique et mentale se dégageait de moi. Ici, le départ a eu lieu il y a quelques mois mais pour arriver l'effort reste considérable. la course est différente même si les supporters sont nombreux.  Il y a des moins : je sens le poids de l'inactivité, j'ai moins de créativité, moins de possibilités intellectuelles, ma mémoire me joue des tours, mon temps de concentration est réduit, les effets secondaires m'ennuient. Tout cela résulte de la chimio, des médicaments absorbés. Il s'agit donc d'une parenthèse importante pour et dans ma vie.
Il y a aussi des plus. Parmi mes occupations, je lis avec passion le "Code Da Vinci", nous avons  visité l'expo du 175 anniversaire de la Belgique, les visites à la maison, les coups de téléphones, ma famille,...  Hier, nous avons été invités par Jean-Pierre et Myriam à faire une balade extraordinaire près de Epen en Hollande. Tous ces petits moments de bonheur au quotidien me portent.

Vivre au jour le jour avec comme plus lointaine échéance ma prochaine chimio reste mon secret. Demain, nous aurons 17 années de mariage. Que le temps a passé vite ! Je suis particulièrement heureux de tout ce que j'ai vécu jusqu'à présent dans ma vie ! 

Jeudi 31 mars "Histoire de moi"

Pour sortir ce que j'avais au fond de moi, j'ai notamment choisi d'écrire. Ca me semblait une démarche nécessaire, un passage obligé. C'était un des buts que je m'étais fixé pour comprendre pourquoi cette épreuve se trouvait actuellement sur ma route. J'ai écrit pour moi avec un espace secret sur mon site web pour ma famille et mes amis.  Au fil du temps, ma démarche est devenue de plus en plus publique. D'anciens élèves, des connaissances, des inconnus, des amis dont je n'ai plus croisé la route depuis longtemps. A l'instant voici que je reçois un mail de ma meilleure copine de mon adolescence, Cathy. On ne s'est plus vu depuis tant d' années. Je suis très heureux de lire ce qu'elle m'écrit. Comme tous ces textes que l'on m'envoie. Ils  sont si profonds et remplis d'humanité. En écrivant, j'écoute parfois Laurent Voulzy qui m'accompagne en pensées et en musique.

"Mystère, de nous, passagers sur la terre, on est venu pour quoi faire, faire à quoi ça sert, parler ou se taire, travailler chercher des airs ?"  me chante-t-il.
Il m'arrive aussi de penser à cette autre phrase : "Dans cinq générations, quel souvenir restera-t-il de ta vie ?" Je me le demande bien souvent ces derniers temps ! Laissez une trace n'est donc ni indispensable, ni une raison de vivre. D'ailleurs,
je ne vois ni cathédrale, ni empire économique, pas plus que de hauts faits sportifs ou de découvertes médicales extraordinaires, d'inventions géniales,... Simplement de petits gestes. Un  parmi d'autres : j'ai planté des arbres, dont un chêne. sa croissance a été difficile au départ mais maintenant après environ 10 ans, il est bien parti. Certains chênes vivent millénaire et voient défiler des générations entières sous leur feuillage. Le mien, je ne sais quelle sera son histoire. Peut-être mes arrières petits-enfants se réinventeront-ils le monde à l'ombre de ce qui aura été au départ une simple pousse. Qui sait ? J'aime les histoires et particulièrement celle écrite par Jean Giono "L'homme qui plantait des arbres". Il m'arrive d'écouter plusieurs fois d'affilée le CD du récit de cet homme hors du commun qui s'était retiré du monde à un moment de sa vie. Chaque jour que Dieu faisait, il plantait des arbres. Il en avait planté tellement qu'une forêt immense avait vu le jour. Face à "cet oeuvre digne de Dieu qui avait demandé tant de courage et d'abnégation", les courses effrénées et les actions du quotidien paraissent bien peu de choses. Je le constate de plus en plus car je suis à l'arrêt maintenant. Cela m'est très difficile à accepter. L'acceptation est ce qu'il faut apprendre me dit souvent Marie-Claire. Ma vie a été une course et plus je la regarde, plus mon regard se tourne vers l'enfance.  
Mes besoins vitaux contrairement à mes grands-parents et les générations précédentes ont toujours été comblés. Je n'ai jamais eu à souffrir comme eux de la faim, du froid, de la guerre, de la mortalité infantile, des maladies, de l'insécurité,  d'un logement,...


Dans l'histoire de ma famille, mon grand-père maternel a dû quitter son village de Bianzano  pour chercher du travail alors qu'il devait avoir mon âge. Comme tous les hommes du village, il a quitté sa famille, son village, son pays, sa langue, sa culture, ses racines,... ! Lui, son périple à la recherche de travail pour subsister l'a mené en Afrique puis en Allemagne et enfin en Belgique dans les carrières à Dolhain.  Sa famille l'a suivi par après. C''est ainsi que ma maman est arrivée à 4 ans en Belgique.  A cette époque, les besoins se survie et de sécurité n'étaient pas rencontrés. Ma génération devient alors la première qui peut passer au palier suivant dans la pyramide de Maslow. Le palier de la relation, des besoins émotionnels.
Aujourd'hui, chez nous, l'enfant qui naît peut manger à sa faim, dormir, être au chaud et en sécurité mais en plus on lui donne aussi de la tendresse, de l'affection. Parfois, trop ! Trop, c'est comme pas assez. L'enfant à qui on donne "trop" risque de se sentir étouffé. Dans mon histoire, celle de mon enfance, puis de mon adolescence et enfin celle de l'adulte que j'étais, j'ai recherché sans cesse à rencontrer ces besoins émotionnels. J'ai cherché à faire briller mon blason intérieur que je ne croyais pas suffisamment à la hauteur des ambitions qu'on me prêtait.  J'ai cherché à prouver que je valais bien tout l'amour que l'on me donnait. Mon image étant notamment galvaudée par des résultats scolaires moyens  entre 10 et 15 ans. L'école ayant un sacré pouvoir de jugement, c'est toute la personne qui se trouvait "déclassée" ! Jugement de tout l'être par le biais de performances scolaires, par des comparaisons à la norme, ... Le regard de l'institution, le regard  de l'autre ! Pour ne pas ressentir ce profond mal être, je me suis recherché une image positive par l'action sociale, sportive, professionnelle, musicale,... Je me suis dépensé sans compter dans le travail, dans toutes ces  activités qui ne me laissaient  que peu de temps pour être en contact avec ce que je ressentais. Ce "faire des choses" est devenu ma raison de vivre.  "Et si l'on a besoin d'une raison de vivre pour se motiver à avancer dans la vie, c'est que l'on n'a pas encore compris  ce que vivre veut dire. Pour vivre avec son ressenti, pas besoin de s'accrocher à qui que ce soit ou à une quelconque raison de vivre." m'a dit Claudia Rainville. J'y réfléchis beaucoup ! Les deux derniers paliers de la pyramide sont l'action : le besoin de créer puis l'actualisation : le besoin de servir.



Mise à jour le Mercredi, 23 Février 2011 19:40