A tous ceux qui sont sur le chemin ! A celui qui arrive là où la montagne se dresse... - Page3 |
Écrit par Christophe Dechêne | ||||||||
Mercredi, 22 Décembre 2004 18:41 | ||||||||
Page 4 de 6 Mercredi 29 juin "Tous ces objets" Sculpture en bronze, Christophe, juin 2005 "Le sage" Hier, je suis passé à l'école, invité à un petit barbecue par mes collègues. Le retour sur mon lieu de vie professionnel et presque quotidien a été intérieurement assez difficile à vivre. Lorsque j'ai quitté l'école par un terne après-midi de novembre, au bout du rouleau, en promettant d'aller voir mon médecin traitant, je pensais rentrer soit le lendemain ou tout au plus 15 jours plus tard. On n'aime pas laisser ses élèves ! Alors, je continuais à mordre sur "ma chique" en espérant tenir jusqu'à Noël ! J'étais loin de m'imaginer l'épreuve qui m'attendait ! C'est ainsi que j'ai tout quitté en croyant revenir rapidement : mes stylos, mon plumier, mon bureau, mon tableau noir, ma mallette, mes préparations, mes livres, mes classeurs, mon journal de classe, mon local, tout ce petit monde familier que je m'étais créé au fil des ans. Tous ces objets, ces lieux, ce matériel,... qui m'étaient indispensables sont restés sur place. Mon Pompéi à moi ! A vrai dire, ils ont reposé sept longs mois sans que j'en aie besoin. Quand je pense à tout ce que j'ai entassé dans cette classe ! Aujourd'hui, je deviens le découvreur de ces "vestiges" de mon passé et je suis troublé ! Samedi 25 juin "Une vie de château" Ces derniers jours, la chaleur était accablante. Le thermomètre de l'Audi de Willy indiquait hier sur le coup de 19 heures, plus de 37 degrés. Se rendre à un spectacle de théâtre n'était pas vraiment la meilleure idée de la journée mais la date était convenue depuis plus d'un mois. Le spectacle avait lieu dans un château proche de Seraing. Cet endroit, cher à John Cockerill et aux frères Dardenne fait remonter en moi toute une série d'images surannées. C'est un quartier en bordure de Meuse juste en face du dernier haut fourneau de Wallonie. Vous savez, celui qui crache, toussote, fume mais vit toujours. De petites rues pavées font rebondir notre véhicule. La couleur terne des habitations tranchent avec le vert des arbres. A l'ombre des places, les enfants jouent tandis que les adultes, assis sur les bancs publics fuient la chaleur des habitations. On roule en commentant la beauté ou le charme désuet de tel immeuble. Mon regard se porte sur les habitations. Toutes les fenêtres sont ouvertes. Chacun recherche un peu d'air. Enfin, nous nous parquons dans une ancienne cour de récréation. Elle est pavée de gris et repose calmement à l'ombre de marronniers et des tilleuls. Les cris des bambins ont depuis longtemps quitté ce lieu enchanteur. Un peu de nostalgie se dégage de l'endroit. Les cours de récréation, moi, j'aime bien, surtout celle-ci car elle est vaste ! J'aime quand les enfants ont de la place pour courir, jouer et s'amuser de rien. Je replonge en images dans notre passé scolaire, dans mon enfance, dans "le Grand Meaulnes" d'Alain-Fournier. Dès que l'on descend de la voiture climatisée, l'air suffoquant s'engouffre dans nos narines. Le contraste est une fois de plus saisissant. Les martinets nous survolent et leurs cris stridents me font lever les yeux au ciel. Il est bleu et sans nuage. Pourtant, on attend tous l'orage. Celui qui fera redescendre la température. Celui qui nous permettra de sortir de notre torpeur. Un grande demeure bourgeoise du 19ième nous accueille. Rapidement, nous décidons d'aller prendre un verre dans les caves. C'est le seul endroit susceptible d'avoir pu préserver un peu de fraîcheur. Tout sent la transpiration et ils n'ont pas de Gini ! Tant pis ! A peine servis que déjà l'on vient nous chercher. Le chien lui aussi se lève et se déplace paresseusement vers un autre coin plus frais et moins fréquenté. Nous suivons le guide à la découverte de cette maison mystérieuse... Les planchers craquent sous nos pas, le plâtre des murs tombe par endroits, l'électricité est apparente et les faux plafonds datent des années 70. De grandes fenêtres laissent rentrer un peu d'air et de lumière côté cour. Coté Meuse, elles sont occultées afin de permettre aux comédiens de jouer sous les spots. Dans ce château, on finit par se perdre. L'esprit fatigue, la chaleur moite nous étouffe, le corps se traîne de salle en salle. Chacune est différente tant par la taille que par l'aspect. Des volées d'escaliers nous font passer d'un étage à l'autre ce qui nous permet de visiter cette maison de maître. Durant deux heures, ce centre dynamique et souriant nous aura proposé en 4 lieux, 4 spectacles variables par leur qualité. De débutants, encore assez scolaires, à l'actrice plus confirmée qui vit passionnément son rôle ou la danseuse qui nous emmène dans ses tourbillons chatoyants chacun exprime qui il est, raconte un peu de son histoire à travers son personnage. La créativité permet à l'Homme d'être soi-même, un individu différent qui se laisse découvrir. Le langage du corps et toute sa symbolique me plaisent. Chacun exprime ce qu'il est et plus loin que le texte, plus loin que le jeu, l'on découvre des êtres, des sensibilités, des vies. Ma vie à moi, c'est encore trois chimios et puis l'espoir. L'espoir d'une seconde vie qui a déjà commencé. Malgré que je ne me sois pas exprimé hier dans le cadre d'un atelier de théâtre, je pense qu'on pouvait lire rien qu'en me voyant une partie du chemin qui me préoccupe. Peut-être y avait-il des découvreurs d'âme dans ce château ? Qui sait ? Au fait ! Ce chanteau serait hanté... Chimio 12 du 7 juin au 21 juin Lundi 20 juin "Cécile" J'écris pour vous dire ma profonde tristesse suite au décès de Cécile, 26 ans. Hier après-midi, elle participait à son premier jogging de Verviers. Rien n'explique ce dramatique accident ! Seules des questions, la révolte, l'incompréhension. Personnellement, je ne la connaissais pas, mais sa maman m'en avait souvent parlé lors de nos rencontres. Une famille merveilleuse, généreuse, discrète ! Ayant été l'instituteur de Anne, sa soeur et de François, son frère, j'ai pu faire un bout de chemin à leurs côtés ! Il y a des rencontres qui marquent plus que d'autres. Pour moi, c'était bien le cas. Aujourd'hui, les enfants ont grandi. Le temps a passé, parfois même sans que l'on s'en rende compte. Tous ces petits moments de bonheur que l'on vit dans le quotidien auxquels on ne prête plus suffisamment attention parce qu'on court encore et encore.
Dimanche 19 juin "Jogging de Verviers" Aujourd'hui, c'est le jour du Grand Jogging de Verviers. Le soleil lumineux pousse déjà dans notre maison ses chauds rayons. Et nous ne sommes encore qu'aux petites heures de la matinée. Comme toujours la chaleur, sous le coup de 15 heures, sera bien au rendez-vous. Il faut savoir que Verviers est un des joggings les plus animés de nos contrées, avec des spectateurs massés sur tout le parcours qui cherchent des yeux tous ceux qu'ils connaissent. C'est une grande fête populaire tant pour ceux qui courent que pour ceux qui regardent. Je l'ai vécu plusieurs années comme étant l'objectif majeur de ma saison de jogging. Dès janvier, je n'avais que cette course en tête. Mais chaque année, je suis passé au travers suite à la pression trop forte que je me mettais et à la fatigue due à cette fin d'année scolaire. Je n'ai jamais pu faire mieux que 57'12. Alors, j'ai changé mon fusil d'épaule ! Ces trois dernières années, je l'ai fait avec Yves et quelques amis en participant déguisés. Nous n'avions que du plaisir d'animer, de faire rire, de prendre son pied... le temps ne comptait plus. Nous arrivions à chaque fois avec de nouveaux records : 1h25, 1h30, 1h35 ! Mais sur le parcours, nous n'arrêtions pas de parler, de faire demi-tour, de changer d'itinéraire, d'aller s'asseoir dans les jardins avec les gens,... Nous avions gagné l'an dernier le prix de meilleur déguisement. Titre que je ne saurai défendre cette année. J'ai bien sûr le choeur qui tire un peu et je me suis même demandé ce matin si je ne serais pas capable de le faire doucement à mon rythme ! Vanité... J'ai vite dû me raisonner ! Mais Yves a trouvé 15 choristes et sera déguisé en "Gérard Jeuniot". Je suis certain qu'il pensera à moi dans la course. La vie continue encore et encore. Jeudi 16 juin "Compostelle à vélo" Hier mes parents sont rentrés de leur périple à Compostelle, soit 2370 km à vélo en en peu plus d'un mois. Avec mes deux soeurs nous avons été les accueillir à leur descente d'avion. Durant le trajet du retour, la discussion a tourné bien entendu sur les ressentis, les émotions, les petits faits et aventures. Toute cette expérience vécue qu'ils ont vécu au quotidien ! De retour à la maison, j'ai assisté, ému, à la course effrénée de Sam 4 ans pour se jeter dans les bras de sa mami. Tout le monde était bien heureux autour des deux pèlerins. Une bonne sangria, un petit pain, un morceau de gâteau, des jeux pour les enfants,... C'était vraiment la fête hier soir. Je suis particulièrement frappé de voir que leur expérience de route peut, en bien des points, se comparer avec la route qui est la mienne. La durée, l'effort, les difficultés quotidiennes, l'incertitude, les doutes, les joies, le but, ... "On verra", "Si Dieu le veut", "Allez, courage" sont certainement des phrases que nous avons partagées en commun. Pouvoir, tout au long du chemin, partager son vécu avec les autres pèlerins permet de se rendre compte que chacun vit les mêmes difficultés. Ainsi va aussi la vie ! Chacun a des épreuves, toutes différentes certes, mais si semblables à la fois dans la façon de les affronter, de les vivre, de les surmonter pour en sortir différent. Pouvoir partager avec l'autre est certainement une des richesses qu'il nous est donné de développer encore et toujours. Dimanche 12 juin "Abbey Road à Dolhain" La fête de la musique, c'est partout en Communauté Française, ce prochain week-end. Souvent convivial, parfois ensoleillé, en fait un endroit idéal pour découvrir des artistes, rencontrer des amis et se faire plaisir. Dolhain, petite bourgade qui somnole le long de la Vesdre entre Verviers et Eupen, a eu la bonne idée d'avancer d'une semaine sa fête de la musique afin d'éviter la concurrence avec d'autres villes. On nous proposait en tête d'affiche le groupe Abbey Road qui interprète les Beatles. Paul, John, Georges et Ringo comme je ne les ai jamais vus ! Pourquoi ? Je ne sais pas. Mais toujours est-il qu'à partir de cette époque, j'ai collectionné toutes les chansons des Beatles soit en disque 33 tours soit en cassettes audios. Bien entendu, je n'ai jamais pu assister à un de leur concert, j'arrivais trop tard, les Beatles s'étant séparés au début des années 1970. Je dois cependant les avoir écouter tant et tant de fois que mon cerveau en a gardé une empreinte indélébile. Petit à petit, l'idée de pouvoir aller écouter Mac Cartney m'était apparue comme une évidence. Peu importe l'endroit où il se produirait en Europe ! L'important, c'était qu'il se décide à partir en tournée. J'ai pu concrétiser ce rêve un mois avant la naissance de Jonas, mon fils. Jeudi 9 juin 'Lundi, morne plaine" Lundi, morne plaine... C'est avec mon ami Dominique que nous avons décidé d'aller rendre visite à un ami commun chez qui un cancer des intestins venait d'être diagnostiqué. Je dois bien l'avouer, j'ai pris une gifle en pleine figure lorsque je suis rentré dans la chambre de cet hôpital namurois. Et pourtant, j'en ai croisé des cancéreux à la Citadelle. Mais lui, c'est un collègue de formation ! Je le rencontre depuis deux ans tous les samedis et tous les mercredis. Toujours le coeur sur la main, toujours pour faire plaisir. Une petite cigarette au bec, un costume classique et une fidélité envers chacun. La dernière fois que je l'ai vu, c'était il y a un mois d'ici, je l'ai trouvé un peu tracassé, certes fatigué, mais en bonne forme. Depuis lors, les nouvelles qui m'arrivaient, étaient franchement mauvaises.
De retour à la maison, j'ai rapidement pris la direction des cours de sculpture sur bronze où nos pièces restent malgré les promesses dans leur moule de plâtre. Des mois, à rester figées au lieu de trôner de tout leur bronze sous les projecteurs de nos salles à manger, de nos salons,... Rien ! Pas de coulée ! Le métal wallon ne se porte décidément pas bien ! Une fois, ce sont les produits qui sont en rupture de stock, une autre fois il faut faire face à des délais non tenus, enfin surviennent des problèmes techniques,.... En m'inscrivant naïvement à ces cours, je voulais développer ma créativité pour entrer en résilience. "La culture active et créative est un liant social qui donne espoir aux épreuves de la vie", nous dit Louise Poliquin. Par l'art, j'exprime mes émotions, mes passions, mes sentiments ! Me voici donc sans pièces, but ultime de cet atelier ! La seule que j'ai réalisée a été offerte à mes parents pour Noël... Enervement intérieur, questions inquisitrices envers l'animateur au lieu d'utiliser la communication non-violente. Retour à la maison avec des frustrations. J'ai eu beau respirer, regarder mon coeur, .... Ce lundi pourri aura conditionné mon mardi de chimio ainsi que mon mercredi. Comme un petit gamin, je ne voulais plus aller à l'hôpital. Comme un petit gamin, je sentais que ça n'irait pas ! J'ai tout de même poussé la porte de la Citadelle et une fois dans la chambre, j'ai "dégueulé" avant même que les produits ne me soient injectés. Mercredi pour la première fois depuis janvier, je n'ai pu me lever et encaisser sereinement mes nausées. En conclusion, plus que 4 chimios c'est vrai, mais je ne veux plus les vivre de la sorte. Il me faut accueillir mes peurs ! Pavlov quand tu nous tiens ! Samedi 4 juin "Protocole du 24 mai 2005" Diagnostic secondaire : Bilan pulmonaire :"fibrose" pulmonaire base gauche au scanner. Diminution de 10% de la TLCo/Va alors que Hb 10 au diagnostic et 12.6 actuellement. Sensation subjective de dyspnée plus marquée à l'effort... Stop bléomicine pour la poursuite du traitement (cure AVD) Bilan scan et Pet post C4 : Pet négatif au niveau de la masse médiastinale qui a regressé de + de 60% au scan. Foyer peu clair rétromammelonaire G par ailleurs, à suivre Commentaires : Evolution clinique correcte. Chimiothérapie poursuivie en ambulatoire.
Vendredi 3 juin "Tu fais quoi ?" Une seconde semaine de chimio, ça se passe comment ? Quelques activités et beaucoup de repos. Lundi matin, j'ai été me promener dans les bois du Staneux sur les hauteurs de Polleur. Il s'agit d'un grand bois de feuillus dont le chemin principal longe la crête. j'ai vu un écureuil, un chevreuil et... 4 promeneurs. Un aller-retour s'impose sur ce type de parcours assez rectiligne. Mes jambes sont rapidement devenues lourdes, je n'ai pas prolongé inutilement. Vers 18h30, je suis parti avec Willy à mon cours de sculpture sur bronze. J'ai coulé une pièce que j'avais réalisée il y a trois semaines. Une petite dame dans une longue robe. Je pense qu'elle sera très jolie ! J'ai également sculpté un cheval commencé une semaine auparavant. Il devrait encore recevoir à ses côtés la fille qui chuchoterait à son oreille. Cette sculpture sera pour Lola car le cheval, c'est sa passion. Actuellement, elle passe 3 jours par semaine à s'occuper de chevaux. J'ai proposé à Olivier dont, je suis le parrain, d'aller voir, après l'école, l'entraînement des Diables rouges à Spa. Personnellement, le côté magique que j'avais gardé de notre escapade bordelaise en 1998, lors de la coupe du monde en France avait totalement disparu. Georges, Francis, Christophe et moi, avions été à Bordeaux pour Belgique-Mexique. Un merveilleux souvenir humain ! Olivier était très heureux de son passage à la Fraineuse. Il a obtenu sept signatures de joueurs alors qu'il pensait en avoir deux ! Auparavant, nous avions été avec Evelyne, faire une petite balade du côté de Theux. Les souvenirs de mon passage comme maître de formation professionnelle à l'Ecole Normale ont vite ressurgit. Mercredi matin, j'ai été me promener avec Michelle au lac de la Gileppe. Cet endroit est actuellement l'endroit que je préfère : au calme, boisé, légèrement venteux car près de l'eau, ombragé et bucolique. Toutes ces rencontres avec d'autres personnes sont des instants magiques car nous échangeons sur les choses de la vie. Le soir, nous avons été chez Willy et Colette. Encore une occasion de refaire le monde autour d'un verre de vin. Un petit ! Mercredi 25 mai "80 ans" "Après dix séances, il faudra passer dans un autre groupe. Vous avez bien progressé ! Retirez votre bouée ! Dorénavant, vos deux brassards seront suffisants. Le grand bassin vous attend. N'ayez pas peur, il n'y aura pas de différence... !" Dans ma chambre, un nouveau compagnon s'était installé alors que je passais d'un examen à l'autre. Il avait de grosses lunettes au milieu du visage, des cheveux gris encore bien présents, une toison blanche hirsute s'échappait de sa poitrine. Son rythme était lent, son regard vif, son oreille défaillante. Monsieur L. dans son beau pyjama bleu, défaisait sa valise et s'installait dans sa nouvelle chambre. On venait juste de le changer de service. C'est ainsi que je fis sa connaissance. Nous parlâmes, d'abord de contingences matérielles. Ensuite, son discours devint plus philosophique et chargé de bon sens. Il me parlait lentement avec de petites phrases et trouvait que le monde ne tournait pas rond. Il me parla d'Erasme, de Nietsche, de Spinoza puis encore de ses fils qu'il ne voyait plus, des choses simples de la vie, de ce qu'il aimait cuisiner comme des pommes de terre coupées en fines rondelles, mélangées à du persil et de petits oignons rouges menus hachés, le tout cuit à l'huile d'olive. Il avait toujours mangé sainement : beaucoup de fruits ainsi que des légumes de son jardin,... Monsieur L avait 80 ans et se disait diminué dans son attention, sa concentration. Pourtant, même s'il perdait parfois le fil de ses idées, il me donnait l'impression de raisonner comme peu de gens le feraient encore à son âge. C'était vraisemblablement un homme sage. Un homme qui avait surmonté bien des épreuves dans sa vie. Vous savez, celles qui forgent la caractère et dont on se passerait volontiers. Dans la journée, j'ai assisté à l'arrivée du médecin qui venait lui annoncer qu'enfin on avait découvert le mal dont il souffrait. Lui qui n'avait presque jamais été malade ou hospitalisé, il venait de tirer le gros lot. Il souffrait de la même maladie que moi, un Hodgkin à un stade très avancé. Comment un homme seul, de cet âge et de cette lucidité pourra-il supporter 8 mois de chimiothérapie ? Je sentis tout le désarroi de cet homme. La peur aussi, la résignation, l'humanité. Il se mit au lit, se recouvrit le corps des ses draps comme pour s'enfouir. Il ne parlait plus. La chimio était une des deux alternatives. L'autre consistait à ne rien faire. Cependant, la maladie finirait par l'emporter. Je n'aurais pas su le conseiller et j'aurai même compris qu'il se résigne. La vie, même en bout de course, n'est pas toujours juste. Les heures passèrent, il se réfugia dans le sommeil et respirait difficilement. J'aurai voulu qu'il s'en aille paisiblement sans avoir à affronter cette dernière épreuve. Pour moi, l'heure du retour sonnait. Nous nous sommes longuement serrés la main sans rien dire. Ses yeux se sont mis à couler légèrement. Je lui ai simplement dit que je penserai beaucoup à lui . J'ai retiré ma main de son emprise et je suis parti. Lundi 23 mai "Rentrée à l' hôpital" C'était prévu ! Je rentre ce lundi pour des examens et mardi pour la chimio. C'est donc mon retour en hospitalisation. Fini pour cette fois-ci l'hôpital de jour. Heureusement qu'Evelyne se souvenait que je devais être à jeun. En téléphonant ce matin en salle 26 pour vérifier l'information, j'ai appris que je devais passer un scanner du thorax. Merde ! Avec le produit de contraste qu'on m'injecte, je suis mal pour le reste de la journée. Mon sac est rempli de trois livres dont un roman, un lecteur cd audio avec le disque bleu des Beatles et un autre de Maxime Leforestier. On y trouve également 3 boîtes de Schweppes. C'est la seule boisson que je supporte pour le moment. J'ai aussi pris la liste des médicaments que je devais recommander, il y en a 7 en tout. Mon rasoir est resté à la maison. Il faut dire que c'est un des seuls avantages de la chimio. Terminé le rasage quotidien, je peux rester une bonne semaine sans me raser. Ce matin, je me rends à la Citadelle avec Mary, qui fait le crochet pour me déposer avant de se rendre à son travail. A l'entrée, j'irai me chercher un quotidien ou un magazine. Ensuite, je prendrai l'ascenseur jusqu'au second étage. Je prendrai possession de ma chambre double. Au programme de la journée : prise de sang, scanner, test respiratoire, radios des poumons, ... Mardi 17 mai "Du bout du monde, du fond de mon âge" Internet ! Pourquoi ne pas utiliser cet extraordinaire moyen de communication pour informer mes proches. C'était mon idée lorsque j'ai appris de quel mal je souffrais. Une bonne idée, non ? J'avais vite compris que partager ses doutes, ses espoirs, expliquer au téléphone en répétant les mêmes informations, demandait beaucoup d'énergie. Sur cette page, j'y ai laissé de mes nouvelles, puis petit à petit, toutes mes impressions, mes émotions, mes hauts et mes bas, ma vie. Internet a fait rentré le monde dans ma vie. Internet a fait remonter le temps à la surface. Nathalie, il y a quelques mois, m'avait demandé pour reprendre une partie de mes textes afin de les traduire, de les travailler avec ses étudiants de l'Université de Grenade. Cela me semblait déjà extraordinaire de voir la destinée de ces écrits. Vendredi dernier, quelle ne fut pas ma surprise d'apprendre que le Vif l'Express invitait ses lecteurs à se plonger dans ma page chimio. Ce qui est sur le net, même si l'on désire lui donner un caractère personnel, devient vite public. J'accueille ce qui arrive comme un cadeau. Suite à cet article, j'ai reçu des messages de divers points de la région francophone du pays. C'est assez incroyable de lire ces messages d'encouragement ou relatant un parcours similaire au mien. Internet permet une communication au-delà des horizons connus... Ce matin, via la poste, cette fois, Bernard avait ouvert le bal ! Il m'a envoyé une carte postale de Chicago, lui qui est à Kansas City pour un an. Ensuite cet après-midi, voici que je reçois un mail d'Etienne qui était louveteau alors que j'animais la meute du Petit-Peuple dans les années 80. Etienne m'écrit de Perth en Australie. Il me joint des photos et me parle de sa vie. On ne s'est plus vu depuis tout ce temps mais l'image est nette, précise.... Le temps se compresse, les instants du passé remontent à la surface avec le sentiment que c'était hier. Hier, c'était un mail de ma cousine Colette. Nous nous sommes perdus de vue et sans cette épreuve, le contact ne se serait fait que fortuitement, un jour ou l'autre. En fait, depuis que je suis en chimio, l'espace et le temps n'ont plus tout à fait la même valeur qu'avant. Je reçois des messages venus du fond de mon temps, de plus loin que l'oiseau, à tire d'ailes, ne peut se rendre. L'espace se réduit, le temps ne garde que les souvenirs de ces instants magiques que sont les moments partagés. Pourtant août me semble encore si loin ! Alors, rien de mieux que de goûter le moment présent. C'est ce que j'ai fait aujourd'hui en allant me promener tout seul dans les bois de la Gileppe. Seul avec le chant des oiseaux et le bruit du travail des bûcherons ! Tout seul et hors du temps. Ce temps qui file autour de moi! Mercredi 11 mai "Nouvelles" Avant toute chose je voudrais vous faire part du départ de mes parents pour Saint Jacques de Compostelle. Ils sont partis ce matin en VTT,au départ de l'église Saint Jacques de Polleur. De nombreux amis étaient là pour leur signifier qu'ils les accompagneraient en pensées tout au long du trajet. Quel plaisir de voir tous ces amis, réunis en comité d'accueil sur la petite place du village. Quelques petits mots sympas dans l'église locale avant le vrai départ. La première étape les emmenait par Theux, Pepinster, la vallée de la Vesdre, celle de la Meuse jusque Andenne où ils logeront chez leur ami Jacques, ça ne s'invente pas ! Aujourd'hui, Fernand les attendra à Angleur afin de faire quelques kilomètres ensemble. Samedi, Paul et Malou les retrouveront à Monthelon. Les jours qui suivront les verront prendre la route de Vézelay où Agathe et Arnold viendront les rejoindre pour un ou deux jour(s) de repos. Diverses motivations accompagnent ce voyage, vous pouvez en imaginer quelques unes. Je leur souhaite une bonne route, beaucoup de joies, des rencontres multiples, pas trop de chiens vagabonds, des paysages enchanteurs, de la force pour surmonter les souffrances physiques et morales, des mollets bien huilés pour affronter les montées petites et grandes et enfin beaucoup de soleil,.... Ils vont accomplir chaque jour environ 80 km. La distance est de 2500km. L'arrivée est prévue vers le 13 juin. Hier j'ai vécu une rude journée. La plus difficile à encaisser. Le médecin m'a gentiment expliqué que ce serait de plus en plus difficile au niveau des effets secondaires. J'ai été malade toute la journée, température, courbatures, plus de forces. Cette fois ce sont mes enfants qui m'ont aidé à monter jusqu'au lit. Ce matin, cela va un peu mieux. Les résultats sont, à mon idée, moins probants que ce que à quoi je m'attendais. Hier, j'étais déçu mais aujourd'hui, je me dis que ce n'est pas grave car je continue d'avancer. Je dois faire confiance. De ma visite hier : Je n'ai pas encore de traitement pour mes douleurs au sein. J'attends ! Le pet scanner (de toutes petites images en noir et blanc de 4cm sur 3) montreraient d'après l'oncologue qu'il n'y a plus pour l'instant de cellules actives, ce qui est une bonne nouvelle. Le scanner du thorax montre toujours une masse importante. A la moitié du traitement, elle devait avoir diminué de moitié. Cependant les premiers clichés (décembre) se trouvent sur un Cd-rom. Le médecin n'a pas l'ordinateur adéquat pour les lire ces images ! Donc pas de comparaison possible entre le scanner effectué à Verviers en décembre et celui de mardi dernier. Je reste dans l'expectative. Idem pour les radios des poumons qui se trouvaient chez moi. Je pensais que le médecin en avait gardé des copies ! De nouveau, pas moyen de comparer. Je ne sais donc pas dans quelle proportion ce fameux ganglion diminue. C'est moche de rester dans l'incertitude ! Autre chose, j'ai un petit "infiltrat" au niveau d'un des poumons. Je m'en plaignais depuis un mois. Le médecin me fait rentrer mardi 24 mai en hospitalisation pour effectuer divers test : respiratoires, radios,.. le but est de voir si un des produits de chimio, la bléomicine, celui qui d'après le cancérologue d' Amstrong (le coureur cycliste) détruit les poumons, doit toujours faire partie de mon traitement ! Le médecin m'explique que le protocole prévoit 4 produits de chimio mais rien ne prouve que la bléomicine est indispensable. Ce n'est pas un discours qui me rend serein ! Je suppose qu'il envisagera de le "balancer" comme il dit ou de le remplacer ? On verra... Une dernière chose: les piqûres à 1500 euros pour mes globules blancs, une tous les 15 jours, c'est terminé ! La firme ne les offre plus ! Je devrai revenir à l'ancien produit, c'est à dire une injection sous-cutanée qui se fait chaque jour. Ce matin, je continue ma route, avec quelques doutes, c'est vrai. Heureux d'avoir passé la cap de la journée d'hier et de me sentir un peu mieux. Depuis samedi, lettres, visites, téléphones, mails,...continuent d'affluer. Philippe, Gio, Nicole, Dominique et Jean-Pierre, Marie-Claire, José,Gabrielle, Jean-Pierre, Willy et Colette, Sylvianne, Yves, Michel, Charles et son épouse, et tous les autres que j'oublie. J'en ai de la chance ! Merci à eux, merci à chacun qui me lit, qui pense à mes petits soucis, merci à ma famille qui m'aide à surmonter les difficultés. J'ai enfin une pensée particulière pour Christian, un ami d'Eghezée, chez qui on vient de découvrir un cancer des intestins et pour François qui vient de perdre son papa. Je leur envoie tout mon courage. Chimio 9 du 27 avril au 10 mai Lundi 2 mai "Lectures" On constate que certains enfants traumatisés résistent aux épreuves, et arrivent même à les utiliser pour devenir encore plus humains. Il ne s'agit pas de surhommes ou d'invulnérabilité. Ils sont arrivés à "associer l'acquisition de ressources internes (Dans nos premières années, lors de nos interactions préverbales, comment réagissions-nous face aux agressions de l'existence) affectives et comportementales avec la disposition de ressources externes sociales et culturelles." (Boris Cyrulnik, Les vilains petits canards). Par ressources externes, il entend le fait que tout le monde doit participer à la résilience. Trouver des lieux d'affection, d'affectivité et de paroles. Dans le quotidien, c'est autant le voisin qui s'inquiète de l'absence de la vieille, que le sportif qui fait jouer les jeunes du quartier, que la chanteuse qui rassemble une chorale, le philosophe qui doit mettre au monde un concept et le partager,... "Chaque personne chemine au cours de la vie, le long de sa propre voie qui est unique" (Bowly, L'avènement de la psychiatrie développementale a sonné). Mettre en oeuvre des actions pour s'éloigner de souffrances passées et donc actuelles, transformer la douleur pour en faire un souvenir que l'on peut se remémorer, avec lequel on peut prendre du recul, accueillir ses sentiments, s'ouvrir à ses émotions. Dans la course quotidienne, on dispose rarement d'un temps d' écoute intérieure. C'est ainsi que différents mécanismes de défense sont mis en place : le déni, l'isolation, la fuite, l'intellectualisation, la créativité (par l'art). "On ne réussit jamais à effacer nos problèmes, il en reste toujours une trace, mais on peut leur donner une autre vie plus supportable." (Cyrulnik). On constate aussi, que certains portent le poids de blessures qu'ils n'ont pu surmonter. Lorsqu'une émotion intense affecte une personne, elle peut donner lieu à des manifestations de disharmonie dans son organisme. Si l'on ne veut pas refouler ses émotions, il est nécessaire de comprendre que l'on doit exprimer nos sentiments et nos besoins. Pour Claudia Rainville, la seule façon de nous libérer est de retourner dans les événements qui nous ont fait souffrir pour les dédramatiser et pour en transformer la compréhension de ce qui a fait naître ces émotions et ces sentiments. Pour se libérer de ce mal de vivre, il faut fouiller dans sa mémoire et retrouver l'événement qui a pu donner naissance à ce mal. En se retrouvant face à soi même, au calme, détendu, l'adulte que nous sommes n'a plus qu'à y retourner pour aller accueillir l'enfant qu'il était et qui souffrait. Le cerveau ne fait pas la différence entre le réel et l'imaginaire pourvu que ces nouvelles images soient vécues comme réelles, il les accepte. Jeudi 28 avril " A la mi-parcours, les martinets sont de retour" Ouf ! Les trois examens sont derrière moi ainsi que la chimio. Je viens de franchir la mi-parcours. 4 mois déjà que je "chimiote" ! J'attends les résultats avec calme et sérénité. Ce matin, je me suis levé en meilleure forme que les fois précédentes. C'est plus encourageant et d'ailleurs, le soleil est de la partie. Mardi, l'examen du scanner du thorax a été particulièrement difficile à vivre. L'injection d'un produit de contraste auquel je semble être allergique m'a donné l'impression d'avoir perdu tout le bénéfice de 15 jours de repos. Les nausées fortes, la fatigue sont réapparues avec force. Pour le Pet scanner, il s'agit maintenant de voir si des cellules cancéreuses sont toujours actives. L'examen fut meilleur. Après cet examen, nous nous sommes arrêtés à l'abbaye de Brialmont avec Evelyne. Un endroit très reposant. Nous avons acheté parmi les livres, cartes et produits alimentaires proposés une boîte de champignons. Le soir, nous avons eu droit à un steak, champignons crème. Ils étaient excellents !
Chimio 8 : Du 11 avril au 27 avril Lundi 25 avril "Avoir peur" Me voici arrivé face à mon triptyque. Examens et chimios, de la Citadelle au CHu : scanner, pet scanner, échographie, chimio ! Dans les chambres doubles de la Citadelle, je rencontre à chaque fois une autre personne qui fait face à cette épreuve terrible. Cette épreuve qui vient se dresser à un moment sur notre route. Je me souviens de chacun, je vous en ai déjà parlé. Mon premier équipier de chambrée avait une longue expérience derrière lui, de nombreux mois de chimio. C'était une jeune gars, très sympa, en bonne forme physique. Mentalement, il me semblait fatigué, comme toute personne dont la durée du traitement ne permet pas encore d'entrevoir la fin. Assez ! Plus envie d'écouter des dvd, lire des livres, écouter de la musique,... tous ces passe-temps qui occupaient ses premières semaines. Il parlait peu, juste une communication mesurée. C'était un échange bref mais vrai de celui qui a déjà enduré l'effort et qui préserve toutes ses forces. Je me souviens qu'on lui avait annoncé après un scanner de contrôle que des cellules cancéreuses avaient été découvertes à un nouvel endroit. Dur à avaler, juste possible d'encaisser, plus moyen de se révolter, accepter et faire confiance. Je repense à ce moment alors que je suis à mi-parcours. Depuis un mois j'ai une douleur au sein gauche et aujourd'hui, je me présente chez le médecin. Toute la phase de peur(s) qui précède le verdict, je l'ai déjà connue avant que l'on découvre que j'étais porteur de la maladie d'Hodgkin. J'avais eu tellement peur,... ! Changer son mode de pensée n'est pas facile? Et pourtant voici ce que me propose Marie-Claire : "Accueille tes peurs, ressens-les, écoutes-les, vis-les. Donne-toi un moment pour te retrouver avec elles." On n'a pas peur de ce que l'on connaît mais bien de ce que l'on ne connaît pas. Chacun a des peurs ! Premier examen, La Citadelle : En arrivant au quatrième étage, rien que des femmes et quelques enfants. Normal, je suis en sénologie. Ca discute partout, les enfants ne tiennent pas en place. Les regards convergent vers moi. Je me demande ce que je viens foutre ici ! Une infirmière sort d'une des nombreuses portes puis c'est l'appel. Je suis un peu inquiet car le nom de mon docteur n'est indiqué sur aucune. Une porte s'ouvre. La voix de l'infirmière couvre le brouhaha général. "Madame Dechêne"... Ca commence bien ! Je me lève et rectifie "je suppose que vous cherchez monsieur Dechêne, pas madame!" L'infirmière est confuse. Mammographie des deux seins, appel chez le médecin. "Vous venez pour des nodules ?" Etonné : "Non, j'ai mal au sein gauche !" le verdict tombe : "Ce n'est pas très grave me dit-il. Une gynécomastie" ou un nom barbare dans le genre. Je me fais expliquer trois fois . A la fin de chaque explication, il me salue. Je repose une question. Trois fois, il me dit au revoir. Ca roule ici ! Certainement un dérèglement,... ? Je me vois prescrire une une prise de sang que je réclame car mercredi je suis en chimio. Mon triptyque diminue. Les peurs fort présentes vendredis, moins perceptibles lundi matin font place à un état paisible.
Dimanche 17 avril " Entraînement jogging" Ecoute le proverbe de ce dimanche : " Lorsque jeudi, avec deux de tes charmantes collègues tu te promènes. Lorsque vendredi, avec ton ami Philippe tu vas visiter une nouvelle construction et ses dépendances avant d'aller boire et manger. Lorsque tard le soir, tu parles et tu bois avec tes amis de retour du Mont Ventoux. Lorsque samedi, dans un magasin, tu vas tester des fauteuils et qu'avec ta femme le soir, tu essayes de rester debout dans une très sympathique retrouvaille d'anciens élèves de l'école primaire,... ne t'étonne pas d'être fatigué au levé et consacre le dimanche à ton lit car tes jambes ne te tiennent plus." C'est un peu ce qui m'arrive. Je me suis endormi trois fois dans la journée de samedi, fatigue quand tu nous tiens. Je compare cette période aux entraînements que je faisais lorsque je préparais le marathon de Venise. Un des entraînements consistait à courir 6 fois un kilomètre (2 tours et demi de la piste d'athlétisme) en une durée de 3 min 50 secondes. Après chaque effort, on pouvait trottiner 200 mètres avant de repartir toutes foulées dehors pour le kilomètre suivant. L'effort devait être régulier. Tout était calculé. La vitesse, le temps de passage à chaque 100 mètres, le rythme cardiaque, le nombre de tours qu'il restait à courir (plus que deux tours, plus que un tour, plus que 300 mètres,...). Comme on courait à plusieurs, nous formions un petit train de fous du stade. le premier kilomètre ne posait pas trop de problème mais on sentait le poids de l'effort. Lorsqu'on lançait le second, après 200 mètres on avait compris qu'il faudrait s'accrocher. Au départ du troisième, il ne fallait plus penser à rien car il semblait impossible d'arriver au bout des 6 "fractionnés". L'effort n'en finissait pas. On souffrait dans le quatrième et on ne pensait plus. Faire le vide, ne pas penser à ses jambes, à la fatigue,... Les pulsations atteignaient un niveau chaque fois plus élevé. Avant d'aborder le cinquième et pour se donner du courage, on se disait plus que deux. mais après 100 mètres on avait compris qu'il en restait 900 ! Tenir, allez,allez, encore, Ouf !! Marcher... Plus que un mais pas la possibilité de penser car l'effort pour le dernier reste trop considérable. Enfin, à bout d'énergie, mètre après mètre la ligne d'arrivée finale se gagnait à la volonté de s'accrocher. Ces entraînements appelés fractionnés permettaient à chaque joggeur d'atteindre un meilleur niveau en course. Actuellement, après huit chimios sur 16 je suis dans le vide mental. Comme dans mon entraînement, trop loin de l'arrivée pour décompter, trop conscient de chaque difficulté, pas envie de me plaindre, trop fatigué que pour réfléchir aux chimios restantes. Garder son énergie et ne plus penser, tenir, s'accrocher, ne pas compter,... Mercredi 13 avril Après la chimio de lundi, Evelyne m'a aidé à monter jusque dans la chambre à coucher. Les forces me manquaient Les bras, les jambes, ne me portaient plus. Même couché, une fatigue terrible envahissait tout mon corps. Chimio 7 : Du 29 mars au 11 avril Vendredi 8 avril "17 années" Alors qu'à la télévision, la messe d'enterrement de Jean-Paul II est au centre de l'actualité, je retiens son dernier mot "Je suis heureux, soyez heureux". Et pourtant ! Autour de moi, j'apprends que des personnes souffrent des suites d'un accident grave, voient le retour de la maladie,... D'autres cherchent un travail et effectuent une démarche active, ou aspirent à une guérison, cherchent un apaisement à leurs souffrances morales. D'autres encore sont dans des projets de construction, de mariage, d'un voyage, de l'attente d'un enfant,... Je pense à chacun et j'envoie tout mon courage ! Pour ma part, je suis presque au milieu de mon long marathon mais déjà je suis las ! Lorsque je courais le marathon de Venise il y a deux ans, au vingtième kilomètre, une grande fraîcheur physique et mentale se dégageait de moi. Ici, le départ a eu lieu il y a quelques mois mais pour arriver l'effort reste considérable. la course est différente même si les supporters sont nombreux. Il y a des moins : je sens le poids de l'inactivité, j'ai moins de créativité, moins de possibilités intellectuelles, ma mémoire me joue des tours, mon temps de concentration est réduit, les effets secondaires m'ennuient. Tout cela résulte de la chimio, des médicaments absorbés. Il s'agit donc d'une parenthèse importante pour et dans ma vie. Vivre au jour le jour avec comme plus lointaine échéance ma prochaine chimio reste mon secret. Demain, nous aurons 17 années de mariage. Que le temps a passé vite ! Je suis particulièrement heureux de tout ce que j'ai vécu jusqu'à présent dans ma vie ! Jeudi 31 mars "Histoire de moi" Pour sortir ce que j'avais au fond de moi, j'ai notamment choisi d'écrire. Ca me semblait une démarche nécessaire, un passage obligé. C'était un des buts que je m'étais fixé pour comprendre pourquoi cette épreuve se trouvait actuellement sur ma route. J'ai écrit pour moi avec un espace secret sur mon site web pour ma famille et mes amis. Au fil du temps, ma démarche est devenue de plus en plus publique. D'anciens élèves, des connaissances, des inconnus, des amis dont je n'ai plus croisé la route depuis longtemps. A l'instant voici que je reçois un mail de ma meilleure copine de mon adolescence, Cathy. On ne s'est plus vu depuis tant d' années. Je suis très heureux de lire ce qu'elle m'écrit. Comme tous ces textes que l'on m'envoie. Ils sont si profonds et remplis d'humanité. En écrivant, j'écoute parfois Laurent Voulzy qui m'accompagne en pensées et en musique. "Mystère, de nous, passagers sur la terre, on est venu pour quoi faire, faire à quoi ça sert, parler ou se taire, travailler chercher des airs ?" me chante-t-il. |
||||||||
Mise à jour le Mercredi, 23 Février 2011 19:40 |