A tous ceux qui sont sur le chemin ! A celui qui arrive là où la montagne se dresse... - Page2
Écrit par Christophe Dechêne   
Mercredi, 22 Décembre 2004 18:41
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A tous ceux qui sont sur le chemin ! A celui qui arrive là où la montagne se dresse...
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Août 2005, Bosberg dans le Limbourg

 

Du 22 décembre 2004 au 6 octobre 2005

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Après ma chimio   à partir du 15 août

Jeudi 6 octobre "stress"

C'est le retour du stress et des périodes faites de hauts et de très bas. J'ai pleuré toute la matinée mardi après le coup de fil de l'oncologue. Les résultats de la ponction effectuée sur les ganglions découverts lors du dernier Pet scan et de l'échographie est négative. C'est déjà ça de pris. L'oncologue m'a cependant bien signifié que ça ne voulait rien dire. Demain à 8 heures, j'ai un rdv avec le chirurgien qui va m'opérer. Le but sera d'enlever un ganglion pour analyse afin de ne laisser planer aucun doute. L'hospitalisation se fera mercredi prochain certainement en hôpital de jour.

Depuis qu'ils ont été me ponctionner vendredi dernier, mes démangeaisons ont redoublé. Le corps est maintenant touché. Chaque chatouille me replonge dans l'horreur de ce qui a précédé. Le stress y est peut-être pour quelque chose !

Soit le résultat est négatif et je remercie le Seigneur, soit il est positif et je suis de retour à la Citadelle pour un traitement de chimio plus lourd et nécessitant des hospitalisations. Résultats vendredi ou lundi de la mi-octobre.

Au fond de moi-même, j'essaye d'y croire de me raccrocher à ma bonne étoile mais c'est difficile. Je fais du Reiki, des visualisation, je prie, j'essaye d'être actif. Hier matin, par exemple, j'ai été courir 1h15, à 120-130 pulsations, avec mon cousin. Chose que je n'avais plus faite depuis 2003 !

Lorsque les miens sont à la maison, la vie est plus belle !

Dimanche 2 octobre "Le retour"

Une grande et bonne nouvelle ! La petite Lou est née ce dimanche matin. Elle sera la troisième enfant de ma soeur Béné et de son mari Pilou. Nous avons été partager leur joie ce midi après le match de Jonas. Lola, ma fille est la marraine ! Sam et Léo, les heureux petits frères ont passé tout l'après-midi à la maison. Un vrai bonheur dans ma vie !

Pour ma part, j'avais secrètement espéré que tout serait terminé avec la fin de la chimio et que le retour à la vie normale m'éloignait petit à petit de mon état de malade.

Ce n'est malheureusement pas, encore, le cas ! Lors de la mammographie de vendredi, le sénologue a bien trouvé la trace de 4 ganglions entre l'épaule et le sein gauche. Le plus grand mesure 12 mm de diamètre. Cette zone avait déjà été mentionnée comme "foyer peu clair à surveiller"  fin mai lors du second Pet scanner et confirmée le 23 août lors du troisième passage. Le paradoxe m'a dit l'oncologue, c'est qu'il n'y avait rien dans cette zone au départ et que d'autre part tous les nombreux autres ganglions ont soit disparu ou sont devenus des zones résiduelles (non-active). Le sénologue m'a fait trois ponctions à l'aide d'aiguille dont une en profondeur. La douleur physique n'est rien par rapport au choc psychologique ! Les larmes coulent toutes seules.

Willy m'a accompagné ce jour et m'a encouragé en dédramatisant et en m'encourageant. C'est un coup dur pour toute la famille qui vit et porte ce combat avec moi depuis le début. Mes enfants sont fantastiques comme mon épouse qui sont certains de la bonne tournure future des événements. Pour le moment, j'ai décliné toutes les invitations du week-end car je n'avais pas envie de devoir raconter une fois de plus ce nouveau coup du sort. J'attends les résultats des ponctions qui, s'ils sont négatifs, seront complétés par une biopsie.

Le médecin ne s'est pas épanché sur la suite des événements car il attend les résultats. jeudi peut-être ?  Un passage par des rayons me semble probable vu le retour des démangeaisons. Je suis de nouveau dans une phase d'attente et d'incertitudes, les pires... Pas besoin d'en dire plus ! J'accueille ce qui m'arrive avec le plus de courage possible.

Mercredi 28 septembre 2005 "Nouvelles"

Vendredi me semblait si loin ! Le 30 septembre... Depuis lundi midi, mon moral est meilleur. Merci Bernard ! Mardi, nous avons été nous promener dans les bois du lac d'Eupen avec Evelyne. C'était une superbe balade de 6km.

Je me gratte toujours et la douleur au sein est bien présente, même plus forte qu'auparavant. J'attends vendredi et son premier verdict avec plus de confiance qu'il n'y a quelques jours. Voici deux nuits que je rêve que mon mal s'en va. C'est un signe ! De plus pour m'encourager, je lis les petites phrases offertes par Marie-Claire, celles que j'avais emportées à Rome.

Aujourd'hui, j'ai été à Eghezée où j'ai rencontré quelques amis et connaissances. Je m'occupe l'esprit et essaye de faire confiance à ce que je ressens. Un beau programme déjà tant de fois énoncé et chaque fois à recommencer. Il est probablement plus difficile psychologiquement de vivre son après chimio que la période  où l'on est sous surveillance médicale où c'est surtout le corps qui trinque. La période actuelle est un combat où l'on se trouve bien souvent KO debout. Il faut donc trouver des ressources pour soi-même et pour ses proches. Le fait d'expliquer chaque fois à l'entourage que le combat n'est pas fini, que le doute est toujours bien réel et que les peurs sont terribles est assez difficile.  Demain soir, je commence des ateliers de peinture avec Willy.

Mardi 20 septembre 2005 "Pfff.....!"

Samedi soir, je suis rentré de Rome où je me suis rendu avec mon ami Willy. Notre séjour a été formidable. Je n'ai cependant pas trop envie d'en parler car il s'agit d'une démarche personnelle. Tout semble rouler et pourtant ! Depuis 15 jours, je suis très fragilisé par le retour de démangeaisons. J'en ai compté 42 durant une heure. Ces démangeaisons me reportent durant les 3 ans 1/2 qui ont précédé la découverte de la maladie. Une période durant laquelle j'ai cherché sans jamais trouver ce qui m'arrivait. Ici, ça recommence...  la repousse des poils ? Je n'en suis pas convaincu....

Les peurs, l'angoisse, les scénarios dramatiques qui s'élaborent ! Qu'est-ce que je n'ai pas encore compris...  Je m'occupe et j'essaye de faire confiance à ce que je ressens. Pas facile ! Chaque chatouille me renvoie comme un coup de poignard à mon histoire ! Que va-t-il se passer ?

Première étape, la mammographie du 30 septembre pour contrôler le problème découvert au sein gauche lors du dernier Pet scanner (23 août) puis attendre les résultats. J'ai bon espoir qu'il s'agisse bien de la gynécomastie présente dès le mois de mai. Ensuite, le prochain scanner de contrôle aura lieu le 10 novembre mais avec les démangeaisons et les peurs qu'elles engendrent, je ne tiendrai certainement pas jusque là. L'oncologue à qui j'ai fait part de mes peurs reste à l'écoute et me demande de l'avertir si ces démangeaisons s'amplifient. Il lui semble qu'il n'y a pas de raison majeure de s'inquiéter mais lui n'est pas passé par ce que j'ai vécu.

Aujourd'hui, j'ai lu un peu de pédagogie, j'ai coupé mes haies, dîner avec ma fille, fait du VTT. Impossible de ne pas s'occuper l'esprit sinon je plonge. Je n'ai plus envie de rien raconter actuellement. C'est comme ça !

Mercredi 7 septembre "Visite chez le spécialiste"

La douleur au sein gauche est peut-être une inflammation. Le docteur ne peut faire un diagnostic précis sur base des seules images des scanners et reste prudent. Il m'envoie donc en "urgence" chez un sénologue pour (re)faire une mammographie et si possible une ponction.  Dans l'ensemble, il est positif car je reviens de loin. Ma situation début janvier était préoccupante. Je me rends maintenant mieux compte de mon état initial.

Aujourd'hui, lorsque l'on montre les dernières images des scanners à un radiologue qui ne connaît pas mon cas, il fait la grimace. En effet des masses résiduelles sont bien visibles à divers endroits. Ce sont ces masses et les divers endroits où se trouvaient les ganglions que l'oncologue va "traquer". Le risque statistique de récidive est plus important la première année qui suit la fin de la chimio. Je rentre donc sous surveillance médicalisée. Le docteur va "traquer" le moindre signe de reprise éventuel par des examens complets. Il faut être le plus rapidement possible sur la balle au cas où...  Je retournerai au CHU et à la Citadelle tous les trois mois la première année, tous les 4 mois la seconde et tous les 6 mois la troisième. La difficulté réside évidemment au  niveau psychologique. Le stress, les peurs sont particulièrement accentuées à chaque attente de résultats. Je viens d'en avoir la preuve ces derniers jours.

La commission des mises à la pension m'a effectivement reconnu comme relevant de l'article 15, maladie longue durée. Il ne reste plus qu'au médecin responsable à Bruxelles à confirmer cette décision. C'est une excellente nouvelle. J'avais bien préparé mon dossier. Mais quel stress !

Vendredi 2 septembre "Epreuve"

Pour le docteur Hamer, sur base de milliers d'observations de cancéreux, le cancer est un processus organisé, contrôlé en permanence par le cerveau et ciblé de manière précise et non aléatoire sur un organe particulier. Le facteur déclencheur de 100 % des cancers est un conflit biologique brutal vécu dans l'isolement par le patient dans les semaines (3 mois environ) qui précèdent.

Le cerveau est l'organe du traitement de l'information. Quelle que soit la nature des informations transmises (réelles, virtuelles, imaginaires ou symboliques), le cerveau traitera ces infos de la même façon. Ce n'est que notre conscience qui nous permettra de distinguer ces quatre catégories.

Quelques exemples : Une voiture débouche devant moi ! Je roule trop vite que pour pouvoir m'arrêter. Je freine brusquement, je me crispe, l'accident est inévitable,... l'information est réelle. Cette information déclenche toutes les réactions physiologiques de la peur : accélération du rythme cardiaque, du taux d'adrénaline, sudation,...  Si je vis la même situation au Futuroscope de Poitiers sur grand écran de 360 degrés, l'information est virtuelle.. Pourtant le cerveau déclenchera exactement les mêmes réactions physiologiques. Si je ferme les yeux et que je me représente cette scène au moyen d'images mentales, l'information est imaginaire. Les réactions seront les mêmes que dans les cas précédents.

Pour le docteur Claude Sabbah, le patient et le thérapeute doivent avoir la certitude absolue qu'il est possible de guérir. Si le patient n'en n'est pas certain à 100 %, le cerveau ne mettra jamais en place les processus de guérison adapté. Ce qui a provoqué la maladie, ce n'est pas l'événement lui-même mais la manière dont nous l'avons vécu. C'est notre relation à l'événement qui conditionne le fait que nous surmonterons ou pas cette épreuve. Pour guérir, il faut faire son deuil par rapport à l'événement traumatisant. Lâcher prise, c'est accepter de ne plus tout contrôler, pardonner aux autres et à soi d'avoir accepter cette souffrance. (Livre de Jean-Jacques Crèvecoeur : le langage de la guérison)

Après mes huit mois de chimio, l'euphorie a été grande. On peut se l'imaginer. Tous ces longs mois de souffrance se terminent. Plus jamais ça ! Les jours passent et assez vite, les examens de contrôle vont arriver. La vie semble reprendre mais les repères des derniers mois ont disparu. L'insécurité psychique reprend rapidement le dessus. De nombreuses incertitudes ou interrogations me rendent chaque jour plus fébrile.
La première étant bien sûr le fait de ne plus être sous surveillance médicale tous les quinze jours. Je suis "lâché", mon traitement étant terminé. Le prochain rendez-vous avec le spécialiste a lieu un mois après la dernière chimio. En second lieu, l'incertitude des premiers résultats qui vont tomber comme une sentence de vie ou de mort. Ensuite, le sentiment que l'on ne peut pas encore se réinsérer dans la vie active et professionnelle. Il faut encore se reposer et vivre en dehors de la vie, du rythme de sa famille,... Enfin, le fait de devoir aller se présenter ce lundi 5 septembre devant une commission des mises à la pension anticipée. Celle-ci va statuer sur le fait que je puisse être considéré comme "maladie grave" ou pas (article 15). Malheureusement, cette commission ne prend pas uniquement en compte l'aspect médical. Elle enquête aussi sur l'aspect social, financier et familial,... Je ne connais pas les critères ! Etre reconnu par cette commission outre le fait qu'il s'agit d'une reconnaissance morale me permettrait de retrouver 100 % de mon salaire au lieu des 80 % actuels et de ne pas comptabiliser les 99 jours de maladie que j'ai épuisé durant cette épreuve. L'enjeu est important, non seulement pour moi mais aussi pour ma famille.

C'est dans cet état de grande fébrilité intérieure que j'ai reçu la demande de ma directrice de fractionner mon certificat médical qui court jusqu'au 23 décembre. Ainsi une de mes jeunes collègues pourrait au premier octobre capitaliser quelques heures supplémentaires. Face cette demande, j'ai eu le sentiments que des difficultés insurmontables se présentaient à moi. Devoir retourner à l'hôpital avec toutes les peurs liées à ce retour (les nausées), douter de plus en plus parce qu'un certificat plus court n'aura peut-être pas le même poids devant la commission des pensions, faire très vite (dans les 2 jours) alors que ma belle-soeur anglaise est à la maison et que je dois la reconduire en Allemagne à l'aéroport, me déplacer, payer la consultation,...

Finalement, Evelyne a été faire la visite à ma place tôt le matin. On estimait que cette démarche aussi difficile qu'elle pouvait être, serait un cadeau de plus que l'on pouvait faire à une jeune.

Ce n'est que le soir après avoir reconduit ma belle-soeur à Cologne qu'Evelyne m'a annoncé la terrible nouvelle. Le remplaçant de notre médecin traitant parti en vacances disposait déjà du rapport du Pet scanner. La conclusion était sans appel !  "Foyer hyper fixant au niveau axillaire profond gauche. Deux ganglions juxtacentimétriques sous le rétropectoral gauche détectés au Pet scanner de façon plus intense qu'en avril et correspondant à deux adénopathies." Le médecin traitant ne pouvait rien nous dire de plus, il fallait attendre le lendemain pour essayer de joindre le spécialiste. Le monde s'écroulait. j'allais devoir tout recommencer, le traitement n'avait pas marché, j'allais probablement mourir. Les heures qui ont suivi ont été atroces. La nuit fut un enfer car les pensées construisaient des plans macabres. J'ai pu compter une fois de plus sur Evelyne qui a fait preuve d'un courage exceptionnel, Willy qui a essayé de mettre des mots sur ce rapport médical, sur Marie-Claire qui a trouvé des mots et sur les encouragement de ma soeur Mary.

Le lendemain matin, à neuf heures le spécialiste était au bout de la ligne. Accueillant, à l'écoute,posé, calme, je me sentais reconnu et soutenu. Il promit de me téléphoner durant ses consultations. Dès 13h30, j'étais déjà assis à côté du téléphone. Le coup de fil n'arriva qu'à... 19h30. J'étais au bord du gouffre ! Voici les mots de cet homme extraordinaire qui a pu m'expliquer et me rassurer quelque peu.

Au scanner, il n'est pas évident de trouver la lésion. Au Pet scanner, il y a bien deux petits spots. Est-ce deux nodules ? Difficile à dire. Ca a l'air de ganglions mais il faut que je montre les clichés au radiologue. Tous les nombreux autres ganglions ont fondu et la grosse masse médiastinale (13,8 cm)  reste importante (30% environ) mais elle n'est pas active.

Le Pet scanner n'est pas une machine a détecter les cancers mais elles marque tous les endroits où les sucres vont se fixer dans les cellules actives. Par exemple : le coeur, un abcès dentaire, une crise de goutte,...

Vos deux foyers ne correspondent pas à un site initial, ni à une région initialement cancéreuse.  Cette région correspond bien à la douleur qui est vôtre depuis près de 4 mois au niveau du sein gauche. Cette douleur est toujours bien présente actuellement et l'examen (mammographie) effectué il y a quelques mois montrait une gynécomastie dûe à un dérèglement hormonal des suites de la chimiothérapie (pas très grave !).

Je vous verrai mardi et dans un mois nous ferons examen sénologique. Si rien ne se passe, on envisagera un opération chirurgicale pour effectuer un prélèvement. je suis positif mais votre cas doit être pris avec la plus grande attention étant donné vos antécédents récents.

Il est incroyable de voir comme la lecture de trois lignes ont conditionné mon cerveau et donc directement mon état physique et mental. Je viens de passer l'épreuve la plus difficile de ma vie. J'ai essayé de me montrer fort pour ma femme et mes enfants.  Mais j'étais abattu ! Le médecin a trouvé les mots et a su me convaincre par son analyse d'expert. J'ai de nouveau retrouvé la confiance en mon ressenti qui me dit que je vais guérir. Mais que c'est difficile à vivre quand on a l'espoir que l'épreuve est terminée alors qu'elle continue... Je vais partir quelques jours à Rome, vous comprendrez pourquoi !

Lundi 22 août "Singularité"

Poussant la porte d'un commerce de GSM, une demi heure avant la fermeture, j'ai été étonné de devoir y faire la file. Il faut dire que je ne vais pas très souvent faire du shopping au centre ville ! Cinq personnes me précédaient ! J'attendais mon tour, patiemment. Juste devant moi, une jeune adolescente accompagnée de sa maman venait y faire son achat. Elle devait certainement avoir économisé depuis un certain temps pour se payer enfin le GSM de ses rêves. Cet instant magique où l'on délie le cordon de la bourse pour s'approprier l'objet désiré. C'est sans doute ça le bonheur aujourd'hui ! Je ne vous dis pas quel fut mon étonnement lorsque j'entendis la question posée par l'adolescente au moment de payer le montant de  200 euros. Elle demandait tout simplement si une autre face existait pour son nouveau GSM. Le vendeur lui répondit simplement que non et lui suggéra de bien profiter de son nouvel objet. J'ai compris cette demande comme une manière de se singulariser. Une manière de marquer sa différence par le biez de son téléphone portable. Puis, ce fut enfin mon tour. En sortant, je constatai qu'il y avait toujours autant de monde. Cherchaient-ils tous à personnaliser leur GSM, à se différencier par celui-ci ? 

C'est du philosophe français Paul Ricoeur entendu dans l'émission NOMS DE DIEUX dont je me souvins en premier et principalement de son passage sur la singularité. Il évoquait d'abord Spinoza "Plus nous comprenons les choses singulières, plus nous comprenons Dieu". Paul Ricoeur voit trois espèces de singularité. D'abord les personnes, irremplaçables ! Puis les oeuvres d'art et enfin dans la nature, les paysages.

"Nos rôles sociaux pourront nous remplacer les uns les autres, mais nous ne pourrons jamais nous substituer les uns aux autres dans notre qualité absolument singulière." En repensant à la situation qui était la mienne début 2005, j'ai pu constater qu'il m'a moralement été très difficile d'accepter que du jour au lendemain, je disparaisse de mon rôle social, professionnel. Laisser sa place à un(e) autre alors qu'on ne l'a pas choisi ! C'est l'oeuvre de toute une vie professionnelle, patiemment construite qui semble disparaître d'un seul coup. On est vite remplacé... C'était la face de mon GSM. Je voyais ma singularité dans mon rôle social professionnel ! Il m'a fallu du temps et de l'humilité pour accepter. Accepter que l'on fait partie de ce cycle qu'est la vie. Que la vie dure un temps et que le temps est précieux, qu'il semble passer vite. En fait, je me suis rendu compte que tout ne disparaît pas. La phrase de Ricoeur est à ce propos éloquente. J'ai intégré que ma singularité d'Homme accompagne dorénavant tous ceux qui ont cheminé avec moi, même si je ne suis plus présent. "Nous ne pourrons jamais nous substituer les uns aux autres dans notre qualité absolument singulière."

Mercredi 17 août "Trouver un rythme"

Ces derniers jours, j'ai fait la fête et j'ai bu, en quelques jours, plus de champagne que je n'en avais jamais bu dans toute ma vie, c'est à dire... pas beaucoup. D'abord c'est avec ma soeur et Francis que j'ai fêté au champagne la fin de ma chimio ! Le lendemain  avec Willy et Colette : champagne. Le surlendemain avec Patrick, Georges, Anne-Christine et Brigitte : magnum de champagne. Le jour d'après, sangria apéritif à midi avec Marc, Françoise et leurs enfants. Le soir à Limbourg en écoutant Luc et son l'orchestre, j'ai dégusté mon premier, demi, verre de bière. Il y avait plus de 8 mois que je n'en avais plus bu car tout ce qui fermente était évidemment contre indiqué. J'ai replongé mes lèvres dans ce liquide magique tout doucement, par petites gorgées, en humant l'odeur et plongeant mon nez dans la mousse. On a ri et chanté.

Hier, mardi, c'était mon jour habituel de rentrée à l'hôpital. Huit mois que je vivais au rythme d'une chimio tous les quinze jours. Je suis resté à la maison, heureux de ne pas devoir y retourner. Aujourd'hui, le soleil est de retour, enfin ! Qu'est-ce qu'il m'a manqué... Cet après-midi, je  vais faire un tour en VTT avec Jean-Paul. Pour la première fois je vais laisser au garage les protège-genoux et les coudières. Je n'ai plus peur des chutes car il n'y a plus de chimios ! Ce soir barbecue pour fêter ça !

Ce sont des jours particulièrement heureux mis à part la météo détestable qui ne nous lâche pas. j'essaye de les vivre en profitant de chaque instant.
C'est également une période de doutes car je suis en attente de résultats médicaux. Je dois bientôt passer deux scanners et les résultats n'arriveront qu'en septembre. Doutes également car je voudrais déjà reprendre mes activités mais je dois respecter ce que mon corps me dicte. Doutes enfin car je pense aussi à la reprise de mon travail. La rentrée scolaire arrive bientôt mais pour moi, elle ne se fera pas encore avant 2006. 
C'est surtout une période de récupération car la fatigue est forte et j'encaisse le contre coup de tout ce qui vient de se passer.  Tout effort physique m'épuise rapidement. Je sens que mes poumons ont été touchés. Moralement, l'esprit travaille et le moral fluctue au rythme des heures. Il faut maintenant trouver un nouveau rythme, c'est ma nouvelle vie qui commence !

Chimio 16 le 2 août

Dimanche 7 août "Mon sapin de Noël"

Il y a quelques semaines, j'ai reçu un livre de F. Brant, artistuteur (artiste-instituteur). Il y dessine de superbes vaches auxquelles il ajoute de petites décorations dont des boules de Noël aux cornes par exemple. Dans ce livre, on trouve également de nombreuses phrases qui ouvrent à la réflexion. Il explique que suite à une grande difficulté vécue dans son existence, il s'est senti renaître après son épreuve. Un nouveau départ, une nouvelle naissance. Le symbole qu'il apprécie particulièrement ce sont les boules de Noël. Au Moyen Age, les chrétiens ornaient leurs maisons d'un sapin de Noël, peu avant la Nativité. Le sapin de Noël provient de la combinaison de deux symboles.  En premier lieu, il y avait L'ARBRE DU PARADIS, un sapin garni de pommes, en souvenir d'Adam et Ève au paradis terrestre. Il y avait aussi LA PYRAMIDE DE NOËL, sorte de poteau orné de verdure et de boules de verre colorées. Au sommet de ce mât était fixée une bougie, symbolisant l'astre d'Orient. Le sapin étant lui-même une belle pyramide vivante et naturelle, on se mit peu à peu à transférer toute décoration au sapin: boules et pommes.  En plus d'être le symbole de l'espérance, la verdure est symbole d'éternité. C'est la vie qui dure par-delà les saisons. Voilà pourquoi, en plein mois d'août, j'ai reçu le cadeau le plus inattendu qui soit. Voyez-vous mêmes. Merci à Marie-Claire et Perrine qui dès l'aube ont constitué ce présent chargé de symbolique.

Vendredi 5 août "Champagne"

Ouf ! Et encore ouf ! Bordel, que je reviens de loin.... Je respire de plus en plus, de mieux en mieux ! Un sentiment d'euphorie m'envahit. Je ne tiens pas en place. Il m'est d'ailleurs bien difficile de trouver le sommeil malgré les cachets (inducteurs de sommeil). J'ai un sentiment de liberté comme jamais auparavant je n'avais pu imaginer. C'est comme une naissance, un renouveau, des grandes vacances qui commencent, l'impression que je suis à l'aube d'un déménagement, d'un changement professionnel. Lorsque je regarde en arrière et que je recompte mes 16 chimios toutes espacées de 15 jours en 15 jours durant ces huit derniers mois, je ne peux pas croire que j'y sois arrivé. Incrédule que je suis ! Ce sont presque les larmes du champion qui en a fini avec son épreuve éreintante. Je n'en veux plus ! Terminées les chimios, c'était trop lourd surtout sur la fin.
J'y suis ! Quelle joie, que je suis content.... J'aimerais que le soleil viennent un peu illuminer nos journées, c'est trop gris comme ceci !

Mardi, j'avais pris le volant lors du retour de la Citadelle. A la sortie, dans le Hall, sans pouvoir dire un mot, j'avais serré très fort la main de ma femme. Plusieurs fois ! J'avais passé le cap de la dernière chimio. Impossible de dire quoi que ce soit sans sentir les nausées arriver à grands pas ! En rentrant de la Citadelle, au volant de la Golf j'avais envie de klaxonner, de crier mais je n'en avais plus la force. D'ailleurs mes enfants n'étaient pas à la maison. Je n'aurai donc rien partagé en faisant ce geste symbolique si ce n'est me faire plaisir à moi-même. Pas la force, je vous dit.
Hier, j'avais mis une bouteille de Champagne au frais. Je m'étais juré de la boire avec la première personne qui viendrait me rendre visite à la maison ce jeudi. Tellement excité, je me suis levé à 4 heures du matin. J'ai pris tous mes cachets, dix au total et deux poudres. J'ai attendu patiemment. Une attente souriante car jeudi était le premier jour de mieux être si l'on peut dire. Le jour où mon corps commence à me laisser un peu souffler. Je n'ai pas du attendre bien longtemps car, le hasard fait toujours bien les choses. A 9h30, c'est ma soeur Mary, son mari Francis et Victoria qui ont débarqué. Il n'y a pas d'heure pour siffler une flûte de champagne. Comme s'ils s'étaient donnés le mots, mes parents sont arrivés peu après avec une très joli bouquet de fleurs et ..... une autre bouteille de Champagne ! Celle-là, je la réserve pour Willy et Colette qui tous les jours à mes côtés ont cheminé avec moi en me donnant moral et vie. 

Mercredi 3 août "Ouf ! C'est presque fini"

7 heures du matin. Ma journée d'hier est passée. Ouf! J'ai plus ou moins bien vécu cette chimio. Comme on peut espérer bien la vivre car tout reste relatif. J'ai conduit un peu sonné pour le trajet du retour, au lit de 15h à 20h30 en se retournant et en entendant mes boyaux se tordre sans pouvoir dormir  puis j'ai dormi toute ma nuit grâce à un cachet, je suis soulagé. Ma dernière chimio est dernière moi ! Reste encore cette journée à encaisser. Je vais me gaver de Novoban et de Litican qui sont les médicaments anti-nauséeux. Ce matin, il y a du soleil, c'est pour me signaler que c'est un nouveau départ. Mes intestins et mon estomac crient déjà. Je suis loin, loin dans mon traitement et une certaine euphorie commence à remplir mon esprit. Merci à tous ceux qui au quotidien m'ont soutenu en pensées, par GSM, par mail, par des visites, des sorties,.... Vivement demain...

Chimio 15 du 19 juillet  au 2 août

Dimanche 31 juillet "La loi, c'est pas toujours ça !"

Je ne pensais pas que cette dernière chimio allait autant me tourner dans l'esprit. La dernière, c'est la plus dure, j'y pense tout le temps ! Ces derniers jours, mon moral a fluctué, particulièrement lorsque la météo passait au gris. Toujours des peurs, ainsi que des questions sur l'avenir et la suite du programme.
Je sais maintenant que le 23 août, je vais passer un scanner du thorax à la Citadelle. Le 25 août, ce sera  un scanner de l'abdomen toujours à la Citadelle puis un pet scanner au CHU. Les résultats me seront communiqués le 6 septembre. Il m'est assez difficile d'admettre que suite à des abus au niveau des prescriptions d'examens médicaux ces dernières années et donc aux difficultés de la Sécurité sociale, je doive me rendre deux fois d'affilée à la Citadelle pour passer deux scanners alors que l'opération peut se faire en une fois. La maladie d'Hodkin est une maladie des ganglions. Une maladie dont la chaîne de ganglions va de l'abdomen au thorax dans mon cas.

Il est difficile d'admettre que lors du scanner on doive arrêter le scanner à une des parties du corps puis de refaire l'autre deux jours après !  Je devrai donc ingurgiter deux fois ces produits toxiques, avoir deux fois des nausées, subir deux fois la pose d'un cathéter dans le bras, faire deux déplacements, à jeun en plus !

Evelyne a rencontré il y a quelques jours le gastro-enthérologue qui a dénoué en novembre mon problème. Il y a quelques années, a-t-il dit, la médecine ne serait pas passée à côté de mon cas. Aujourd'hui, les médecins n'osent plus prescrire autant d'examens médicaux qu'auparavant. Les contrôles sont permanents ! C'est ainsi que durant plus de trois ans la maladie a évolué petit à petit.

La famille est de nouveau au complet. Lola rentre de vacances. Demain, je la conduirai à Libramont avec son amie. Jonas partira faire l'intendance d'un camp louveteaux quant à moi je rentre mardi, une dernière fois j'espère pour une chimio. Vivement jeudi !

Peinture acrylique juillet 2005 Christophe "Liberté"

Lundi 25 juillet "Les signes"

Nous venons de recevoir la visite d'une connaissance qui vit une période difficile dans sa vie.

Quelle réalité pour demain ? Quel chemin prendre ?  Comment faire face ?
D'une manière générale, il arrive qu'une théorie qui est en place depuis des années soit remplacée par une autre vérité. Un exemple ! Il y a une vingtaine d'années, tous les pédiatres s'accordaient pour dire que les bébés devaient dormir sur le ventre. C'était une vérité émanant de spécialistes donc du monde scientifique ! Aujourd'hui, avec de telles pratiques, on risquerait de mettre la vie de son enfant en danger. Comment cela se fait-il ?

En fait, ce n'est pas le monde qui change mais notre conception de celui-ci. Ce qui est acceptable, admis comme une vérité  aujourd'hui, ne le sera peut-être plus demain. Cette réalité ou vérité avec laquelle nous avons vécu, parfois durant des années, un jour ne convient plus que ce soit dans le vécu du quotidien ou dans le monde conceptuel. L'Homme, à chaque instant, construit  sa vie, construit le monde.
Quelle réalité, quelle fiction alors ? En fait, la distinction entre réalité et monde fictionnel n'a aucune importance parce que c'est par ces mondes possibles que nous nous définissons comme race humaine nous dit Jérôme Bruner. C'est parmi tous ces mondes possibles  que nous trouverons notre nouvelle réalité car il existe mille avenirs. Moi, je pense qu'il faut être attentif aux signes. Ces coïncidences qui sont sous nos yeux et que trop souvent on ne voit pas. Apprendre à y être attentif permet de trouver des voies.

Hier, notre connaissance a raconté son récit, ce qu'elle est aujourd'hui. Elle a imaginé de nouveaux possibles la plongeant en plein doute... Nous avons  écouté avec émotion son histoire, son besoin de changement. Le philosophe ancien, Héraclite disait que pour sortir de son repli, de ses représentations, l'homme doit entreprendre un travail de la parole et de la communication. Lorsque je me raconte, que je partage, j'imagine déjà des futurs. Nous avons, sans doute, participé quelque peu à l'évolution de son cheminement. Lui restent encore des signes à découvrir pour avancer concrètement sur son chemin. (Une lecture : P. Coelho, L'Alchimiste)

Vendredi 22 juillet "C'était comment ta chimio ?"

Sept mois déjà ! 
Vendredi dernier, j'ai été comme souvent avant une nouvelle chimio, faire ma sortie VTT avec Jean-Paul.  Une vraie expédition ! Comme je sais que je ne peux pas me blesser au risque de perdre mes plaquettes (pas de frein !) et que je crains la chute, je roule avec beaucoup de prudence.  Habillé comme un skater avec des protections aux genoux, des gants, un casque, une vareuse à longue manche pour éviter le soleil et ses rayons dangereux pour moi, je fais passer le confort au second plan. Je mise sur un maximum de sécurité. Si vous me croisez, habillé dans cet accoutrement particulier, je vous donne la permission de rigoler ! Notre parcours emprunte de superbes sentiers forestiers dans les environs de La Gileppe. Ce sont tous des chemins roulants, au coeur de la forêt. Au départ du "Chêne du rendez-vous", normal pour un dénommé Dechêne, nous poursuivons jusqu'à la Vesdre au pied de Membach (240 mètres d'altitude). Une montée régulière fait perler sur mon front des gouttes de sueur. Je ris de me voir dans cet état. Pourtant, je monte sur un rythme régulier à 8-9 km/h, pas de quoi faire de la compétition mais je suis bel et bien à fond ! Je respire comme un petit vieux, mes poumons ont été atteints par la chimio, je m'en rends bien compte. On traverse la route Eupen-Belle-Croix avant une boucle en direction de la Soor et la remontée sur la même grand-route que l'on traverse à Hestreux (460 mètres). La descente vers le lac de la Gileppe fait mal aux mains tellement il faut freiner. Nous terminons par un demi tour de lac soit 25 km au total. Fourbu et heureux, il me faut cependant deux jours pour m'en remettre ! Je constate qu'en mars lors de mes premiers tours VTT, je roulais si prudemment que souvent je mettais pied à terre pour franchir de petits passages difficiles. Aujourd'hui, je me surprends à passer ces endroits à fond, riant dans ma petite barbe d'adolescent de cette audace nouvelle.

A partir de ce moment, je commence à penser à ma future chimio. Le film repasse sans arrêt dans ma tête. Je connais chaque moment. Il n'y en a pas de facile ! Il y a peu de place pour un élément créatif, les produits de chimio sont trop présents dans le corps, je ne peux plus que subir cette chose terrible. Même en pensant que j'en ai déjà fait 14, les deux qui me restent me semblent insurmontables. Evelyne prendrait bien à ma place si elle pouvait ! Mais, c'est mon épreuve !

Le mardi matin, je déjeune léger car je ne mangerai plus avant le lendemain. Une banane, des céréales sont au menu ! Une bonne douche, un petit rasage, et l'indispensable crème solaire sous le nez pour conjurer les odeurs de l'hôpital. En route vers Liège ! je conduis jusque là ! Sur le parking, je fais quelques exercices d'échauffement comme avant une compétition sportive, je m'encourage comme je peux par des petits mots "Allez, courage, tout bon mon gars,... !". Déjà apparaissent les premiers renvois", mon estomac crie. Dès que j'ai franchi la porte de l'hôpital, l'odeur caractéristique du milieu hospitalier me donne la nausée. Des hauts le coeur ! Vite l'ascenseur, direction le deuxième étage. Je me présente au comptoir salle 29 où l'on me reconnaît. Ca fait toujours plaisir. On m'attribue une chambre et je prends place. Je mets mes sandales, je sors mon gsm, mon walkman avec un disque de bossa-nova et le journal "Le Jour".
Très rapidement, on vient percer mon porte-cathéter pour me faire un prélèvement sanguin. Si la prise de sang est bonne, je pourrai recevoir ma chimio. Ensuite, je descends au premier pour effectuer une radio du thorax. Le ganglion diminue petit à petit mais il est toujours présent. De retour dans la chambre, je fais quelques exercices de méditation, des respirations, des visualisations, je fais bouger mes yeux en suivant le mouvement de mon doigt. Il est temps. Premier baxter, c'est un anti-nauséeux, il est environ 10 heures. Il n'y a pas de raison mais je me sens déjà mal. Couché dans le lit, les écouteurs sur les oreilles, le temps passe très doucement. A partir de cet instant, je ne parlerai plus jusqu'au jeudi matin. Toute parole fait monter en moi des nausées. Dès l'injection des produits de chimio, je vomis une fois, deux fois, trois fois. Je suis de plus en plus sonné, je ne sais plus bouger, comme shooté par des médicaments qui me plongent dans un état de léthargie. A 15 heures trente, on me dépique, je peux à peine ouvrir les yeux pour remercier l'infirmière, on me fait ma piqûre pour les globules blancs puis je peux partir. Evelyne me donne le bras jusqu'à la voiture. Je viens encore de vomir tout le thé que j'avais bu. La marche est lente.

Le trajet en voiture n'en finit pas. Chaque bosse, chaque trou, chaque défectuosité de la route me fait penser que je vais encore être malade. Il y en a un nombre invraisemblable. Je les connais toutes, ma nuque est raide,  je suis crispé durant ces 40 minutes. Chaque feu qui vire au rouge est un calvaire car la voiture ralentit puis accélère. L'estomac est de travers.

A la maison, je vais au lit comme je peux. C'est mon troisième calvaire. Aucune position ne permet de se trouver bien, le temps ne passe pas, un poids énorme envahit mon corps, je suis mal, très mal et j'attends de m'endormir pour la nuit. Vers 21 heures, je prends un cachet pour m'aider à trouver le repos. Je pense cependant que je n'y arriverai jamais car depuis 10 heures ce matin, je suis au lit. Le sommeil arrive enfin.

La journée du lendemain sera encore très difficile. Plus les heures vont passer plus je serai mal. Chaque mot me pèse, je communique par signes. Du fauteuil au lit, du lit au fauteuil ! Les vieux chantait le grand Jacques, c'est un peu comme moi durant cette journée. Mon estomac est toujours au plus mal, un peu mieux que hier et moins bien que demain.

Je n'arriverai jamais à encaisser ma dernière chimio. Pourtant, il faudra bien !

Chimio 14 du 5 juillet au 19 juillet

Vendredi 15 juillet "Fatigue"

La fatigue se marque de plus en plus. Repos le matin, Tour de France l'après-midi quelques fois agrémenté d'une sieste, petite activité en soirée puis recherche du sommeil pour la nuit, avec ou depuis trois jours sans inducteur de sommeil. Je n'ai pas encore récupéré de la dernière chimio et j'arrive bientôt à la suivante. J'ai vraiment l'impression d'être inactif car tout me fatigue. Il me faudra du temps pour revenir physiquement dans le parcours.

Samedi 9 juillet "C'est mon anniversaire"

Peinture sur toile, Christophe, juillet 2005

J'ai 41 ans, je suis content d'y être car ça me semblait si loin.
Pour une fois, nous ne sommes pas en vacances en Corse ou ailleurs, nous fêterons comme il convient en famille. Hier je me suis demandé  encore combien d'anniversaires à venir puis j'ai souri ! Est-ce que 41 est un beau nombre ? Bof, pas terrible ! 41 n'est multiple de rien, ne se divise pas. Mais à bien y réfléchir, c'est tout de même un nombre premier ! L'an Un de ma nouvelle vie.

Il y a environ 42 ans, j'ai passé presque 9 mois de vie intra-utérine. C'était avant ma naissance !  Aujourd'hui et durant cette chimio, je suis en train de vivre 8 mois de vie intra-âmerine. Bientôt, ce sera la délivrance puis ma renaissance. 

Vendredi 8 juillet "Les mots pour le dire"

Ce mercredi 6 juillet, j'étais étendu sur mon lit, souvent plié en deux sous les effets secondaires de cette chimio si lourde à porter.
Ce même 6 juillet, Paris pensait vraiment "avoir" les Jeux olympiques pour 2012 ! David Zabriskie, le coureur cycliste américain, pensait vraiment garder son maillot jaune à l'issue de son étape du contre la montre par équipes !  Une énergie souvent considérable est dépensée par des hommes pour tendre vers un objectif qui leur semble tout proche. Parfois, il arrive qu'au dernier moment, le monde s'écroule, l'improbable, l'imprévisible, l'inattendu arrive.
Londres coiffe Paris consternée, Zabriskie chute à 1300 mètres de la ligne d'arrivée et voit s'envoler son maillot. Christian, mon ami de formation meurt soudainement, emporté par une septicémie alors qu'il luttait contre le cancer.

Ce jeudi 7 juillet, j'étais en train de peindre une nouvelle toile dans les tons d'ocre. Des tons  chauds pour u'ils amènent dans notre intérieur la chaleur qui nous manque actuellement à l'extérieur.
Ce même 7 juillet, Londres pensait vraiment couler des heures heureuses, respirer joyeusement après sa désignation comme ville olympique pour 2012. Cependant, il arrive qu'à un moment donné, l'inacceptable se produise, l'inattendu vous coupe bras et jambes.
Londres compte ses morts et panse ses blessés après les attentats meurtriers dans le métro et le bus.

Comment les gens ont-ils expliqué ce coup du sort aux journalistes de la télévision qui leur tendaient des micros ? Quelle lecture de l'événement ont-ils faite ? Cette lecture varie avec les perceptions, les représentations, la sensibilité de chacun. C'est ici qu'interviennent les mots. Des mots posés, des mots forts, quelques mots, un flot de mots !
Quelle signification va-t-on donner à ce coup du sort ? Chacun peut en fait choisir la forme qui lui convient pour expliquer ce traumatisme. J'ai écouté chacun. J'ai fait attention à la manière de le dire, au contenu, à la forme, à la cohérence,... Les mots changent d'une personnes à l'autre. Il y a autant de récits différents que de personnes.
Chacun raconte, explique, partage, reformule dans des lieux d'affections pour que l'inacceptable devienne plus acceptable. "C'est la représentation du malheur qui affirme la maîtrise du traumatisme et le met à distance" Cyrulnik.

Chimio 13 du 21 juin au 5 juillet

Dimanche 3 juillet "Vacances"

Peinture sur toile, Christophe, juin 2005

Ma famille est enfin en vacances. Ma femme qui m'a porté a bout de bras depuis plus de 6 mois en plus de son boulot à temps plein, de son ménage, de ses enfants,... doit être bien fatiguée. Elle ne le dira jamais ! Mais rien que de la savoir enfin déchargée de son travail me permet de mieux vivre les trois dernières chimios  qui m'attendent. Elle se lève tôt mais dort bien. C'est bon signe ! De plus, la semaine dernière, elle a gagné un concours par tirage au sort. Nous nous rendrons donc à 10h30 à Welkenraedt pour recevoir son prix :un panier gourmand d'une valeur de 100 euros.

Ce matin, je me suis rasé. C'est un des petits gestes que je faisais quotidiennement avant et qui revêt aujourd'hui une importance toute symbolique. Mes cheveux repoussent petit à petit, mes jambes retrouvent leurs poils,... Je les regarde, ému, un peu comme on regarde la nature s'éveiller après l'hiver. C'est le signe que le printemps arrive. Je sais que les bourrasques et que le gel seront encore présents mais il y a des signes qui ne trompent pas !



Mise à jour le Mercredi, 23 Février 2011 19:40