Frechal. Christine Leidgens. 29/09-15/10
Écrit par Albert Moxhet   
Lundi, 19 Septembre 2011 23:14

Samedi Coup de cœur d’Albert Moxhet 

Les photographies que Christine Leidgens expose à la Maison de l’Amérique Latine, à Bruxelles, dès ce jeudi 29 septembre, vont au-delà d’une très grande beauté formelle.

Elles ont, en effet, joué un rôle social et politique important pour l’identité et la reconnaissance des populations noires du Brésil, populations descendant des esclaves importés d’Afrique par le sinistre « commerce triangulaire » des XVIIe et XVIIIe siècles. Et cela à partir d’un long séjour vécu par la photographe verviétoise dans la communauté noire de Frechal, un village situé dans l’État du Maranhão, entre l’Amazonie et le Nord-Est brésilien.

S’inscrivant dans le contexte d’Europalia Brésil, l’exposition Frechal, terre africaine au Brésil, qui propose quelque septante photos, est le fruit d’un long travail exemplaire d’intégration de Christine Leidgens dans la population  du ˝kilombo˝ de Frechal.

 

Durant six ans, elle a non seulement partagé la vie des habitants, mais aussi contribué, grâce à la photographie, à leur prise d’identité et à la reconnaissance de leurs droits élémentaires.

 

Presque caché, ce village où s’étaient autrefois installés des esclaves noirs fugitifs est devenu l’exemple même de la conquête par les populations rurales de la sauvegarde de leur territoire comme de leurs traditions.  

Frechal faisait partie des immenses possessions d’une famille dont la dernière descendante directe avait donné à la population de ce village isolé la propriété du terrain et la liberté que le statut quasi féodal en vigueur jusque là n’avait jamais accordées. 

Au décès de cette dame, le nouveau propriétaire, un homme d’affaires sans scrupules, avait voulu reprendre les anciennes pratiques et, pour faire plier les villageois, il avait entrepris d’abattre les palmiers dont ils tiraient leurs ressources.

Prises avec discrétion et sensibilité, les photos de la vie quotidienne des habitants, montrées à ceux-ci, leur ont permis de se révéler à eux-mêmes et de revaloriser leur propre culture afro-brésilienne.  

 

Présentées ensuite dans plusieurs villes importantes, ces photographies ont puissamment aidé à la promulgation inaliénable d’un article de la nouvelle Constitution, qui reconnaît le droit de propriété aux descendants d’esclaves, obtenant ainsi du gouvernement brésilien que leur terre soit reconnue comme territoire protégé, destiné à être occupé et géré par la communauté elle-même dans le respect de son mode de vie et de ses traditions.

 Dans le prolongement de cette démarche, Frechal joue un rôle de pionnier dans la protection de la nature et donc de l’élément humain.

Au passage, on notera justement combien l’aspect humain est important dans la photographie que Christine Leidgens pratique, loin de toute recherche du sensationnel. On avait déjà pu s’en rendre compte précédemment dans un important travail réalisé sur la mine Siglo XX haut perchée dans les Andes. L’exposition de Christine Leidgens sera aussi l’occasion de découvrir la maquette de son livre Frechal, terre africaine au Brésil, de l’esclavage à la reconnaissance d’une communauté noire, où se rejoignent photographies, récits et témoignages. 

[L’exposition Frechal, terre africaine au Brésil aura lieu à la Maison Amérique latine, 22 rue du Collège, à Ixelles, du 30 septembre au 15 octobre, du lundi au vendredi de 9 à 18h, et les samedis de 13 à 18h, en présence de Christine Leidgens.]

Mise à jour le Mercredi, 21 Septembre 2011 12:17
 

Commentaires

 
+1 #1 Jean Nizet 24-09-2011 07:32
Voila quelquechose qu'il est très agréable de lire. Il convient d'exprimer sa gratitude aux personnes qui luttent pour que de tels retournements de situation puissent arriver.