Impressions automnales en rafales de Sophie
Écrit par Sophie Gardier   
Vendredi, 04 Novembre 2011 08:12
Notre chroniqueur musicale et littéraire Sophie Gardier nous partage ses dernières lectures pour notre plus grand plaisir. Voici quelques livres qui sont arrivés par hasard dans mon panier de lectrice: impressions automnales en rafale...

"La femme au miroir" d'EE Schmidt m'a charmée par son début tout en délicatesse.
On peut reprocher à son auteur ce côté "démonstratif" dans le style "La psychanalyse pour les nuls" mais au-delà, j'y ai trouvé une belle évocation des manifestations de spiritualité "vraie" à travers les âges.
 

Trois femmes, trois époques, trois styles: même refus de n'être que ventre et faire-valoir dans une société faite par et pour les hommes.La mystique médiévale Anne de Bruges apparaît ici véritablement enluminée dans une prose chatoyante, splendeur d'une nature évoquée un peu à la manière de Christian Bobin.


Hannah la Zürichoise nous plonge dans les débuts de Freud (thème récurrent chez Schmidt) tandis qu'Any la star d'aujourd'hui ressuscite Amy Winehouse en version cinéma hollywoodien.


L'ensemble se laisse lire agréablement, même si pour moi, seules les pages médiévales valent vraiment le détour.



 

 

Dans le même ordre d'idée, Charles Bottin aborde dans un premier roman ambitieux, "Le Cueilleur des Mémoires", la dimension indicible de l'âme humaine.
Infirmier, céramiste parti au Rwanda dans les années 80, ce nouvel auteur originaire de Verviers a passé quatre ans à construire une évocation singulière de sa région à l'époque de Jules César.

Dans ces temps anciens et méconnus, les chefs prenaient conseil auprès de "rêveurs", sortes de chamanes celtes initiés à travers l'Europe.
Toute une page d'histoire de la Gaule nous est contée à travers les tribulations d'une communauté appelée à construire la résistance aux envahisseurs de tous bords.
Une civilisation riche et bien plus organisée que ne le suppose "La guerre des Gaules".
A travers les yeux des "rêveurs", Charles Bottin propose un voyage au coeur des mémoires, nous plongeant dans une prose elliptique, visionnaire et aérienne, ornant de ses inspirations poétiques un récit parfois âpre et violent.
Personnellement, j'ai eu du mal au début à entrer dans cette construction qui m'a quelque peu désarçonnée. Au fil des pages cependant, j'ai découvert un autre monde qui m'a laissé quelques visions et rêves étonnants.

A découvrir donc...

(PS : Lire également la chronique d'Albert Moxhet à ce sujet)

 

 

Dernier opus de Philipp Roth, "Le Rabaissement" ("The Humbling" en anglais me paraît plus éclairant sur le contenu) s'accroche au fil ténu d'un artiste à l'agonie.
Sorte de Laurence Olivier du théâtre américain, Simon atteint les rives d'une soixantaine difficile, marquée par une crise brutale autant qu'inexplicable: du jour au lendemain, ce grand acteur se voit incapable de jouer, ayant perdu toute confiance, toute liberté, tout plaisir sur scène.

Roth nous détaille en toute simplicité la dernière ligne droite d'un homme livré au doute absolu.
Identifié à son rôle de génie baroudeur, Simon ne trouve plus l'énergie, l'inspiration nécessaire pour nourrir la voracité sans limites de son personnage triomphant.
Ecroulement physique, solitude viscérale et absence de descendance d'un homme vieillissant: autant de tardifs démons de minuit dans une vie de carton et paillettes où la réalité biologique reprend ses droits.


Loin des projecteurs, Simon s'éteint.
Roth nous le livre brut de décoffrage, sans aucune grille d'analyse, se contentant de décrire méticuleusement à quoi se réduit un homme perdu sans lanterne magique pour donner sens et lumière à sa vie.

Deux femmes vont passer dans ce paysage de ruines, allumant les derniers feux d'une rampe à la pente implacable.
Entre meurtre et perversion, les derniers rebondissements de la pièce ne manquent pas de sel même si plane sur l'ensemble une profonde désillusion.
Sombre et sobre roman lancinant aux couleurs de l'hiver.

 




Pour rebondir sur les sujets plombants, rien de tel que l'humour d'un autre Philippe:

"Geluck enfonce le clou" dans une actualité saignante.
Certains dessins dignes de Charlie Hebdo risquent de déclencher les foudres des amateurs de burquas et intégrismes de tous poils.


L'homme arrose au vitriol extrémismes religieux, pédophiles et machos, le tout saupoudré de textes d'humour qu'il qualifie lui-même de "crétin" et autres dessins rafraîchissants (irrésistible gravure d'un troupeau de daims aux grandes oreilles auxquels il demande s'il connaît le Prince Charles...)


Pas un chat ici, si ce n'est en couverture!
Un livre à déguster par petites bouchées, sorte de fourre-tout qui ne manque pas de piquant.



En résumé, des oeuvres singulières, contrastées, aux arômes puissants et fauves: l'automne en littérature.

A plus

Sophie

Mise à jour le Vendredi, 04 Novembre 2011 08:29