Grands débats de société : "Foulard à l'école et port de signes religieux"... Et chez nous ? (2ième partie)
Écrit par Best of Verviers   
Mardi, 13 Avril 2010 07:11

Fatima Zibouh a 28 ans. Elle est chercheuse au centre d’étude de l’ethnicité et des migrations à l’Ulg. Ses domaines de recherche sont principalement liés à la participation politique des personnes d'origine étrangère ainsi qu'aux questions liées à la diversité ethnoculturelle. Elle a été désignée par le gouvernement administratrice suppléante au Centre de l’égalité des chances et la lutte contre le racisme. Début février, elle a été au centre d’un débat houleux sur le port des signes extérieurs de religiosité dans l’espace public. Sa première interview, elle l’a donnée au journal Le Soir le samedi 13 février 2010.

Fatima Zibouh a accepté de nous parler, dans le cadre de nos grands débats sur des questions de société. C’est avec ouverture et intérêt que nous découvrirons son interview, après celle donnée au journal Le Soir.
Bonjour Fatima,

Après Karima auteure du livre "Insoumise Et Dévoilée" et Jean-Marie Gaspar, diacre qui à 68 ans vient de se rendre à pied à Jérusalem, Best of Verviers voulait s'entretenir avec vous sur  des questions d’actualité dans notre nouvelle rubrique "Grands débats de société". L'une sur le foulard à l'école et l'autre sur le port de signes religieux. Le but de cette série reste avant tout de donner la parole à des gens qui ont des choses à dire afin de partager leurs réflexions de femme et d’homme en cheminement.


Bonjour,
Je vais plutôt ici m’exprimer en tant que citoyenne belge de confession musulmane aux questions posées.
De manière générale, on a beaucoup glosé sur la question du foulard sans que l’on entende nécessairement les principales concernées, à savoir les femmes qui ont fait le choix de porter un foulard. Dans ce débat, on assiste également à une confusion terminologique entre voile, voile intégral, niqab, burka, etc. Ces glissements sémantiques peuvent avoir des conséquences néfastes pour la sérénité du débat car le voile (foulard) n’est pas le voile intégral (niqab/burqa).

Votre réflexion sur la prise de position concernant la question du foulard à l'école par le conseil d'administration du Conseil des femmes francophones de Belgique (CFFB) ?
Pour ce qui est de la prise de position du CFFB, elle est étonnante dans son positionnement final malgré le fait qu’elle a effectué un travail intéressant d’auditions et qu’elle ait relevé les différents argumentaires sur cette question sensible. On ne peut s’empêcher de lire certaines interprétations largement orientées sur les représentations du foulard avec une lecture infantilisant le libre choix des femmes présupposées être vulnérables par rapport à leur environnement social.

Aussi, l’hypothèse mentionnée dans leur rapport qui affirme qu’éliminer les signes de particularismes nuirait à la cohésion sociale peut être remise en question. En effet, de nombreuses études montrent au contraire, que la valorisation des différentes identités culturelles permettrait un meilleur vivre ensemble. Nier les gens dans leurs différences est une erreur pour la cohésion sociale de nos sociétés.


Le CFFB définit sa position à partir de certaines valeurs mais c’est justement au nom de ces mêmes valeurs (d’égalité homme/femme, d’émancipation et d’autodétermination des femmes, etc.)  qu’il faudrait pouvoir laisser celles qui ont fait le choix de porter un foulard (ou de ne pas le porter !) et de s’habiller comme elles l’entendent.
La liberté de conviction et de pratique doit être de rigueur mais elle doit être balisée par des restrictions, telles que prévues par la proposition du groupe neutralité.be. Il faudrait donc appeler à une autorisation généralisée mais qui serait balisée ou encadrée par l’adoption d’un arrêté de Gouvernement qui préciserait les limites de la manifestation spirituelle comme l’obligation de suivre tous les cours, le respect de la mixité ou le refus de tout prosélytisme, sous peine d’exclusion.


Que vous inspire les résultats du sondage réalisé par le journal le Soir et publié ce samedi 20 février 2010 ?

Concernant le sondage réalisé par le journal Le Soir, il est vrai qu’il en a surpris plus d’un. Pourtant, les résultats révèlent quelque chose de très intéressant, une perception qui n’est pas souvent relayé par les débats dominicaux ou les forums internet.

En effet, les citoyens belges seraient plutôt indifférents aux signes distinctifs. Il est vrai que c’est assez surprenant d’autant plus dans un contexte médiatique et politique agitant foulard, niqab et burqa… A entendre ces débats, on pourrait presque penser que le paysage belge est envahi par du tissu partout menaçant la cohésion nationale!

Dans une perspective plus large, le foulard est une pratique plutôt marginale. Ces résultats montrent bien que les principales préoccupations des sondés ne résident pas dans le look vestimentaire de certain(e)s mais plutôt dans des questions plus fondamentales telle que la crise, la précarité, le chômage ou tout simplement comment gérer les deux bouts à la fin du mois.

Merci Fatima pour cet échange intéressant et votre confiance en notre désir de réflexion, partage d'idées, rencontres et argumentations  développés sur notre site Best of Verviers.

Mise à jour le Jeudi, 19 Janvier 2012 19:49