Grands débats de société : "Foulard à l'école et port de signes religieux"... Et chez nous ?
Écrit par Best of Verviers   
Mercredi, 24 Mars 2010 19:31

L'actualité nous ramène vers "Nos grands débats de société", ceux de 2010. Propos échangés avec Karima, Jean-Marie et Fatima. Toujours intéressant de relire leurs avis. Karima, vous êtes verviétoise et l'auteure du livre "Insoumise Et Dévoilée". 

Jean-Marie Gaspar, vous êtes diacre et à 68 ans vous venez de vous rendre à pied à Jérusalem.

Best of Verviers voulait s'entretenir avec vous sur  des questions d’actualité dans sa nouvelle rubrique "Grands débats de société". L'une sur le foulard à l'école et l'autre sur le port de signes religieux . Le but de cette série reste avant tout de donner la parole à des gens qui ont des choses à dire afin de partager leurs réflexions de femme et d’homme en cheminement.

- Quelle est votre réflexion sur la prise de position concernant la question du foulard à l'école par le conseil d'administration du Conseil des femmes francophones de Belgique (CFFB), à l'exception de Vie féminine (tendance chrétienne), qui a approuvé une note réclamant l'interdiction du port de signes convictionnels ostentatoires dans l'enseignement officiel jusqu'à la fin du secondaire.
Un communiqué de l'agence Belga, publié dans la Libre Belgique le 19 février 2010 disait ceci : "Seul ce signal clair permettra de résoudre une série de problèmes complexes qui perturbent de façon croissante les missions éducatives de l'école, en particulier la problématique du 'foulard', où se mêlent sentiment religieux sincère, pratiques traditionnelles, marquage identitaire, prosélytisme idéologique et symbole de soumission des femmes à l'ordre patriarcal", indique vendredi cet organisme pluraliste d'éducation permanente, composé d'une cinquantaine d'organisations de femmes.
La majorité des membres (80%) du groupe de travail chargé de la rédaction d'une note sur la question du foulard à l'école se sont prononcées en faveur d'une interdiction, alors que 20, opposées à cette interdiction, ont voté en faveur d'une autorisation encadrée.", explique encore « La Libre Belgique »


Karima : « Pour le simple voile, il ne me dérange pas non plus. Là où le voile me dérange c'est à l'école. Il est inadmissible de voir des fillettes de 4-5ans voilée.
On commence par le voile et on termine par le niqab. Derrière le voile il y a aussi les interdictions.
Ces fillettes ne peuvent pas allez à la piscine, ni faire du sport etc...
On conditionne ces gamines dès leurs plus jeunes âges et ce n'est pas normal.
Au lieu de tourner autour du pot avec des sondages et calculs, il est grand temps et plus qu'urgent de trancher.
Les Belges ferraient bien mieux de se préoccuper des femmes vivant chez nous, victimes du fanatisme religieux au lieu de se lamenter sur les situations en Afghanistan ou en Iran.

 



- Que vous inspire les résultats du sondage réalisé par le journal le Soir et publié le samedi 20 février 2010 qui ouvre son dossier par ces mots : "Le port de signes religieux dérange peu les Belges, selon un sondage du journal « Le Soir ». Si 13 % des sondés sont dérangés par certains signes distinctifs, 71 % des personnes interrogées ne sont « plutôt pas » ou « pas du tout » dérangées par des signes religieux.
La tolérance domine donc dans le cadre du port de signes religieux qui reste une pratique minoritaire en Belgique, souligne « Le Soir ».
Toutefois, pour les personnes dérangées par les signes religieux, le port de la burqa arrive en tête (91 %), suivi par le niqab à 54 % (voile ne laissant apparaître que les yeux) et enfin le voile (24 %).
« Si on rapporte les chiffres à l’ensemble de l’échantillon national, moins de 4 % de nos sondés (41 personnes sur 1.205 répondants) affirment explicitement être dérangés par le foulard islamique », explique encore « Le Soir »."

 



Karima : « D'après les sondages, 91% sont contre la burqa. 54% contre le niqab. Résultat: 72,5% sont contre. Donc cela dérange les Belges. »



Et vous, Jean-Marie Gaspar, qui vous avez désiré répondre aux deux questions en une seule réponse ?

 

Voici quelques réflexions par rapport à ces questions d'aujourd'hui...
Dans quel monde voulons-nous vivre? Un monde sectaire, un monde où chacun s'enferme dans sa manière d'être, de vivre, de croire, sans aucune liberté?
Voilà pour moi, les premières questions à se poser. Devons-nous croire et notre Foi doit-elle être "enfermement".
Si je veux suivre le raisonnement de ceux qui veulent interdire le Voile des Femmes de conviction Musulmane, moi, Jean-Marie, je dois m'interdire de porter ma petite Croix, qui dit à tous ceux que je rencontre, que je suis chrétien. Nous devons aussi interdire le port du voile de nos religieuses et le col romain des prêtres, mais aussi le port de la kipa chez les juifs et du turban chez les sikhs et de toute autre appartenance à un groupement, qu'il soit religieux ou simplement humain. Le monde deviendrait ainsi un monde uniforme. Nous pourrions un jour obliger tout le monde à porter les mêmes vêtements, le même maquillage pour gommer, toutes les différences.
Personnellement, je ne suis pas prêt à cette démarche.  Ma petite croix est "signe et fierté" de ma foi en Dieu signe aussi de recherche de paix et de fraternité. C'est, je crois, ma LIBERTE.

 


Doit-on interdire le voile? Si ce voile est un signe d'enfermement, de contrainte. Si c'est une obligation, de la famille (père, mère, frère), d'un iman ou d'une religion, ce voile devient alors lourd à porter. Lourd pour la jeune femme qui est obligée, lourd pour la religion qui l'impose, lourd pour notre société démocratique où la liberté ne devrait pas être un vain mot.
Si, par contre, pour cette jeune femme, ce foulard est signe de sa liberté de croire et de vivre sa Foi, soyons fiers de cette conviction qu'elle ose afficher. Mais cela ne doit jamais lui interdire de suivre normalement une formation scolaire dans son entièreté. Cela ne doit pas l'empêcher de suivre un cours de gymnastique, de natation. Sa liberté s'arrête au moment au moment ou l'obligation d'épanouissement de son corps et de son esprit a besoin de cette ouverture. Le port de la burqa ou du niqab me semble plus difficile à comprendre. Elles ne permettent pas l'identification de la personne et arrivent très rapidement à une identification extrémiste que je ne peux approuver, comme toute prise de position extrême qui n'arrive qu'à construire des mûrs entre les humains.
Dans les pays laïcs (Turquie, Syrie, Jordanie), ou la religion musulmane est majoritaire, j'ai rencontré de nombreuses femmes portant le voile et elles étaient très accueillantes et très tolérantes pour ma religion dans le cadre de leur famille.

 


J'ai aussi rencontré de nombreuses femmes non voilées qui affirmaient tout autant leur foi. Le port du voile ou de quelques signes religieux doit toujours être lié à la liberté de chacun personnellement.
Dans nos pays occidentaux, dit de liberté de pensées, cela doit aussi être inscrit. Le signe d'une conviction religieuse doit pouvoir être porté, s'il est choisi et qu'il n'engendre pas un prosélytisme d'obligation de croire de la même manière que celui qui le porte. De mon long pèlerinage, je retiens essentiellement la fraternité, l'accueil, le bonheur de la rencontre que j'ai découvert pendant ces 165 jours de pérégrination.
De nouveau, ce n'est que ma manière de vivre aujourd'hui.

Merci à vous deux pour ces témoignages et le temps que vous nous avez accordé. 

 

PS : Notre prochaine invitée sur ce même sujet sera Fatima Zibouh.

Elle est chercheuse au Centre de l'ethnicité et des migrations à l'Université de Liège et administratrice suppléante du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme.

Mise à jour le Jeudi, 19 Janvier 2012 19:47