Témoignage de Jean-Marie Gaspar à des enfants de 12 ans |
Écrit par Best of Verviers | ||
Jeudi, 15 Octobre 2009 21:19 | ||
Présentations Bonjour et merci de m’accueillir. Je m’appelle Jean-Marie. Mon prénom, c’est la seule relation que j’aie avec Dieu. C’est ainsi qu’il me connaît. Même s’il y a de nombreux Jean-Marie, il me connaît ainsi. Gaspar est mon nom de famille, c’est le nom de mon clan. J’ai 68 ans, j’ai été marié durant 45 ans. Mon épouse a été malade durant 20 ans. Durant sa longue maladie, nous avons très souvent parlé et on s’était dit que lorsqu’elle me quitterait, si j’étais bien physiquement, j’irai à pied à Jérusalem avec elle dans mon cœur. J’ai 3 enfants et 11 petits-enfants. Ils sont âgés de 5 à 21 ans. C’est eux que j’ai du convaincre de pouvoir partir.
La croix que je porte autour du cou Pour moi, cette croix est le signe que Jésus est mort et ressuscité. Jésus est venu me dire qu’on est libre. Il n’y a pas de Christ sur cette croix car elle reste le signe de la croix replantée et qui refleurit.
Partir A mes enfants, j’ai tout donné peu avant mon départ, tout ce qui est matériel, tous mes biens : maison, objets, souvenirs,… Le 8 mars 2009, un dimanche, je suis parti pour un long périple, un pèlerinage. J’étais ce jour là, accompagné par ma famille et des amis. J’ai marché jusque Robertville. Dans mon petit sac à dos, juste l’indispensable. En tout 8kg et pas de tente, non ! Emballés dans un sachet plastique, 1 t-shirt de rechange, un caleçon, une paire de bas, un petit sac de couchage, 2 litres d’eau, une place pour mettre un peu de nourriture, une carte pour les grandes directions, une boussole. Lorsque j’étais enfant, et il montre la carte du monde, la Terre était énorme. En 50 ans, elle est devenue un village. En Belgique par exemple, beaucoup de nationalités sont venues pour vivre chez nous. Vous le vivez au quotidien vous aussi. Un jour dans une école, j’ai pu compter 32 nationalités différentes. Tous rassemblé dans le petit monde qu’est l’école. Alors, je n’ai pas été dépaysé. Partir à Jérusalem, c’est surtout rencontrer des gens, beaucoup de personnes. Même s’ils ont des langues, des cultures, des écritures, de religions différentes, le seul langage commun que j’ai pu constater tout au long de ces 6000 kilomètres, c’est celui du cœur. Il est commun à tous. Au quotidien, je communiquais avec des petits dessins ou des mots que j’apprenais, des gestes ! Je me suis toujours fait comprendre alors que je ne parle que le français, et le wallon (rires).
Partir… Ce n’est pas facile. J’ai vécu les 4 saisons sur mon chemin. La nature change : les animaux, les fleurs, les plantes et les hommes. C’est vraiment magnifique toute cette création ! Toute cette perception m’a conforté dans ma manière de voir Dieu.
Dieu, parlons-en. Pourquoi avez-vous peur ? Je me suis retrouvé dans des pays musulmans. Là, on l’appelle Allah, nous Dieu. Ce qui est certain, c’est qu’il n’y en a qu’un et qu’il est unique. Durant ma vie d’homme, j’ai eu d’autres dieux : l’argent, les biens,…alors on se détache de Dieu. Dans notre pays, en Europe, dans le monde, dans notre vie, nous vivons dans la peur. Lorsque vous regardez la télévision, les journaux, lorsque vous écoutez la radio, on oublie trop souvent de nous dire que le monde est beau, que les gens sont sympas. Souvent ce sont les jeunes qui m’ont aidé, vous êtes notre avenir ! Vous vivez dans un monde où vous ne devez pas avoir peur. Il y a des gens formidables.
Durant 6 mois, j’ai marché environ 35 kilomètres tous les jours. Souvent, on m’appelait et l’on me donnait à boire, à manger, parfois même un endroit pour loger. On me disait, c’est formidable tout ce que tu fais ! Mais en fait, c’était mon corps qui me disait ce que je pouvais faire. Il ne m’a jamais lâché. Et puis la météo. Sur 6000 kilomètres, j’ai eu 6 jours de mauvais temps.
Imaginez-vous un monsieur qui vient chez vous et vous demande pour dormir… Quelle serait votre réaction ? (Tous les enfants expriment leurs craintes, leurs méfiances, leurs prudences,…) On se dit : Je ne le connais pas, soyons prudent, on se méfie. Sur le chemin, des jeunes de 17-18 ans m’interpellaient et s’engeaient, souvent au nom de leur famille, et m’invitaient à dormir chez eux, surtout chez les musulmans (En Turquie, Syrie, …)
A mon entrée en Israël, pays en guerre, je n’étais pas toujours le bienvenu principalement avec les soldats, aux passages de frontières,… J’ai essayé de poser mes pas dans ceux de Jésus. Un jour, entre Capharnaüm et Nazareth, j’avais le choix entre deux chemins. J’ai hésité et finalement, j’ai choisi la plus mauvaise des deux. La plus grande chance que nous a donné Dieu, cette qualité essentielle, c’est la liberté. J’étais libre de choisir mon chemin. Je me suis retrouvé devant une dame qui portait un panier de feuilles de vignes farcies et des mangues dans l’autre main. Je lui ai montré ma carte mais elle n’a pas su m’aider. Cependant, elle m’a directement proposé à manger et m’a donné la plus belle mangue et une feuille de vigne farcie. Cette dame était voilée. Je me pose intérieurement la question de savoir si on ne doit pas respecter plus la manière de vivre et la manière d’être des autres ?
Marcher Je marchais en short, mais dans certains pays ce n’était pas bien vu. Alors, le soir, par respect pour mes hôtes, je remettais mon pantalon. Durant 6 mois j’ai marché avec le même t-shirt. Il était bien rouge au départ puis avec le soleil, il est devenu plus clair. Chaque soir, je faisais ma lessive. Si mes vêtements n’avaient pas eu le temps de sécher durant la nuit, je repartais avec des habits un peu mouillés ! (rires) A votre avis que fait-on quand on marche, demande-t-il aux enfants ? Vous avez raison ! On pense, on réfléchit, on regarde les paysages, les maisons, on rencontre des gens et on se raconte des histoires.
En voici deux : - Début mars, les oiseaux se remettent à chanter. Le pinson par exemple pousse un cri qui ressemble à ceci : tchip tchip tchip Vi Dju ! En Wallon, notre ancien français, Vi Dju veut dire Vieux Dieu. Ce pinson m’a accompagné jusque Istanbul (Turquie)… Pas le même évidemment ! (énorme éclat de rire). Ca m’a encouragé !
- Après avoir passé le Bosphore, dans la partie asiatique de la Turquie, j’ai eu d’autres compagnons : des papillons. J’en ai vu des milliers avec des couleurs bien différentes mais tous tellement beaux. Ma fille Manuèla disait toujours lorsqu’elle voyait un paillon blanc : « Papillon blanc, trois jours de beau temps ! » Ce sont de petites histoires telles que celles là qu’on se raconte. C’est chouette !
J’ai appris à dire bonjour dans toutes les langues. C’est ma première chose qu’on devrait dire lorsqu’on rencontre quelqu’un. Ainsi, on crée des liens. Parfois, je n’avais pas de logement alors, je logeais sous un arbre, sous un pont,… Mais un simple geste de la main, une invitation à venir discuter pour savoir où j’allais, suffisait parfois à trouver un logement pour la nuit, un repas, de quoi boire. Chaque nouvelle rencontre débutait par « bonjour ». C’est important de souhaiter à quelqu’un bonjour.
Un jour, en Israël, un 4x4 me dépasse. Un monsieur tout barbu, pas trop bien habillé arrive à ma hauteur et me tend une bouteille d’eau fraîche. Le paradis pour moi, quel bonheur ! Il me propose de monter avec lui en voiture, mais je refuse poliment en lui expliquant que je suis pèlerin et que je voulais continuer à pieds. Il m’invite alors à venir chez lui quelques kilomètres plus loin. J’ai marché sans voir de maisons. Puis j’ai vu des vaches, les mêmes que chez nous : des charentaises et des limousines. C’est alors qu’ j’ai aperçu la maison. Le bonhomme m’y attendait.. On a mangé, bu alors qu’il ne me connaissait pas ! Des histoires ainsi, je peux vous en raconter des dizaines. Il est probable que nous aurions eu peur d’inviter un inconnu. Sachez que le monde est bien plus gentil, bien plus beau qu’on ne le dit !
Voir avec le cœur Une chose extraordinaire, ce sont les paysages. On reste à chaque fois ébloui par tant de beauté. Face à un paysage, on peut voir des choses merveilleuses. Encore faut-il les voir. Bien entendu, chacun de nous sait voir avec ses yeux mais encore faut-il avoir envie de voir ce qui est beau ! Il suffit de comprendre qu’on peut voir avec les yeux du cœur. Comment ? Simplement en regardant les choses, les gens avec beaucoup d’amour. L’amour fait avancer les choses. On peut aussi prier, dire merci !
Le pays de mon cœur : La Turquie Un pays extraordinaire où l’accueil est formidable. Un jour, alors que je marchais le long d’une route au cœur de la Turquie, j’aperçois une famille (au sens large avec oncles, tantes,…) en train de pique-niquer. Il crient après moi et me font signe d’approcher.
Il me propose de l’eau, du thé (çay) et nous discutons. Après 5 minutes, ils me disent de m’asseoir avec eux autour de la nappe et du repas. Ils me tendent du pain avec lequel on va chercher la nourriture dans un plat commun. Lorsque le repas était terminé, la nourriture restante est rassemblée et servira le soir. Dire que chez nous, chaque belge jette 14 kg de nourriture par an !!!
Israël Au lac de Capharnaüm, où je marchais sur les traces de Jésus (on raconte que la maison de Pierre et où Jésus a séjourné est ici et qu’on peut la visiter), j’ai été accueilli par des Franciscains. Le deuxième jour, j’entends des chants en français. Des familles originaires de Nantes s’y trouvaient. Il y a eu une messe. On a partagé la paix, j’ai communié. Il y a eu tellement d’émotions dans ce moment partagé, que j’ai pleuré longuement sur moi-même. A Nazareth, j’ai retrouvé ces jeunes et je suis resté deux jours avec eux. Les jeunes sont magnifiques ! Lorsque j’ai quitter Nazareth, je me dirigeais vers la Samarie. Je pensais qu’une fois entré en Israël, je pourrais traverser tout le pays sans problème. Mais non ! Il faut savoir que la Samarie, se situe aujourd'hui à cheval sur les territoires de Cisjordanie et d'Israël. Je suis donc arrivé à une frontière entre Israël et la Palestine, la Cisjordanie. Pour infos : "Les habitants de Cisjordanie sont majoritairement des Arabes palestiniens. La population de la Cisjordanie est évaluée aujourd'hui entre environ 2 et 3 millions d'habitants. Ce chiffre inclut également les Israéliens installés en Cisjordanie. En 2006, on dénombrait 220 000 Israéliens à Jérusalem-Est et 250 000 autres dans le reste de la Cisjordanie. Ils représentent 25% de la population et occupent 40% du territoire. Leur implantation a été encouragée depuis son occupation par Israël en 1967, avec une accélération du mouvement depuis 1977, sous le gouvernement de Menahem Begin. Le processus de colonisation s'est poursuivi durant toute la période du processus de paix malgré les différents engagements de gel pris par les Israéliens. Le nombre de colons a plus que doublé entre 1993 et 2006. Ces colonies sont illégales au regard de la loi internationale. La population palestinienne connaît un très fort taux d'accroissement naturel, estimé à 4,2 % par an sur la période 1990-1995, en dépit d'une très importante mortalité infantile (44%) liée à l'insuffisance des infrastructures sanitaires. En 2006, les estimations de la population palestinienne – y compris Jérusalem-Est – varient de 1,7 million à 2,4 millions, le chiffre officiel." Sources Wikipédia On nous raconte bien des choses à la TV et notamment que le Palestiniens portent des bombes,… Donc, me voici demandant de pouvoir passer en Cisjordanie. Il faut savoir qu’en Israël, les garçons de 18 ans font trois ans de service militaire et les filles en font deux. Durant leur service, ces jeunes ne quittent jamais leur mitraillette. Incroyable ! La jeune fille me dit « Vous ne passerez pas ! ». Je parlemente, j’explique que je suis présent pour la paix, que j’effectue un pèlerinage,… Elle continue de m’oppose un net refus et puis appelle un officier. Il me dit également que je ne passerai pas « NON ! » Comme j’insistais, il a appelé un soldat qui m’a directement mis en joue avec son arme. J’ai redit que j’étais ici pour la paix, pour faire grandir la paix ! Mais on ne m’a pas laissé entrer. Comme je suis têtu, j’ai vu sur ma droite une route qui longeait la frontière. Il faut s’imaginer : cette frontière, c’est 5 mètres de barbelés, une route et 5 mètres de barbelés. J’ai longé ces barbelés avec…une auto-mitrailleuse qui me suivait ! Puis enfin, une rencontre ! Sortant d’une voiture blanche, une religieuse… Elle parlait français ! J’ai pu ainsi lui poser des questions et lui demander des renseignements. Elle m’a expliqué les endroits où je pourrais dormir sur le trajet et m’a donné l’adresse de son couvent. J’ai dormi deux jours sur une pelouse. A Jéricho, nouvelle frontière. Là, j’ai été plus convaincant. J’ai pu passer. J’ai dormi les deux jours suivant dans une classe, à terre sur le dur. J’étais complètement cassé. J’ai trouvé la force de me remettre en route. De Jéricho qui est à 200 mètres sous le niveau de la mer, j’ai marché vers Jérusalem qui culmine à 500 mètre d’altitude.
J’ai été acueilli par les Sœurs de la Charité où j’ai retrouvé ma petite religieuse (sœur Ursula). J’y ai été accueilli de manière admirable. : un logement, du savon, du dentifrice, des vêtements,…. J’y suis resté trois semaines et je n’ai rien dû payer. Ces religieuses s’occupent principalement de l’accueil de jeunes enfants palestiniens, une vingtaine. Elles aident ces enfants et je voudrais moi aussi à l’occasion pouvoir récolter de l’argent et leur envoyer. A Jérusalem, j’ai été scanné avant de pouvoir me rendre au « Mur des lamentations ». J’ai été prier pour la paix ! J’ai compris que ce que les Israéliens veulent, c’est que les Palestiniens s’en aillent car ils portent des bombes. Il est important de s’informer pour connaître ce qui se passe vraiment !
Rome, ce n’est pas mon église ! J’ai ensuite repris l’avion jusque Vérone en Italie d’où je me suis rendu, toujours à pied vers Assises et Rome afin d’assister à la canonisation du Père Damien, le 12 octobre 2009. A Assises, où Saint François a vécu, je me suis senti vraiment bien.
Par contre, arrivé à Rome, je dois dire que ce n’est pas mon église. C’est une église de riches. Moi je suis pour une église pour les pauvres. Il faut dire qu’à Rome, il y a de nombreuses personnes qui se disent pèlerins. A la différence de mon cheminement, ils viennent souvent en avion et font également du tourisme. J’ai donc cherché un lieu pour être accueilli, comme pèlerin marcheur ! J’ai seulement trouvé un couvent à 48 euros la nuit ! C’était le moins cher et ça allait jusque 120 euros. C’est vraiment exagéré ! Alors, je me suis rendu à l’évêché et on m’a dit de me rendre un peu en dehors de Rome à St Jean de Latran. Mon but était d’expliquer ce que j’avais vécu. 2 policiers m’ont mis dehors. Je suis revenu. On m’a alors poussé dehors plus fort. Comme je suis pacifiste, j’ai enlevé mon sac et je me suis assis par terre en guise de protestation. Un homme a alors pris mon sac à dos et l’a jeté sur la rue. Un policier l’a encore jeté plus loin en me disant de m’en aller. J’ai montré mes deux poignets liés et demandé à être menotté si j’avais fait quelque chose de mal. L’officier m’a dit de partir. De guerre lasse, j’ai pris une feuille A4 sur laquelle j’ai écrit : « J’espère que jamais vous ne serez accueilli comme je l’ai été ici ». Je leur ai donné puis je suis parti.
Mes projets Je suis diacre. J’ai reçu un sacrement qui est un signe que Dieu nous donne. Je l’ai accepté pour devenir serviteur, un peu comme Jésus qui lave les pieds de ses disciples. Dans mes fonctions, je suis aumônier du centre fermé de Vottem, le lieu où l’on parque les « Sans Papiers ». C’est un lieu de désespérance ! Je me vois vers une mission plus tournée vers les jeunes, les prisonniers et les étrangers.
- Merci Jean-Marie
Visite du vendredi 9 octobre 2009, classe de sixième primaire SFX 2 à Verviers
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Mise à jour le Samedi, 18 Septembre 2010 08:50 |