Le carnet de Loreta : mai-juin 2012 |
Écrit par Loreta Mander | ||||||||||
Mercredi, 27 Juin 2012 05:19 | ||||||||||
Lors de son premier échange Loreta se présentait ainsi : "La maladie est pour moi une forme de chance, comme un rappel à la vie. Tout allait pour le mieux pour moi : j’ai rencontré mon cœur jumeau, je reconstruis ma vie et je suis tout simplement heureuse.
Voici son carnet de bord, huitième volet
Dimanche 27 mai 2012
Mardi 28 mai 2012 Des personnes enthousiastes qui croient au projet et qui vont le mener main dans la main avec nous. 10 ans que nous arpentons les scènes, 10 ans que nous mettons notre âme et nos émotions dans notre travail… une juste récompense et un projet qui se concrétise enfin. Tout ça avec l’appui d’amis qui ont cru en nous et qui ont porté le bébé avec nous.
Dimanche 3 juin 2012 Ma maman est partie il y a 14 ans déjà et elle me manque comme au premier jour de son départ. Ma fierté est de l’avoir accompagné jusqu’à son dernier souffle. J’ai été élevée dans une famille où on ne se disait pas souvent « Je t’aime », mais cet amour allait sans dire. Et pourtant, n’oublions jamais de dire « Je t’aime » aux gens qu’on aime, après il est trop tard. Je pense que ce sont les derniers mots que je lui ai dit avant que son âme parte dans la troisième dimension. Ca m’a soulagé et, malgré son coma, je suis certaine qu’elle a emporté ces mots avec elle. Parfois, je les vois briller dans le ciel et je suis contente. Mes enfants, bien qu’ils soient adultes et parents, resteront mes bébés. Au travers de ma petite fille, je revois ma fille. Le même regard, les mêmes attitudes et la roue tourne, la vie continue. Mes enfants sont mon avenir, ils m’aident à tenir le plus longtemps possible. J’ai encore tant de choses à apprendre d’eux et certainement le contraire également.
Jeudi 7 juin 2012 J’étais avec ma copine de longue date. Je l’appelle ainsi, parce qu’elle me bat de 3 mois en longévité dans le département oncologie (hôpital de jour) à l’UZ Leuven. Nous avons le même parcours. Elle doit avoir 65 ans. Petite madame ronde, toujours accompagnée de son mari qui est aux petits soins pour elle (comme quoi, soit la maladie sépare, soit elle réunit encore plus forts les couples amoureux !). Nous avons sensiblement le même parcours : cancer du sein métastasé. Elle est également dans le même test clinique (TDM1). Nous avons essayé de compter car, comme tous les « mauvais » souvenirs, la mémoire s’estompe : à nous deux, nous totalisons quelques 170 séances de chimio, sans compter les séances d’Herceptine toutes les 3 semaines. Si on les ajoute, nous ne devons pas être très loin des 300 séjours en hôpital de jour. Elle est toujours souriante, toujours contente. Parfois, elle sort de la visite médicale les larmes aux yeux. Nous sommes toutes passées par là, lorsque le médecin nous annonce que le traîtement ne donne pas les résultats escomptés. Quand c’est le cas, les 3 malades de la chambre compatissent et se font discrètes ou encourageantes. Dans ce service, les malades vont et viennent et parfois ne reviennent plus, parce que la rémission est totale ou parce qu’elles ont terminé leur œuvre sur terre et sont parties rejoindre John Lennon au paradis des musiciens ! C’est ainsi…. nous y sommes toutes et tous bien préparés. N’empêche…. C’est parfois dur d’entendre que telle ou telle personne ne reviendra plus au département E633. Par contre, quand les news sont bonnes, tout le monde s’en réjouit et on est sincèrement contentes pour la malade. Le cancer nous a réuni dans une énorme communauté, faite de rencontres, de rires, de larmes, de compassion et surtout d’espoir. Quand le moral est bas, il y a toujours un autre malade pour nous booster.
C’est un échange simple et sincère. Je n’avais jamais connu cela avant. Parce que la vie nous oblige à tracer, à devenir compétiteur, à être le premier. A quoi bon, ici, tout le monde fait la course à son rythme. L’important n’est pas d’arriver le premier, mais tout simplement d’arriver au but que nous nous sommes fixé. Quand un tombe, on s’arrête pour le relever et quand je tombe, il y a toujours une main tendue pour me tirer vers le haut. Nous sommes tous égaux. La barrière de la langue n’est jamais un obstacle. Ici, il y a des flamands, des wallons, des anglais, des hollandais, des marocains…. nous sommes tous des boat people qui cherchons la sérénité pour continuer le chemin ou pour passer de l’autre côté sans peur.
La vie n’est pas une compétition, c’est un plaisir. Nous ne voulons pas voir sa beauté. Nous préférons comparer. Mais chaque être est unique, c’est cela qui fait sa vraie différence. Souvent nous jugeons parce que nous ne savons pas (ou ne voulons pas savoir). Il faut connaître le passé de quelqu’un pour comprendre son présent et ses aspirations. Nous avons tellement à faire à conduire notre propre destinée et cela nous laisse peu de temps pour toujours se mettre à la place des autres. Nous devons juste partager. Un sourire, par exemple…. quelle belle arme que le sourire. Il est communicatif, il fait du bien à celui qui le donne mais aussi à celui qui le reçoit. Il illumine la vie, il fait voir la vie en rose. Si, au lieu de cela, nous ne cessons de nous plaindre et de faire la gueule, qui voudra nous donner son sourire ? Et c’est la spirale. J’en ai fait mon quotidien. Le sourire, la bonne humeur sont mon quotidien que je partage sans avarice avec mon cœur jumeau.
Dimanche 10 juin 2012 C’est drôle comme les écueils de la vie peuvent remettre une vie en question et surtout fixer les vraies priorités. Je suis heureuse pour elle. Maintenant, je sais aussi qu’elle fait de son mieux pour ne rien dramatiser devant moi, car elle sait que je prends beaucoup trop de choses à cœur. Mais c’est ma fille, c’est normal. Quant à Mila, fidèle à elle-même, qui m’a tenu la conversation et m’a donné un cours de dessin « maison ». Quel bel espoir elle représensente pour moi. Elle a le sourire de l’avenir. Insouciante, belle, nature, elle me pousse en avant. D’ailleurs, une amie, qui écrit très bien, a pondu un joli petit conte pour dormir dédié à Mila. Je lui ai fait parvenir et je suis certaine que sa maman le lui lira régulièrement. Il faut aller lire ses jolis textes, pleins d’émotions. Elle s’appelle « La Plume Pixellisée ». Puis, direction Spa. Rendez-vous avec des amis plus que charmants. On les adore. Petite promenade au marché des saveurs du terroir, à goûter fromages, saucissons, macarons et fruits (enfin surtout mon homme, car moi je peux regarder mais pas toucher…. Sauf les fruits). Super soirée au resto où le chef m’a concocté des plats sans sauce, mais savoureux. Je me sentais très bien. Tout était réuni pour profiter à fond du moment présent. Ces quelques moments précieux qui existent dans la minute, qui passent et qui laissent un goût de miel. J’adore ces instants, surtout s'ils sont partagés dans l’amour et l’amitié. Ce ne sont que des choses bien simples pourtant. Le lendemain, direction le Parc des 7 heures pour jeter un coup d’œil sur la pétanque des célébrités. On a revu pas mal de gens connus et ça m’a donné l’idée de mettre sur pied une équipe pour 2013. On a le nom : les amazones, on a le logo pour le t-shirt (ça mon graphiste préféré s’en occupe) et on a le but : contre le cancer du sein. Il me reste un an pour construire ce projet si simple. Puis, directement le trou du cul du monde, oui, c’est ainsi qu’on appelle le village où vit mon fils Arnaud. Aimer la nature, c’est super chouette, mais habiter si loin, il faut vraiment le vouloir. Super après-midi puis retour casa. Je suis si fière de mes enfants. Ils n’ont pas toujours eu la vie facile, ils viennent de passer des moments difficiles, mais ils essayent de mordre la vie à pleines dents et de se contenter de ce qu’ils ont. J’espère au moins, avoir pu leur transmettre le goût des choses simples qui rendent heureux. Puis, aujourd’hui, super moments passés avec Brenda, la fille de Jean-Marie et ses enfants Alex, Loïc et Zoé. Ils sont aussi mon espoir. Toute cette petite tribu vit dans l’amour simple et la gaîeté. Ils sont beaux et sages. Que demander de plus ?
Vendredi 15 juin 2012 Bien que je sois habituée à côtoyer des gens malades dans mes périples hospitaliers, quand il n’est pas bien, je ne suis pas bien non plus. Mais, il faut être forte pour le soutenir. Je lui dois bien ça. Encore une journée à rayer du calendrier.
Lundi 18 juin 2012 Allez, courage, on relève la tête et on est créatif. On imagine une grosse boule jaune orangé, qui réchauffe l’atmosphère et les os. Je ferme très fort les yeux mais je ne sais même plus à quoi ressemble cet astre. Mais puisque je dis qu’il faut toujours sortir le positif d’une situation négative …. Au moins j’économise l’arrosage du jardin ! Les quelques jours écoulés, j’étais mélancolique. Le pire est que je ne sais pas pourquoi. Les larmes me montaient aux yeux sans que je n’y trouve une bonne raison. C’est peut-être mon corps qui veut me dire quelque chose. Je recommence la méditation pour aller faire mon enquête. J’avais, je l’avoue, un peu laissé tomber car je n’en éprouvais pas le besoin. Le problème est que cette discipline devrait être pratiquée à petites doses chaque jour pour l’entretenir. A un moment, le corps pense qu’on ne lui parle plus et il nous rappelle à l’ordre. OK, ça va, fais pas la gueule, j’arrive mon corps. Enfin quand je dis que je ne sais pas pourquoi, c’est probablement l’angoisse du prochain scanner qui pointe son nez. C’est toujours un moment un peu plus difficile. Avant ça se passait tous les 3 mois, mais pendant les chimios, c’est toute les 6 semaines. Donc, à peine remise des résultats, tu penses déjà aux suivants. Mais je sens que ça va être bon, en tout cas, rien ne me tracasse vraiment à ce sujet. Carpe Diem.
Mardi 26 juin 2012 J’avais pas trop confiance ces derniers jours, donc je doutais. Prise de sang, avaler 1,5 litre d’une boisson infâme en guise de petit-dej apéro (pouahhh à jeun c’est encore plus mauvais !), et sur mon grand cheval blanc flanquée de mon cœur jumeau, sus au scanner !!!!
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Mise à jour le Mercredi, 27 Juin 2012 05:43 |