| Aujourd’hui, je vous propose de partir à la rencontre de Michel Jaspar, musicien né au cœur de notre beau pays de Vesdre. Ne vous laissez pas abuser par son physique d’ascète au crâne rasé à la voix de baryton-basse : son regard vif est celui d’un homme insatiable en quête d’absolu, qu’il soit d’oreille ou de c(h)oeur. Psychologie, pédagogie, comédie, direction de chœurs, enseignement, mise en scène, il se nourrit de saveurs sonores et théâtrales sans cesse réinventées.
Il ne faut pas manquer de souffle pour porter le flambeau de la musique et... |
transmettre de bouche à oreille, sans distinctions d’âge, de culture, de style, une passion qui vous consume.
Tous les ans, Michel ouvre sa maison aux fêtes du 15 août, en plein cœur de la Cité Ardente où il s’est installé à portée de voix de la maison natale de Grétry. On le voit aussi, certains week-ends, orchestrer des « Flâneries érudites »sous une perruque poudrée de frais que n’aurait pas désavouée le grand compositeur liégeois.
Abba, Jean-Jacques Goldman, Brassens, mais aussi Bach, Monteverdi et Brahms brillent au firmament de son ciel artistique où il puise son intarissable énergie de maître-chanteur.
Bonjour Michel.
Ces derniers mois, je t’ai croisé à la mise en scène de l’Orchestre Philharmonique de Liège raconté aux enfants, puis à l’Ecole Fondamentale du Chaîneux à Heusy et peut-être demain dans l’un ou l’autre Conservatoire Royal de musique. Enfants, enseignants et futurs chanteurs, tu les fais vibrer tous à chœur joie.
La musique au temps de ton enfance : coup de foudre ou coup de pied aux fesses de tes parents ?
« Un subtil mélange des deux : pas de coup de pied, mais une main maternelle bienveillante qui a mené déjà, avant moi, mes quatre grands frères et sœurs au conservatoire de Verviers. Puis un plaisir tiré du cours de solfège, pourtant si académique à l’époque. Je préférais chipoter au piano, essayant de jouer les chansons à la mode ou les musiques de film, que travailler avec rigueur les morceaux classiques imposés par le cours. Il y a eu ensuite la pratique de l’accompagnement à l’orgue des messes, moments où la voix paternelle, pourtant dénuée de toute formation académique, fredonnait spontanément des secondes voix qui m’impressionnaient. »
Le choix de la vie d’artiste s’est-il imposé à toi très tôt ?
« Non. Jusqu’à l’âge de 15 ans, je songeais à la prêtrise ! Puis la découverte de la sexualité et une remise en cause radicale de ma foi m’ont écarté de ce chemin. C’est dans le feu de l’adolescence que je me découvre une passion pour la musique classique grâce à Simone Pierson, professeure d’histoire de la musique au conservatoire de Verviers… A Liège, j’ai un véritable coup de foudre pour l’enseignement de ce qu’il est convenu d’appeler, à partir de cette époque, la formation musicale. Sous l’impulsion de Jacques Fourgon, de jeunes professeurs essayaient de réformer l’antique et poussiéreux cours de solfège en y introduisant plus de pédagogie active, plus de musicalité que de technique dans une grande liberté de style. Avec l’étude de l’histoire de l’art, la musicologie, l’égyptologie et enfin la psychologie, j’ai poursuivi mes recherches à l’Université de Liège avec le ferme dessein d’étudier la cognition musicale et ses aspects pédagogiques. Mon sujet de mémoire ? L’oreille absolue et ses conditions d’acquisition en première année de solfège. »
L’oreille absolue ? Kézako ???
« C’est une aptitude, non universellement partagée, à associer les hauteurs sonores avec les noms de notes et, par conséquent, à les identifier instantanément et sans aucune peine. Très pratique pour réussir un premier prix de solfège ! »
Tes sources d’inspiration ?
« Je n’ai pas eu, à proprement parler, de « modèles » ou d’idoles qui ont eu un effet décisif sur mon envie de chanter et de jouer. Toute l’évolution de la musique occidentale m’intéresse, depuis la polyphonie de la Renaissance (Lassus, Palestrina,…), jusqu’à certains courants contemporains. Les voix de Maurane, Lavilliers et Calogero me donnent la chair de poule ; la conviction et la poésie de Fugain, Perret, Renaud et Goldman me touchent ; Brassens et Brel comblent à la fois mon intellect, mon affect et mon oreille musicale ! »
Pendant 13 ans, tu as dirigé l’ensemble vocal verviétois Marignan, parallèlement à une carrière de professeur de formation musicale, mais aussi d’histoire de la musique, de chant choral et d’écriture musicale. Un véritable homme-orchestre ! Et maintenant ?
« L’enseignement et la recherche en psychologie et psychopédagogie m’occupent beaucoup dans plusieurs établissements : Conservatoires de Liège et Mons et l’ IMEP à Namur. Mais le musicien ne se tait pas pour autant : je dirige d’autres ensembles vocaux, organise et monte des spectacles, anime des soirées en chantant et jouant du piano (sorte de « karaoké » maison). »
En 1997, tu fondes l’asbl ANACROUSIS. Une sorte d’ADEPS pour adeptes de la musique pour tous ?
« Ce n’est pas loin de cela. L’asbl est née de notre envie, à moi et à quelques collègues et élèves de l’académie de musique de Visé, d’entreprendre des projets musicaux avec une liberté financière et artistique totale. Ces 13 années écoulées ont vu des dizaines d’entreprises, depuis le grand spectacle fondateur « En passant par Goldman » jusqu’à mes actuelles « flâneries érudites » où je déambule dans Liège déguisé en Grétry ou en César Franck. Pour le plaisir de chanter, faire chanter, créer des ponts entre les styles et les genres: classique et rock, musiques du monde et chanson française, rap et madrigaux baroques… ! »
Une conception qui semble éloignée de la Star Ac et autres machines médiatiques formatées pour être rentables.
« Je crache moins que d’autres peut-être sur la Star Ac et consorts. J’enseigne à des ados depuis 28 ans et la libération de leurs voix que ce phénomène a provoquée n’est pas négligeable. A nous, artistes et pédagogues, de canaliser cet enthousiasme vers des univers effectivement un peu plus culturels et surtout plus humains, moins artificiels et matérialistes que les émissions de téléréalité. Je suis souvent très ému lorsque, à l’issue d’une soirée d’animation commencée dans une certaine torpeur, on voit les regards peu à peu pétiller, les volontaires se presser au micro, les têtes balancer, les larmes couler parfois… »
Et demain ? « Outre la poursuite de mes activités dans l’enseignement et la recherche, j’espère encore participer à de nombreux projets musicaux. La dernière idée en magasin est la conception, en collaboration avec des ami(e)s musiciens et écrivains, d’une comédie musicale sur Grétry. Ce sera, je l’espère, la grande production d’ANACROUSIS pour 2013, année du bicentenaire de la mort du compositeur liégeois. »
Merci Michel, et que ta voix continue de nous montrer « la voie lactée, la voie clarté où les pas ne pèsent pas » que chantait Claude Nougaro.
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