Sante Luc
Écrit par Webmaster   
Mercredi, 28 Janvier 2004 07:53
Je m'appelle Luc Sante. Je suis ne le 25 mai 1954 à la maternité Sainte-Marie, rue Masson à Verviers. Ma famille du coté de mon père est vervietoise depuis quasiment toujours. Les "Sante" furent recensés par les moines de l'abbaye de Val-Dieu en 1221. Mes ancêtres, tels que j'ai pu rechercher leurs professions, ont travaille dans l'industrie textile au moins depuis le 18e siècle, mon grand-père chez Voos et mon arrière-grand-père chez Simonis, par exemple. Mon père fut employé dans une fonderie qui desservait l'industrie jusqu'en 1958. Quand la chute de l'industrie a causé la fermeture de cette fonderie, nous avons immigrés aux Etats-Unis (mon père avait une amie d'enfance qui avait épousé un soldat américain après la guerre), et même si mes parents se sentaient déracinés là-bas, nous avons fini par nous y installer définitivement.


Je suis journaliste-écrivain dans la langue américaine. J'ai collaboré a un grand nombre de revues, et j'ai écrit quatre livres: Low Life (1991; l'histoire des quartiers sinistrés et des classes dangereuses de la ville de New York), Evidence (1992; une analyse de photos  de la police newyorkaise de 1914 à 1918), The Factory of Facts (1998; un recit autobiographique édite en francais par Actes Sud sous le titre L'Effet des faits), et une étude sur le photographe Walker Evans (2001; édité en francais par les éditions Phaidon). J'instruis l'histoire de la photographie au "Bard College" (en anglais un "college" est une institution qui remet le baccalauréat).

 

 


 

 

J'habite l'état de New York, dans la campagne entre la rivière Hudson et les montagnes Catskill (un paysage qui ressemble fort aux Ardennes). Nous sommes à  deux heures, au nord de la ville de New York. Mon épouse, Melissa Pierson, est elle aussi journaliste écrivain, et nous avons un fils de 4 ans, Raphaël.

 

 


 

 

Enfant de Verviers...

 

Quand je suis né mes parents habitaient rue de la Colline, et mes grands-parents des deux côtés presque en face de l'un l'autre dans la rue Robert-Centner, dans le quartier des Gérardchamps. Néanmoins, peu de temps après ma naissance mes parents ont déménagé, à Ensival en premier lieu, ensuite à Pepinster. C'est la ville qui me fournit le plus de souvenirs. J'y ai fait, par exemple, toute mon éducation en Belgique. Mais Verviers, où se trouvaient mes grands-parents aussi bien que les grands magasins, les cinémas, etc., était la grande ville. A mon oeil d'enfant, la Place Verte était le centre du monde.  Cependant, mon modèle de toutes les grandes villes était "New York" et cela bien longtemps avant que je ne la vois.

 

Verviers est restée pour moi un modèle et un lieu de mystères. Elle est fondée dans mon inconscient. Pendant longtemps je retrouvais dans mes rêves une énorme maison de maître, avec un aspect un peu sinistre. Ce n'est qu'au cours d'une visite en 1989 que je l'ai retrouvée. Elle se trouvait en realité, au-dela de la Vesdre vers la fin de la rue Robert-Centner. Les endroits qui m'attraient sont ceux qui ont un rapport familial: Pré de Mangombroux, où mon père est né; rue de Paradis, où mes parents ont vécu pendant quelques années après leur mariage. Ou un souvenir ancestral: place Sommeleville, où mon grand-père est né en 1879, et les ruelles de cet endroit, où mes ancêtres vivaient dans des lieux maintenant disparus (quai de la Batte, par exemple). Où bien ceux qui possède un mystere, une qualité insolite: le cimetière abandonné Montagne de l'Invasion, les chemins au bord de la Vesdre a l'est de St. Antoine, les maisons délabrées (qui maintenant ont peut-être été retapées) dans les petites rues comme rue du Panorama, rue du Pont de Sommeleville. La ville change, naturellement au cours des années 90,  j'ai vu beaucoup de changements. Mais pour moi, Verviers préserve une continuité entre mon enfance et le passe très distant avec ma vie d'aujourd'hui.

 

Immigration, exclusion...

 

Ce que je voudrais communiquer le plus au verviétois ce sont des leçons de ma vie qui concernent l'expérience d'immigration. Mon enfance aux E-U n'a pas été misérable, mais quand même j'ai souffert la moquerie de mon accent et de mes coutumes familiales, l'exclusion des cliques et des jeux à cause de mon origine différente. Je voudrais que les verviétois se rendent compte, au point de vue de leur voisins Africains ou Arabes ou Maghrebins ou Turques ou Indochinois ou Polonais ou Russes, que s' ils se trouvaient transplantés dans une autre culture ils pourraient bien se sentir exclus, jugés, traités de  façon grossière. J'ai parfois remarqué un manque de politesse envers les immigres par des verviétois d'ascendance wallonne et cela me rend  très triste.

 

Revenir à Verviers...

 

Enfin, si je revenais à Verviers (et j'espère y revenir bientôt avec ma famille; mon fils n'a jamais mis les pieds dans le pays d'où est originaire sa famille), je chercherais la tarte au riz, les vochons, les pistolets, les gaufres de Saint-Antoine. Je ferais mon pèlerinage partout à pied, et je voudrais m'offrir un verre dans mon café préféré: Au Pays-Bas, rue de l'Harmonie (je crois), qui n'existe peut-être plus car j'étais toujours le plus jeune dans la salle. Un cadre modern-style que je voulais toujours rapporter dans mes valises.

 

 

Luc Sante