Quelques expositions
Écrit par Albert Moxhet   
Vendredi, 26 Septembre 2014 01:02

Samedi Coup de cœur d’Albert Moxhet

Reprenons le cours du roman-fleuve des expositions de la rentrée dans la région verviétoise. Nous irons à Spa, à Theux, à Verviers sans pouvoir nous attarder à des expositions malheureusement trop courtes mais révélatrices, comme celle des artistes jalhaytois, qui s’est épanouie l’espace d’un week-end.

 
Philippe Waxweiler, qui expose au Pouhon Prince de Condé, à Spa, est un artiste exubérant qui n’arrête pas d’avoir des idées à mettre en peinture ou en trois dimensions, deux concepts qui ne s’excluent pas nécessairement. « Je fais de moins en moins de collages de spaghetti et de plus en plus de peinture », me confie-t-il en passant la main sous le bord du cadre de deux tableaux tout récents, ce qui déclenche une bande-son où musique et dialogue sont en rapport avec le thème traité en peinture. Philippe aime rencontrer des personnalités dont il reprend des réflexions qui jalonnent ses expositions, mais il fait aussi se confronter – à l’insu de leur plein gré – sur ses toiles des célébrités qui n’en demandaient peut-être pas tant, mais qui s’en tirent avec humour : Proust, Einstein, Picasso, Dali, Amélie Nothomb, … C’est avec humour également qu’il s’attaque à la sculpture en accumulant des matières translucides ou d’une grande rigueur opaque. [Galerie Prince de Condé, rue Jean Gérardy, 1, Spa, jusqu’au 12 octobre, je-di : 14-18h30, diverses animations, contact : 0479/30 96 85]   

Jean Dessaucy aurait eu cent ans cette année. Aussi est-ce avec une émotion particulière que les aînés des Theutois ont vu s’ouvrir au Centre culturel une exposition de tableaux de Jean Dessaucy (1914-1985). Conçue par Mme Arlette Rouet, fille du peintre établie dans le Loiret, cette exposition constitue un résumé à la fois chronologique et thématique de la carrière de Jean Dessaucy. Depuis les petits formats des débuts (La chaire de vérité) jusqu’aux compositions florales des dernières années, c’est  à une balade dans Theux et en Ardenne, en Fagne, en Campine et en Provence que nous invite cette exposition. On y ressent le goût pour les contrastes que le peintre a cultivé aussi bien dans le jeu de l’ombre avec la lumière que dans des oppositions de couleurs offertes par les paysages qu’il choisissait d’interpréter. Il n’est d’ailleurs pas indifférent de constater qu’au pinceau il préférait le couteau, mieux à même de rendre compte  de la fièvre qui le poussait à jeter sur la toile ou le panneau ses impressions, ses émotions. En une vingtaine de tableaux exposés jusqu’au 10 octobre au Centre culturel, on peut dire que revit à Theux le talent de cet artiste dont, à moins d’en avoir chez soi, on n’avait plus guère eu l’occasion de voir les œuvres. Theutois profondément enraciné, collègue apprécié de Louis Marville, de Jean-Mathieu Jamsin ou d’Émile Pasquasy, Jean Dessaucy méritait bien cet hommage et l’on peut espérer que son souvenir continuera à se pérenniser au pays de Franchimont. [Centre culturel de Theux, Place Pascal Taskin, Theux, aux heures d’ouverture des bureaux.]

L’Atelier Photo du CC Theux. Assurément, Theux ne manque pas de talents. Pour preuve, l’exposition des travaux des élèves du 2e niveau de l’Atelier Photo du Centre culturel. Sans jeu de mots puisqu’on est dans le numérique, pour de tels résultats, il faut un excellent révélateur. C’est là qu’on retrouve Erik Duckers, non seulement photographe de haut vol, mais aussi remarquable pédagogue. Ce qu’il communique à ses disciples, c’est la passion d’exprimer, de  transmettre le ressenti de cet instant où tous les éléments réunis dans un cadrage sont en harmonie pour créer une plénitude qui comble votre regard. À voir les œuvres – en grand format sur aluminium – exposées avec bonheur dans l’ancien garage des Autobus Gohy par les quelque 25 élèves qui travaillent depuis deux ans avec Erik, le courant est passé. On n’a aucunement l’impression de se trouver devant des thèmes imposés : chacune et chacun s’exprime avec énormément de liberté selon son inspiration et sa sensibilité. Et cela constitue un beau résultat artistique certainement, mais aussi humain. [Rue du Moulin, Theux, jusqu’au 5 octobre, ve : 17-20h, sa, di : 14-18h]

L’Espace 157 ouvre ses portes à Verviers ou, plus exactement, rouvre les portes de cette remarquable salle d’exposition avec éclairage naturel zénithal qui, au 157 de la rue du Palais, fut le siège de la prestigieuse Société des Beaux-Arts, puis, jusqu’il y deux ou trois ans, du Cercle des Beaux-Arts. Destinée à devenir le complément indispensable de l’Académie des Beaux-Arts de la Ville de Verviers, cette galerie ne se limitera pas à cette seule fonction et accueillera également d’autres artistes et d’autres expositions. Pour son inauguration, l’Espace 157 propose des œuvres de neuf élèves comme échantillons représentant les diverses sections de l’Aca. Cela laisse le visiteur quelque peu perplexe, car, à côté de travaux photographiques où le savoir-faire de l’artiste fait transparaître une certaine émotion dans des paysages fagnards revisités avec une sensibilité tragique, d’autres réalisations apparaissent d’une consternante vacuité. On peut sourire devant l’absurde des trois chaises customisées en moulin à café, tourne-disque et scie circulaire déjà vues récemment à l’Harmonie, mais est-il pensable d’imaginer que cela émane d’un atelier de sculpture tout comme une masse de bouteilles d’eau minérale écrasées suspendue au-dessus d’une agglomération de moulages de volumes divers. Que l’on fasse passer tout cela pour des installations ou les accessoires d’une performance, soit, mais pas pour de la sculpture !

 


 

De même, si l’on peut apprécier des esquisses d’implantations urbaines gravées sur des papiers de très grands formats, la réalisation de rondelles en aplats rouges, jaunes ou bleus, même élégamment collées en escadrilles sur une grande cimaise, paraît assez faible pour représenter la section gravure. On rencontre aussi l’épineux problème des monochromes. Nous connaissons de grands artistes pour lesquels le monochrome constitue l’aboutissement d’une longue recherche entamée dans un figuratif très maîtrisé et constamment épuré à travers une démarche abstraite rigoureuse et progressive. L’échelle du temps peut-elle se raccourcir à ce point à l’Académie ?

Que l’on ne voie pas ici une critique acrimonieuse, mais bien le souci d’éviter les modes et les confusions qu’elles entraînent entre le superficiel épidermique d’une époque et l’expression d’une émotion vraie au travers d’un savoir-faire, ce qui constitue l’essence même de l’art. L’Espace 157 est un outil extrêmement intéressant pour établir le contact entre les artistes et le public. On peut rêver que le café du rez-de-chaussée devienne enfin l’instrument actif d’une animation permanente en symbiose avec la salle d’exposition. Il faut donc que celle-ci soit une démarche d’accueil vers le public plutôt que la vitrine d’expériences dont il se sentirait exclu. [Rue du Palais, 157, Verviers, jusqu’au 18 octobre, je, ve :18-20h, sa :14-18h ou RV au 087/22 45 42]

       

Mise à jour le Lundi, 31 Juillet 2017 09:58