Hubert d'Ardenne, histoire d'une légende universelle
Écrit par Albert Moxhet   
Lundi, 01 Août 2011 21:26

Samedi Coup de cœur d’Albert Moxhet 

Certainement l’un des saints les plus populaires d’Ardenne et de Wallonie, Hubert d’Ardenne est aussi connu dans toute l’Europe et jusque sur les autres continents.

Jean-Marie Doucet vient de publier un excellent ouvrage, fruit d’une longue recherche, dans lequel, à travers le temps et l’espace, il évoque de nombreux états et de multiples aspects de la légende de l’évêque de Tongres-Maastricht mort en 727 et enterré à Liège, ville qui lui doit une grande part de sa renommée.

Car, s’il était vraisemblablement apparenté aux maires du palais d’Austrasie, Hubert fut avant tout le successeur de saint Lambert sur le trône épiscopal. Mais c’est la découverte, seize ans après son décès, de son corps intact dans son tombeau liégeois qui déclencha son culte et sa légende.

 

Avec une belle érudition et une grande clarté, Jean-Marie Doucet retrace la façon dont ces deux éléments se sont développés pour des raisons à la fois politiques, sociales, religieuses et morales. Ce qui explique aussi pourquoi, en 825, les restes de l’évêque furent transférés au monastère bénédictin d’Andage, en Ardenne, qui relevait de Liège et qui, plus tard, deviendra Saint-Hubert, grâce au succès des pèlerinages.  Dans cette région de chasse et d’élevage, on va attribuer à saint Hubert un pouvoir sur les animaux et particulièrement sur la rage.

Et comme l’Église n’est guère favorable à la chasse, on va progressivement appliquer à saint Hubert la légende hagiographique de saint Eustache et du cerf crucifère.

 

Au XIe siècle, la conversion du chasseur, illuminé par l’apparition du cerf, en fera le patron de la « bonne chasse », un nouveau modèle de saint qui ne résoudra cependant pas toutes les ambiguïtés. 

À partir du XIIIe siècle, le culte de saint Hubert s’étend au-delà de l’Ardenne, le statut du saint comme protecteur des chasseurs sera adopté dans d’autres régions tandis que l’Église se réconcilie avec la « chasse noble », le cerf étant dès lors considéré comme un symbole du Christ. Sous des formes diverses, l’image va largement véhiculer la légende, d’autant mieux que s’affirme aussi la réputation de l’évêque guérisseur de la rage.

Cet aspect du culte triomphera de la fureur des iconoclastes et des reproches d’idolâtrie formulés par les protestants. Aux XVIIe et XVIIIe siècle, la chasse à courre fait partie de l’image du pouvoir des monarques et des princes, l’image de saint Hubert y est donc particulièrement mise à l’honneur, tandis que pour le peuple, elle se confond parfois avec celle du Chasseur sauvage.

L’expansion européenne vers les autres continents, aux XIXe et XXe siècles, apportera une nouvelle diffusion au culte et à l’image de saint Hubert. La critique historique et les progrès de la médecine en modifieront la portée.

Cependant, même désacralisée, elle a conservé, de nos jours, une puissante valeur symbolique. C’est tout cela qu’avec une multitude d’exemples, d’illustrations et une très grande finesse d’interprétation, Jean-Marie Doucet explique, analyse, dévoile, dans un ouvrage qui est à a fois un beau livre et un grand livre. Il est complété par une éclairante recherche de Jacques Charneux sur les quelque mille ans (ca 687-1797) d’existence de l’abbaye bénédictine de Saint-Hubert d’Ardenne. 

Signalons que cet ouvrage accompagne le nouvel espace Saint Hubert complétant l’exposition Forêts : vie et mystères en Ardenne et Luxembourg ouverte jusqu’au 30 décembre 2011 au Musée en Piconrue à Bastogne. 

[Référence : Jean-Marie DOUCET, Hubert d’Ardenne, histoire d’une légende universelle, Bastogne, Musée en Piconrue, 2011. ISBN 978-2-9600997-2-0. www.piconrue.be ]

Mise à jour le Mardi, 02 Août 2011 08:17