A bout portant, le premier roman de Lena Mariel
Écrit par Best of Verviers   
Mercredi, 04 Novembre 2009 17:40
BoV : A bout portant, c'est le titre de votre premier roman. Qu'est-ce qui vous a mené à l'écriture ?
Léna Mariel : Depuis que j'ai appris à écrire, j'ai utilisé ce mode d'expression pour conserver les traces des histoires que j’inventais et les soumettre à mes parents et à mes soeurs. Vers l’âge de quinze ans, j’écrivais surtout des poésies qui devinrent pour la plupart des chansons, mais aussi des histoires plus longues.  Cette « habitude » n'a jamais cessé, en réalité.

BoV : Avez-vous mis beaucoup de votre vécu dans ce texte ?
L.M. : Forcément, le rapport au tabac, c'est du vécu ! A part cela, tout le reste est pure invention, hormis certains souvenirs en lien avec la balançoire et aussi avec les chanteurs qui ont tour à tour bercé mon enfance.
"A bout portant" est un titre volontairement fort.  Avec un effet de surprise en plus, comme un coup reçu ?
C'est plutôt l'image liée à cette expression qui, prise au sens littéral, m'a inspiré ce titre. L'image d'une arme à feu pointée contre soi et même, directement portée aux lèvres !

Tout au long du roman écris en "Je", la narratrice mène une réflexion, une lutte. Envie d'arrêter de fumer, une vraie polémique lorsque le sujet fait débat entre fumeurs et non-fumeurs. Est-ce le combat à livrer entre culpabilité et frustration ?
Cela dépend du rapport qu'on a avec la cigarette.
La culpabilité, elle existe encore chez moi par moments mais, avec l'écriture de ce livre, je pense être plus indulgente à mon égard lorsque je constate que j'ai moins de caractère que mon héroïne. Maigre consolation ? Sans doute mais, si je pense avoir beaucoup d'empathie pour tous ceux que fumer insupporte, en avoir un peu vis à vis de mon vice me permet de mieux en supporter les conséquences indiscutables sur ma santé. La véritable culpabilité dont je ne peux me défaire, bien que je n'en parle pas dans le livre, est celle que j'éprouve à l'égard des jeunes par le biais d’un « mauvais exemple » que j’incarne en fumant.


Cela étant dit, j'espère que ce livre ne déforcera pas la saine décision de ceux qui ont arrêté ou décidé d'arrêter de fumer mais surtout, j'espère que ceux qui ont eu la chance de ne jamais commencer liront la quatrième de couverture !


Ecrire ce livre ne m’a pas permis d’arrêter de fumer même si j'ai nourri ce rêve tout en l'écrivant, étant certaine que la dernière phrase du livre correspondrait avec ma dernière cigarette ! Il n'en a rien été... En vérité, l'humour, face à certaines situations, peut sauver la mise et, si la plupart des lecteurs ont l’impression que j’ai cessé de fumer, ce n’est pas plus mal. De plus, il s’agit d’une fiction, comme toutes les fictions, il se pourrait qu’elle corresponde un jour à ma réalité, en partie, bien entendu !
Dans ce livre, l’héroïne cultive ses contradictions à défaut de cultiver ses tomates et tente de s’en faire une santé psychique ! 
En réalité, l'humour et la démystification sont quasi des réflexes chez moi car, en dehors du fait de fumer, j’accorde une grande importance à une bonne hygiène de vie !


Par contre, le fait de devoir fumer à l’extérieur ne me dérange pas. Au contraire, l’air dans les endroits publics est plus respirable et, paradoxalement, cette mesure aide la fumeuse que je suis à supporter le poids d’une culpabilité (malgré tout) présente.
Pour l’anecdote, récemment, j’entendais des fumeurs évoquer un phénomène intéressant : avec l’interdiction de fumer dans les endroits publics, les fumeurs se retrouvent entre eux en quarantaine, ce qui contribue à tisser de nouveaux liens. Cette mesure favoriserait donc indirectement la sociabilité !
(Comme quoi, toute médaille a son revers et inversement…)

L'héroïne est attachante. Elle se débat et se sert presque de cette envie de ne plus fumer comme une thérapie à sa vie personnelle ?
En effet, en luttant contre son envie de fumer, l’héroïne recherche les bienfaits de l'abstinence. C’est cependant uniquement dans l’imaginaire qu’elle trouvera une consolation; dans une réalité parallèle qui deviendra (et restera peut-être) la seule contrée vivable pour elle, face au manque.
Au fil du temps, mon personnage finit par délaisser de plus en plus souvent la réalité au profit de son refuge. Le sommeil paradoxal est sa plus belle récréation. Dans quelle mesure ? Dans quelle démesure ?…  A cette question qu’il pourrait se poser, le lecteur choisira lui-même de donner ou de ne pas donner de réponse... 


Il est vrai qu’un jour, il y a de cela des années, j’ai été marquée par les propos d’un psychiatre et d’un musicien qui m’ont avoué tous deux, après plus de vingt ans d’abstinence tabagique, avoir la certitude que, dans quelques-uns de leurs rêves nocturnes, ils étaient encore fumeurs ! Je me demande si cette révélation n’a pas contribué à ma motivation d’écrire ce livre.
  
Musiques, chanteurs, jazz,... les références à des artistes ou des styles de musique parsèment votre roman. Qui sont ces gens qui ont tellement influencé votre vie de fumeuse (ou celle de l'héroïne) et l'imaginaire des gens ?
A travers des références telles que Claude Nougaro, Michel Legrand, Serge Gainsbourg et Henri Salvador, j'ai attribué certains de mes goûts personnels à l'héroïne. J’ai donc succombé à l’envie de joindre ces artistes à mes propos sans même me demander si je n'avais pas, ce faisant, un sacré toupet ! 


Tout comme le saxophone de mon regretté père et les big bands qu’il appréciait, la tentation était trop grande de les intégrer dans mon livre. Alors, je n’ai pas lutté contre elle.


Le repassage et l'écriture comme thérapie ?
Franchement, je détestais le repassage jusqu'au jour où j'ai compris que si l'on profite de l'occasion pour laisser vagabonder ses idées, cette tâche rébarbative peut devenir une occasion comme une autre de « décrocher ».


Cela dit, je ne suis pas devenue fan du repassage mais je m'accommode très bien de cette tâche dont je profite pour rêvasser, ce qui est également envisageable durant une vaisselle (à condition que celle-ci ne soit pas de quatre jours, ce qui peut tourner au cauchemar !...).

Tenir son premier roman en main, c'est un immense bonheur pour vous ?
Préambule :

Pour répondre à cette question, il me faut dire que c’est dans le domaine de la chanson que j’ai, à ce jour, écrit le plus grand nombre de textes et que, si je me suis consacrée à l’écriture de ce premier roman durant plusieurs années, je n’ai jamais abandonné pour autant l’écriture de chansons, même si je n’ai plus de projet scénique depuis 2005.

L’immense bonheur dont vous parlez quand vous évoquez le fait de tenir son livre en main est pour moi du même ordre que le plaisir de tenir son album en main. Cela étant dit, c’est sur le long terme que l'on découvre si ce bonheur était fondé. En effet, c'est en retombant par hasard sur mes anciennes chansons que je redécouvre avec bonheur que je suis toujours émue et que certaines paroles ou traits musicaux se révèlent encore davantage lorsqu'on a oublié leur existence !

J'espère éprouver quelque chose de similaire en « retombant » sur mon livre dans plusieurs années et, surtout, j’espère que le bouche à oreille fonctionnera pour qu’il puisse être lu et, j’ose l’espérer, apprécié par un certain public malgré l’absence de diffusion qui résulte de mon choix premier et délibéré d’auto-publication...

Pour répondre plus directement à votre question, j'ai beaucoup retravaillé mon manuscrit avant de décider de mettre un terme aux corrections ! Comme tous les auteurs, je suppose, je trouvais toujours quelque chose qui clochait à la relecture. Après la dernière, j'ai donc éprouvé davantage de fierté que de joie car tout le travail était derrière moi et je décrétais enfin ne plus pouvoir faire mieux ou beaucoup mieux. En vertu du « toujours améliorable », on peut corriger à l’infini et ne jamais s'exposer à présenter quoi que ce soit, ce qui  garantit de ne jamais faire face à une éventuelle critique.
Je suis consciente que ce livre peut heurter ou ne pas plaire en raison des propos que j’y tiens ou de la façon dont il est écrit mais, à partir du moment où je me suis sentie capable d’assumer les critiques ou l’absence de critiques, (cette seconde éventualité étant encore bien plus redoutable), il fallait enfin admettre de laisser cette histoire m’échapper.


Dans cette perspective, je me suis adressée à différentes personnes qui ont effectué des relectures successives. Le nom de ces re-lecteurs est repris en fin de livre.
Sans leur participation précieuse, je pense que je serais toujours, à l'heure actuelle, occupée à revisiter un texte tellement retravaillé qu'il en aurait assurément perdu tout son sens...
C'est une erreur qui malheureusement, se constate aussi parfois dans la musique, lorsqu'un projet au stade de démo est très bon et qu’une grande part d’émotion  disparaît en cours de production...

Quel est l'écrivain régional que vous appréciez et pourquoi ?

Si ma région est la Wallonie, je citerai sans hésiter Jean-Luc Fonck dont le talent  d’écriture s’étend des paroles de ses chansons à ses recueils de nouvelles, désuètes seulement en apparence !
Fidèle à la même approche du langage et à son univers décalé, une poésie apparaît pudiquement dans ses nouvelles et, tout comme il nous y a habitué dans sa carrière musicale, Jean Luc Fonck ne manque pas de nous surprendre avec ses histoires à dormir debout que je recommande vraiment ! 


Si ma région s'étend jusqu'à Liège, je citerai Karel Logist, poète et Marc Pirlet, romancier, tous deux d’une très grande sensibilité.


Si ma région se résume à Verviers, je citerai, Philippe Groulard. Si je n’ai, à ce jour, lu que son dernier roman, j'en ai beaucoup apprécié le rythme et l’originalité.

Vous êtes née à Verviers en 1965. Quel regard portez-vous sur votre ville ?
Je suis née à Verviers mais, toute ma jeunesse, je l’ai passée dans les campagnes du pays de Herve. Naturellement, j’ai un faible pour les promenades au bord de la Vesdre.


En revanche, je ne suis pas fan des grands « complexes » commerciaux (qui portent bien leur nom) !

Je préfèrerais voir refleurir dans ma ville, des parcs, des bancs, des sculptures, des arbres et des pistes cyclables dignes de ce nom...
Je rêve d'une sensibilité plus grande au commerce équitable et de proximité et d’un soutien réel pour une culture plus accessible et plus activement intégrée à la vie de Verviers, notamment dans des petits endroits chaleureux qui permettent aux habitants jeunes et moins jeunes, aux passants, aux associations et aux artistes régionaux de se rencontrer et de (mieux) se connaître...

 

Merci Léna Mariel pour cette riche découverte de qui vous êtes mais aussi de cette énergie positive qui vous a permis de nous livrer votre premier roman.

NB : Le livre est en dépôt au Fil d'Ariane, aux Augustins à Verviers mais aussi à La Carotte, (librairie boulevard de la Constitution à Liège).

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émission Télévesdre

Mise à jour le Samedi, 29 Mai 2010 16:56