Rencontre avec l'écrivain Bernard Gheur
Écrit par Gaëtan Plein   
Samedi, 22 Octobre 2011 08:33
Notre chroniqueur et ami Gaëtan Plein a rencontré l'écrivain Bernard Gheur dans le cadre de la présentation de son dernier roman "les Etoiles de l'Aube" qui parait dans la collection Plumes du Coq (Weyrich). Une rencontre exclusive Best of Verviers ! Bernard Gheur, bonjour !
Votre carrière avait débuté sur une rencontre heureuse avec un tout grand metteur en scène français qui a préfacé votre premier roman. Racontez-nous les circonstances.
 
- François Truffaut était l’idole des mes 16 ans. Je lui ai envoyé, à 20 ans, un petit texte qu’il m’a conseillé de développer, jusqu’à en faire un roman.
« Je suis sûr que vous en êtes capable ». écrivait-il. Le cinéaste a même corrigé lui-même le manuscrit, un crayon à la main, juste avant la parution du Testament d’un cancre chez Albin Michel..
 
L'intrigue de votre dernier roman , les Etoiles de l'aube , se passe à Liège et en Ardennes .
( J'ai beaucoup aimé ce livre , comme les précédents d'ailleurs .) Vous évoquez l'époque de 1944 , vue par une série de reportages écrit par un journaliste "improvisé" .
Avez-vous des souvenirs personnels de la guerre racontée par vos parents ou des proches qui l'avait vécue ?

 
Des souvenirs,non, puisque je suis né le 18 février 1945, à la fin du terrible hiver où les V1 et les V2 pleuvaient sur Liège. Je suis donc né dans des conditions  mouvementées.  J'avais l'impression de n'être pas venu au monde au bon moment... Comme si j'étais entré dans un cinéma pendant le dernier quart d'heure du grand film. Je ne cessais d'interroger mes aînés: "Qu'est-ce qui s'est passé avant?"    J'ai toujours été fasciné par l'histoire de la guerre.
 

Votre héros journaliste rencontre des inconnus qui ont des petites anecdotes .
Est-ce au cours de votre métier que vous avez été amené à faire revivre la Libération ? Ou surtout par documentation en bibliothèque ou en archives ? 

 
C'est dans le cadre de mon métier de journaliste, qui permet de rencontrer beaucoup de gens. En 2004, pour les 60 ans de la Libération, j'avais lancé un appel aux lecteurs de La Meuse assez âgés pour se souvenir de la Libération par les Américains, en septembre 44. Les témoignages ont afflué. J'ai pu recueillir des dizaines de petites histoires extraordinaires. Elles ont servi de matériau pour mon nouveau roman.
  
Parlez-nous de votre quartier d'enfance près de la rue Saint Gilles : quelle était l'ambiance du collège Saint Servais dans les années 60 ?

Notre maison familiale se trouvait rue Trappé, perpendiculaire à la rue Saint-Gilles. En fait, nous étions voisins du collège  Saint-Servais. De ma chambre d’adolescent, au troisième étage, à l’arrière, j’avais vue sur l’internat. Une façade sévère, à l’image du collège, en ce temps-là. De cette chambre, j’entendais le premier son de cloche et, en courant bien, j’arrivais à St-Servais juste avant la fermeture de la grande porte. Chez les jésuites, les heures de retenue pleuvaient. « Marche ou crève ! » Autrement dit : « Travaille ou change de collège » Tel était le programme.  En français, en latin et en grec, l’enseignement était excellent, extrêmement approfondi. Georges Simenon est passé par Saint-Servais à la fin de son adolescence. Il gardait de ce collège un très mauvais souvenir. Quant à la rue Saint-Gilles, elle était encore parcourue par les trolleybus et même, dans les années cinquante, par la charrette du brasseur ou celle du boulanger, tirée par de gros chevaux. Que c’est loin !     
 
Quels sont vos romans que l’on peut trouver en librairie ?

Le plus facile  à trouver, c’est Le Lieutenant souriant. Réédité dans une collection pour adolescents, il circule beaucoup dans les écoles secondaires. On peut aussi commander chez les libraires Nous irons nous aimer dans les grands cinémas.
 
Souvent vos livres font rapport à l’adolescence. Encore ici, une adolescente joue un rôle important . Quand vous fréquentez des adolescents,  au cours d’animations pédagogiques, que constatez-vous comme différence en 40 ans ?

Pas de différence fondamentale. Dans tout groupe d’ados que j’escorte, il y a les mêmes types que parmi mes copains d’autrefois : le garçon taciturne, renfermé, le petit comique, le chahuteur. La mixité change un peu la donne. Mais, lors de nos promenades en fagne, garçons et filles forment plutôt des clans séparés.
 


Vous avez fait votre carrière comme journaliste au journal « La Meuse » à Liège. Actuellement les métiers de la communication passionnent les jeunes. N’a-t-on pas tendance à idéaliser ces professions ?

 
Il me semble que le journalisme  est une vocation, qui exige une disposition d’esprit particulière, une ouverture, une curiosité, un don d’expression. On « naît journaliste » comme on « naît enseignant, pédagogue ». Aujourd’hui, tout jeune joue un peu au journaliste, via les moyens techniques d’internet ou du téléphone portable. Le journalisme reste une belle profession, mais il ne faudrait oublier la rigueur et le sérieux qu’elle nécessite. Ne jamais écrire n’importe quoi, lancer n’importe quelle nouvelle incontrôlée.
 
Dans votre dernier roman , vous évoquez l'ambiance magique d'un grand quotidien dans les années soixante et septante, avec la très forte personnalité d'un rédacteur en chef. Qu'est ce qui a changé dans la presse en quarante ans ?
 
Autrefois il y avait une ambiance folle dans la salle de rédaction aussi bien qu'à l'atelier d'imprimerie. A la rédaction, c'était le crépitement des machines à écrire mécaniques, les engueulades,  les galopades  dans tous les sens lorsqu'une grosse nouvelle tombait sur les téléscripteurs. A l'atelier, les ouvriers étaient encore des artisans, ils composaient à la main leur page, avec des lignes de plomb. L'atelier était un lieu plein d'humanité. L'avènement de l'informatique a changé tout cela. Aujourd'hui règne le virtuel. Les salles de rédaction n'ont plus d'odeur. 
 
Le monde de l'aviation semble vous intéresser.  Ce goût remonte-il à  vos séjours, dans les années 60, à Berinzenne, du temps de l'ancienne villa disparue , proche du monument canadien ?

 
Oui. Ces séjours au bord des fagnes étaient merveilleux. Les murs d'une mansarde des cette villa étaient couverts de graffiti faits par des GI's au moment de l'offensive von Rundstedt.  Autour du cratère creusé en 44 par l'explosion d'un bombardier de la RAF, en pleine fagne, on voyait encore de petits morceaux de zinc éparpillés. Les derniers débris de l'appareil.
 

Il vous a fallu sept ans pour écrire ce roman. Vous évoquiez , lors d'une présentation au Musée Curtius , que un roman , c'est 95 % de travail pour cinq % d'inspiration ?
 
Disons que j'ai besoin d'une longue maturation.  Je retouche beaucoup le premier jet. Pourtant, la partie de mon nouveau livre qui séduit le plus mes lecteurs est celle qui a été rédigée le plus rapidement, qui a été peu retravaillée. C'est étrange.
 
Quelle est cette partie?
 
La description d'un camp de louvetaux près des fagnes de Malchamps, en avril 1944, la rencontre avec un aviateur, la fascination éprouvée par un jeune garçon pour sa cheftaine, une sublime Akéla aux yeux verts...
 


Interview de Bernard Gheur, écrivain liégeois auteur de plusieurs romans par Gaëtan Plein , un de ses vieux lecteurs passionnés


Bernard Gheur passera dans notre région,on pourra le rencontrer bientôt :
 
- samedi, à 14 heures, animation à la Fnac de Liège
- idem le mardi 25 prochain à 20 heures, à l'abbaye de Stavelot
- le samedi 19 novembre, à 15 heures, c'est à Spa qu'il signe, à la librairie « Pages après Pages. »
 
Gaëtan Plein                 
Le 15 octobre 2011

Mise à jour le Mercredi, 26 Octobre 2011 05:59