Hors-la-loi |
Écrit par Jean Wiertz | ||
Lundi, 27 Septembre 2010 19:57 | ||
L’un des manifestants, Abdelkader, est capturé par les forces de l’ordre et maintenu en détention à la prison de la Santé à Paris, où il est témoin de l’exécution de certains de ses codétenus. Les massacres auxquels il a assisté et les années de détention ont nourri une farouche volonté d’œuvrer pour la libération de son pays. Libéré, il se met à recruter immédiatement des sympathisants pour soutenir les actions du FLN (Front de Libération Nationale) en Algérie. Sur cette trame éminemment politique, le réalisateur a greffé les destinées des autres membres de sa famille : son frère cadet, Saïd, qui s’enrichit avec des magouilles de toutes sortes, et qui refuse de s’engager dans la lutte ; l’autre frère, Massaoud, qui revient de la guerre d’Indochine sous le drapeau français, et qui accepte de devenir son bras armé ; et enfin la maman, qui veut revenir sur les terresdesquelles la famille a été chassée, et regagner une Algérie libérée… Le réalisateur nous décrit de l’intérieur l’organisation et les luttes de la résistance algérienne en terre française : élimination préalable de la concurrence du MNA (Mouvement National Arabe) qui privilégiait le dialogue avec l’état français, récolte de fonds, élimination des profiteurs, premières escarmouches avec la police, attentats, affrontements avec la « Main Rouge » (organisation mise en place par les services secrets français, et qui avait l’autorisation d’assassiner les dirigeants du FLN), transfert des fonds récoltés vers la Suisse par des « Porteurs de valises » (des intellectuels français de gauche, souvent issus du monde des spectacles), escalade des massacres et répressions sanglantes sous la préfecture de Maurice Papon en 1961… Le film retrace des évènements peu connus qui ont secoué la France de 1954 à 1962, jusqu’à la libération de l’Algérie, et nous permet de saisir les mécanismes à l’œuvre dans toutes les insurrections. Pas de glorification néanmoins de ces combattants, déchirés entre leur humanité et la volonté de libérer leur pays. Rachid Bouchareb s’avère être un réalisateur hors norme, autant à l’aise dans des films intimistes et intériorisés (London River, Little Senegal) que dans les grandes reconstitutions historiques (Indigènes, Hors-la-loi). Chaque fois, il y développe une conscience aigue des contradictions qui taraudent ses personnages principaux (le personnage du Colonel Faivre est à ce titre exemplaire), chacun étant condamné à agir selon sa propre logique. Quand on voit les hostilités que ce film a déclenchées en France (d’abord d’ordre politique, maintenant d’ordre artistique), on se dit que Jamel Debbouze et Roschdy Zem, qui n’hésitent pas à mettre en jeu leur carrière dans de tels projets, sont vraiment couillus. |
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Mise à jour le Mercredi, 29 Septembre 2010 18:24 |