Mammuth
Écrit par Paolo Zagaglia   
Jeudi, 10 Juin 2010 12:15

Un film de Gustave Kervern et Benoît Delépine avec Gérard Depardieu, Yolande Moreau et Isabelle Adjani

Serge Pilardos vient d’avoir 60 ans. Il travaille depuis l’âge de 16 ans, jamais au chômage, jamais malade. Mais l’heure de la retraite a sonné et il lui manque des points, certains employeurs ayant oublié de le déclarer ! Poussé par Catherine, sa femme, il enfourche sa vieille moto des années 70, une Mammut qui lui vaut son surnom, et part à la recherche de ses bulletins de salaires. Durant son périple, il retrouve son passé et sa quête de documents administratifs devient bientôt accessoire…
Telle est l’histoire de ce road-movie social réalisé par le tandem qui nous avait fort amusé avec “Louise Michel”. Si dans ce dernier film, fort anar,  on disait : il faut buter les patrons, ici c’est moins radical mais le point de vue est le même, avec des ex-patrons pas très sympas car, après tout, un patron reste un patron.
Ce road-movie est un peu drôle mais très poétique, avec un Depardieu assez terrible, à cause de sa masse et de sa tendresse en même temps, un Depardieu qui a trouvé enfin un rôle qui lui sied à merveille et qui est son meilleur depuis longtemps. C’est aussi un film engagé, mélancolique et qui sort des sentiers battus, tourné avec une image un peu “sale” (il y a même des plans en Super 8) : une rudesse voulue et qui fonctionne bien avec cette fable qui dénonce l’hypocrisie sociale, l’absurdité du monde du travail et est presque un hymne à la vieillesse, à la fin de la vie des travailleurs.  Finalement, ce film qui se voudrait drôle et habité par un humour assez surréaliste est, en définitive, un film terriblement déchirant, un road-movie qui se dirige vers la mort, une vision non aseptisée de la réalité , un film très cinématographique, un des meilleurs films français de ces dernères années.

Voici quelques déclarations des auteurs.
Onirisme
« Nos films sont réalistes poétiques. Ils sont réalistes, parce qu’ils parlent du monde réel. Et ils sont poétiques, parce qu’ils essaient de lui échapper. Mais attention : des mecs qui ramassent des poubelles, pour nous, ils sont poétiques . »

Administration
« Dès que je quitte l’imaginaire de Groland, je me retrouve face à l’enfer administratif. Il y a de quoi se flinguer tellement c’est con. La seule porte de sortie, c’est la folie. C’est ça, l’histoire des papelards. Mais quand on recherche des papiers administratifs pour sa retraite, il y a aussi toute l’histoire qui revient, là où on a bossé, où on a vécu. C’est de la nostalgie pure. »

Conte

« C’est pas un conte, pas du tout. J’en ai trop lu quand j’étais petit, des contes. On n’est plus dans le monde des contes et légendes, il faut s’y faire. »


Moto
« C’est une Münch 1200 de 1972 que pilote Gérard dans le film. Il doit en rester une dizaine au monde, celle-ci nous a été confiée par un collectionneur. Une moto allemande des années 60, on n’avait jamais vu ça :l’inventeur avait pris un moteur de voiture, et l’avait mis dans un cadre de moto. Quant j’étais petit, à la campagne, la moto représentait vraiment pour moi une forme de libération. »

Travail
« Bien sûr, c’est un film sur le travail. Sur la brutalité du travail. Parce qu’au moment de crever, c’est quand même pas ça que tu retiens. Mammuth , c’est un type qui vit dans l’instant présent. »

Anachronisme
« Bien sûr que c’est un film anachronique. Même l’image est anachronique. Avec du 8mm, de la vieille pellicule que plus personne n’utilise. En fait, plus personne ne la fabrique non plus. On a fait un stock, on s’en reservira. Nous, on avait envie d’une vraie beauté de l’image, on avait envie d’autre chose que ce qu’on voit aujourd’hui. C’est du noir et blanc en couleurs. On n’avait jamais fait de making of, là on en a fait un :c’est Fred Poulet qui l’ a filmé, en super 8mm. Il sera dans le dvd. »

Acteurs
« On utilise souvent des acteurs qui sont non-professionnels, des gens qu’on connait, ou bien ceux qu’on rencontre sur le tournage. Comme on n’a pas de script, ce qui fait qu’on tourne le plus souvent dans la continuité, on rencontre quelqu’un, on se dit :tiens, il serait bien là, celui-là. Et on le prend. On lui demande d’être sincère, de pas faire semblant. Nos films sont pleins de gens qui nous ressemblent. Donc on n’est pas des directeurs d’acteurs, ou de non-acteurs. On est des directeurs de rien du tout. On n’est pas des cornacs. Ce qui est important, c’est ce que les acteurs ont dans le coeur. Et puis un truc :qu’ils aient pas peur du ridicule. »

 

 


 

Mise à jour le Jeudi, 10 Juin 2010 12:22