Hadewijch |
Écrit par Jean Wiertz | ||
Lundi, 01 Mars 2010 19:53 | ||
Elle retourne à Paris chez ses parents, des nobles habitant une demeure magnifique, où elle mène une vie solitaire. Elle erre dans Paris en priant et déborde d’amour à donner. Elle rencontre alors 3 jeunes Maghrébins, et accepte de prendre un verre avec eux ; aux jeunes gens qui s’étonnent de sa hardiesse, elle confie qu’elle ne se donnera à aucun homme et qu’elle est amoureuse du Christ. Yassine, fasciné par sa sincérité et sa démarche, l’amène alors chez son frère Nassir, qui enseigne le Coran. Afin de rencontrer les aspirations inassouvies de la jeune fille –Dieu reste muet- Nassir la sensibilise à l’injustice dans le monde et lui propose de participer à l’activisme musulman…
Bruno Dumont s’intéresse essentiellement au cheminement intérieur de ses personnages. Il le fait à travers un cinéma très charnel : chaleur des corps dans le quotidien le plus trivial, rayonnement des visages non maquillés, fragilité des êtres filmés dans les décors trop grands, trop beaux, trop ouverts, ou trop sinistres du Nord de la France. Dans cette quête éperdue de Dieu, le cinéaste n’oublie jamais les besoins des corps. « Ce qui est spirituel est charnel, et ce qui est charnel est spirituel » écrivait Charles Péguy. Fidèle à ses habitudes, Bruno Dumont opère une sorte de déculturation des réalités qu’il montre, pour atteindre l’universel, nous donner à voir les aspirations, les espoirs et les sentiments qui taraudent l’humanité. Ainsi, il gomme les différences culturelles entre le Christianisme et l’Islam pour ne retenir que les fondements communs des deux religions. La séquence, où Yassine et Nassir prient Allah, pendant que Céline dans la même pièce prie le Christ est significative à cet égard. « Je suis prête, dira-t-elle, parce que mon Dieu m’y a poussée ».
Bruno Dumont a développé un style de cinéma très personnel, immédiatement reconnaissable, et dont il a fixé les modalités dès son premier long métrage. La durée des séquences épouse au plus près le temps réel : très brève pour les évènements, très longues quand les émotions s’expriment ; un sens exceptionnel du cadrage ; douceur des lumières et des couleurs ; enfin, une interprétation toujours remarquable, obtenue avec des acteurs non professionnels : Julie Sokolowski (première fois à l’écran), incarne une Céline inoubliable.Le découpage, très classique, est entièrement conditionné par la manière de Bruno Dumont de créer un film, un processus chez lui très organique, très ouvert. C’est que le scénario original est totalement remodelé, en fonction de ce qu’il peut obtenir des acteurs lors du tournage, des moments de spontanéité qu’il peut capter (et pour lesquels il leur voue une immense gratitude), et des effets inattendus qu’il peut obtenir lors du montage. De telle sorte que le résultat final est toujours très éloigné du projet initial. Cette manière de travailler l’amène à peu utiliser les plans séquence, qui ne se prêtent pas à un remodelage lors du montage final. Les films traitant de front les aspirations spirituelles de l’humanité sont rares ; souvent, l’histoire racontée se termine mal, choix artistique peut-être nécessaire pour ne pas tomber dans la bondieuserie. Ici cependant, Bruno Dumont nous réserve une fin ouverte sur l’espoir, dans une séquence finale de toute beauté. Pour terminer, je voudrais reprendre ici quelques phrases de Xavier Giannolli (le réalisateur de « A l’ Origine ») concernant Bruno Dumont : « J’ai depuis son premier film beaucoup d’admiration pour le cinéma de Bruno Dumont qui est, je le crois sincèrement, un très très grand artiste. C’est un cinéma d’insoumis, ce qui est pour moi une promesse de vie, de courage et de générosité pour le public… Son cinéma est incandescent car il filme des corps et des visages que personne d’autre ne filme, car il révèle une beauté loin des standards de représentation de l’époque. Bref, chaque film de Bruno Dumont est pour moi une flambée d’espoir en l’Homme, celui qui vit et celui qui regarde… »
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Mise à jour le Mardi, 02 Mars 2010 18:35 |