Coco Chanel & Igor Stravinski
Écrit par Jean Wiertz   
Dimanche, 03 Janvier 2010 21:25

 

 Un film de Jan Kounen (France 2009)

Le film commence en pré-générique avec de très jolies images fractales, similaires à celles terminant les hallucinations de Blueberry dans « L’Expérience Secrète ». Belle transition entre ce film dont le thème principal était la recherche de sa vérité propre, et cette nouvelle réalisation de l’immense Jan Kounen, traitant du mystère de la passion amoureuse.

L’histoire débute le 29 mai 1913.

Nous voyons Coco Chanel (Anna Mouglalis) arriver au théâtre des Champs Elysées à Paris, se frayer un chemin dans la foule qui se presse pour assister à la première représentation du Sacre du Printemps, d’Igor Stravinski. Le compositeur se mêle au public, pendant que Vaslov Nijinski donne ses dernières instructions aux danseuses.Commencent alors les rythmes endiablés du ballet, auxquels se succèdent des agrégats sonores en guise d’harmonie ; le public est outragé et quitte bruyamment la salle, la représentation tourne quasiment à l’émeute. Seuls quelques spectateurs, dont Coco Chanel, restent, médusés. Stravinski (Mads Mikkelsen) est effondré.

Nous voyons ensuite quelques images d’archives de la guerre 14-18 et des révolutions bolcheviques : très belle idée de transition, pour nous transporter dans le Paris de 1920, où Stravinski s’est installé avec sa famille ; lui, son épouse Catherine (Elena Morozova), et ses 4 enfants y occupent un petit appartement.Coco Chanel, effondrée par la perte accidentelle de son ami, rencontre le compositeur lors d’une soirée mondaine, et lui propose de s’installer avec sa famille dans sa villa à Garches. Admiratrice de son œuvre musicale, elle va le séduire…

La passion amoureuse, abordée de manière frontale, par une œuvre cinématographique, mettant en jeu des impressions visuelles, et donc forcément limitées, tel est l’objectif que Jan Kounen s’est fixé : nous ne connaîtrons rien des motivations profondes de Coco Chanel, pour peu qu’elle en ait conscience.

Le film est avare de dialogues, et n’est pas soutenu par une histoire à raconter. Seuls les effets nous en sont montrés : une créativité renouvelée chez Stravinski, une diversification des activités de Coco (C’est de cette époque que date la création de Chanel n°5), et les souffrances de Catherine. Car le film ne fait pas l’impasse sur l’autre partenaire du couple (comme dans Lady Chatterley par exemple, qui avait les mêmes ambitions), et oppose l’épouse matrimoniale d’autrefois à la femme émancipée d’aujourd’hui.

La caméra de Jan Kounen, effectuant de complexes mouvements circulaires autour des protagonistes, serre au plus près les visages, seul vecteur possible du passage du corps à l’âme.Le film est construit comme une œuvre musicale, dont les motifs épousent les mouvements de l’âme, et trouve son point d’orgue dans la résolution de la liaison amoureuse, avec une scène très courte, très simple, où les deux amants se retrouvent autour d’une baignoire : un moment inoubliable d’acquiescement et d’accord parfait. A l’image aussi de l’interprétation admirable de retenue des trois acteurs principaux, qui composent l’un des plus poignants triangles amoureux que le cinéma nous ait proposés.Une œuvre sidérante de beauté et de profondeur humaine.

Mise à jour le Dimanche, 03 Janvier 2010 21:39