Le Bannissement
Écrit par Jean Wiertz   
Mardi, 09 Janvier 2007 13:26
 
"Le Bannissement" d'Andreï Zviaguintsev (Russie 2006)
Deux frères, Mark et Alex, très unis malgré leurs différences.
Mark est un petit malfrat, décidé à oublier sa famille qu'il a quittée. Alex survit avec sa famille dans une banlieue industrielle (filmée à Charleroi et dans le nord de la France).
Alex et sa petite famille quittent leur domicile pour passer quelques jours dans sa maison d'enfance, à la campagne. 
La caméra s'attarde longuement sur les visages des époux et des deux enfants. L'austérité d'Alex (remarquablement joué par Konstantin Lavronenko, prix d'interprétation au festival de Cannes 2007) et la tristesse de Véra (Maria Bonnevie, une actrice suédoise) rendent immédiatement perceptible le malaise du jeune couple. C'est que Véra vit difficilement sa relation avec un mari certes courageux, mais taciturne et autoritaire.
Mais ce retour à la nature, loin de panser les blessures, va exacerber les sentiments; la maison surplombe un ravin, et on y accède par une passerelle (filmé en Moldavie).
Le premier soir, Véra annonce à son mari qu'elle est enceinte, mais que l'enfant n'est pas de lui.
La rage au coeur, Alex demande conseil à Mark, qui réagit en existentialiste, seul juge de ses actes:"Si tu dois tuer, tue. Si tu dois pardonner, pardonne. Quoi que tu fasses, ce sera juste".
Le film nous parle de notre incapacité à savourer le bonheur, à vivre ses sentiments plutôt que des concepts. Certaines séquences évoquent le paradis perdu, telles ces vues sur un troupeau de moutons, ou la cueillette des noix dans un verger.
L'oeuvre est passionnante; on est médusé par le soin extrême porté aux cadrages et aux mouvements d'appareil, par le rendu des lumières de tous les moments de la journée. La narration est captivante, jusqu'au dénouement, totalement inattendu, mais qui donne toute sa cohérence au film.
Le cheminement tragique des deux frères est tempéré par quelques touches plus mystiques, telles un extrait du 1er épître de Saint Paul aux Corinthiens, lu par un enfant, ou encore des extraits de musique sacrée: une brèche ouverte sur un peu d'espoir?
Une oeuvre éblouissante, à voir, et que ceux qui ont par exemple aimé "La femme de Gilles" (de Frédéric Fonteyne) apprécieront certainement.
Mise à jour le Dimanche, 09 Novembre 2008 13:41