| J'ai vu hier "A single man" de Tom Ford qui vient de sortir en dvd. L'acteur vedette y est, encore une fois, Colin Firth dans toute sa splendeur. Beaucoup de thèmes abordés (deuil, homosexualité, ...) avec un message éclatant: vivre chaque jour comme le dernier. |
Le pitch: un homme décide de se suicider au terme d'une journée où nous le suivons pas à pas. Il a perdu l'amour de sa vie: son jeune compagnon avec lequel il partageait une vie épanouie depuis 16 ans est mort dans un accident de voiture. Restent son amie Charlotte (Julianne Moore), ses voisins, ses élèves et les inconnus qu'ils croisent au fil des heures.
Tom Ford, couturier américain sophistiqué, reconstitue minutieusement la vie à L.A. en 1962 sur un campus universitaire. Le casting de son premier film est aussi royal et britannique que celui du " Discours d'un roi" (avec le même Colin Firth). Sobriété, naturel et intensité y épousent une esthétique raffinée où les couleurs sont travaillées, nuancées à chaque instant. La grisaille omniprésente du début fait écho au désespoir de l'endeuillé.
Elle s'enrichit progressivement de touches de plus en plus vives soulignant les détails qui raniment le coeur de cet homme éteint. Peu à peu, le monde terne et froid du sépia se rembrunit. Les rencontres, les regards enrichissent la palette des coloris: Colin Firth rougit au contact des chatoiements du quotidien.
"A single man" est un film singulier, à distance des codes habituels des films "gays". Les acteurs n'y "jouent" pas l'homosexualité: ils incarnent l'amour profond qui relient des êtres, quels que soient leurs sexes, leurs origines: amis, amants, inconnus distants, peu importe... La solitude, le deuil sont les mêmes pour tout le monde. "Single" est aussi le terme qui désigne le golfeur aguerri, celui dont le handicap n'a plus qu'un seul chiffre, celui qui approche de l'excellence. Colin Firth incarne ici un homme dont la vie confine au sommet : il a connu l'épanouissement de son couple, la plénitude d'un homme qui s'est "trouvé". Respecté dans son travail, vivant dans une maison qui aurait pu inspirer à Baudelaire son "Invitation au voyage", il semble qu'il n'a plus rien à désirer, si ce n'est l'impossible retour de son amant décédé.
Ce "single man" nous interroge sur ce qui nous rend vivant à chaque instant, qui colore notre vie et nous fait désirer quand plus rien ne semble désirable. Amoureux de l'esthétique, de l'élégance, Tom Ford nous en met plein les yeux. La bande originale du film fleure bon les golden years avec ses "Stormy Weather' et autres standards bluesy dont je ne me lasse pas. La musique use aussi des plaintes du violoncelle, à la manière de cet autre hommage cinématographique appuyé aux sixties: le très mélancolique "In the mood for love" de Wong Kar Waï.
Le DVD récemment disponible à la vente offre en bonus une belle interview -chorale du réalisateur et des principaux interprètes.
Après avoir vu ce film, j'ai eu l' envie de me replonger dans un roman de Philippe Besson dont l' écriture me procure le même sentiment de délicatesse intime et poétique.
"Là, tout n'est qu'ordre et beauté, luxe calme et volupté..."
Joyeuses Pâques!
Sophie |