Les Chemins de la Liberté
Écrit par Jean Wiertz   
Samedi, 29 Janvier 2011 19:14
 

Un film de Peter Weir (Etats-Unis 2010)

1940, Janusz (Jim Sturgess), un jeune soldat polonais, est interrogé par la police russe, et reconnu coupable de trahison, sur dénonciation de son épouse. Il est envoyé dans un goulag en Sibérie. Par une journée de blizzard, les prisonniers enfreignent les ordres de leurs gardiens et vont  s’abriter dans les bois.

A leur retour, ils sont affectés à l’extraction du charbon ; dans les mines, leurs chances de survie ne sont que de quelques mois. Janusz s’évade alors du camp avec quelques compagnons, dans une nature hostile (« La Sibérie est votre prison, la nature ici est impitoyable » lui avait dit un des geôliers). Le groupe tente de s’enfuir vers le sud, à travers la toundra, les steppes de Mongolie, le désert de Gobi… 

Pour ce type de films, la plupart des cinéastes axent le récit sur des scènes de poursuite, des affrontements pour introduire du suspense et captiver les spectateurs. Peter Weir a opté pour un traitement radicalement opposé ; l’anecdote historico-narrative n’est plus traitée qu’en filigrane : le groupe ne sera jamais inquiété par les forces armées russes, et le réalisateur s’attache essentiellement à montrer les conditions de survie dans des environnements naturels extrêmes. 

Du magma chaotique et déshumanisé du camp de travail émerge un groupe d’hommes indifférencié, qui nous renvoie aux temps premiers de l’humanité. Les gestes et cris des fugitifs pour chasser les loups et s’emparer de leur proie, le cadre dans lequel cette séquence est filmée n’est pas sans rappeler le début de « 2001 Odyssée de l’Espace ».

 

 

 

Le réalisateur ne met pas en jeu les habituelles mécaniques psychologiques, tels les conflits à l’intérieur du groupe ou les rivalités amoureuses lorsqu’une jeune femme (Saoirse Ronan) se joint à eux.

Les caractères ne sont que grossièrement esquissés, à l’image des dessins que l’un des fugitifs fait de ses camarades.

 Ce qui intéresse Peter Weir, c’est de montrer comment réagit le groupe dans les conditions extrêmes, comment les liens de solidarité se nouent, comment chacun découvre sa propre vérité quand il se mesure à l’obstacle, comment ils retrouvent à travers leur diversité une unité humaine qu’ils ressentent intuitivement.

Peter Weir y développe sa fascination pour les rites anciens et les forces de la nature, et retrouve ainsi les thématiques de ses premiers films australiens.

 

Cette vision de l’humanité, remplie de grandeur et de dignité, nous rappelle « Terre des Hommes » de Saint-Exupéry, en particulier les récits relatifs aux accidents d’avion dans le désert de Libye et dans les Andes.

 

 « Nous voulons être délivrés. Celui qui donne un coup de pioche veut connaître un sens à son coup de pioche. Et le coup de pioche du bagnard qui humilie le bagnard, n’est point le même que le coup de pioche du prospecteur qui grandit le prospecteur. Le bagne ne réside point là où des coups de pioche sont donnés. Il n’est pas d’horreur matérielle. Le bagne réside là où des coups de pioche sont donnés qui n’ont point de sens, qui ne relient pas celui qui les donne à la communauté des hommes. Et nous voulons nous évader du bagne. » écrivait Saint-Ex en 1939.

« Les chemins de la Liberté » est un des plus beaux films de Peter Weir.


Mise à jour le Mardi, 08 Février 2011 18:24