Rouler à Francorchamps dans les années 60 -70, une merveilleuse époque
Écrit par Gaetan Plein   
Mardi, 18 Octobre 2011 16:19

Vers la mi-septembre , les visiteurs des 6 heures de Spa Francorchamps ont pu apprécier des mécaniques glorieuses,  survivantes des « golden sixties ». C’est un des plus beaux week-end de l’année qui rassemble des anglais , amateurs passionnés,  et un public nostalgique du temps de Jim Clarck , Denis Hulme et Jackie Stewart.

J’ai eu le plaisir de guider un groupe de Coréens dans les paddocks. Ces jeunes étudiants ingénieurs suivent un stage de nouvelles technologies électriques à Aix-la-Chapelle. Ils couraient dans les paddocks comme des enfants au pays de Saint Nicolas ! Ainsi , ils s’arrêtèrent devant une vieille Austin Healey .

L’un d’entre eux n’hésita pas à  demander au propriétaire de pouvoir observer sous le moteur, couché sur une bâche salie par l’huile de ricin .
Sa chemise blanche fut zébrée de marques grasses . Mais il avait le sourire radieux …
Le charme de ces événements est de pouvoir converser avec les propriétaires de voitures,
Ils sont intarissables. On a même aidé un vieux plombier retraité de Glasgow à pousser sa Triumph récalcitrante à entrer dans un vieux camion bâché, digne de la bataille des Ardennes.

 

 

Fin des années cinquante, il était encore possible d’engager une voiture en course,  préparée de façon artisanale. On bricolait , on « sentait »la voiture , on écoutait les bruits sur un capot comme un médecin, l’oreille collée sur le dos de son patient .  L’enthousiasme palliait les carences de matériel performant. Les ordinateurs au début des années soixante n’existent pas dans la compétition automobile. On roule à la sensation. C’était l’époque « d’avant l’électronique embarquée ».


Actuellement le moindre piston ou soupape est relié à des ordinateurs et des ingénieurs analysent et corrigent en temps réel les données. On peut comparer les pilotes en 2011 à des astronautes suivis par Cap Carnaveral.  Les surprises sont rares. Les mécaniciens ont un regard inexpressif en regardant des écrans comme des fonctionnaires s’occupant de statistiques sur les assurances. Toutefois, il faut admirer l’hyper professionnalisme de ce milieu souvent hautement qualifié .

 

Les années soixante étaient insouciantes, joyeuses et rebelles. Les pilotes vivaient dans un monde excitant, plein d’inconnues, mais pas luxueux pour autant.
Le danger leur donnait une aura, mais ils évoluaient sous une épée de Damoclès en quittant les stands au pied du Raidillon. Il n’y avait pas encore de pit lane, séparée par un mur. Celui qui quittait son stand juste avant l’Eau Rouge était dépassé, à peine à deux mètres, par des Lola ou Ferrari P4 roulant à 220 à l’heure. On imagine le stress.

   Dans les stands ouverts, côté paddock, on voyait travailler les mécaniciens chevelus , parfois torse nu . On s’approchait des pilotes pour demander des autographes.
Maintenant, il faut être accrédité et avoir franchi 10 obstacles ou contrôles pour poser une question à Vettel ou Massa .

 

Il n’était pas rare que l’on s’entraide d’un stand à l’autre. Les pilotes mangeaient ensemble, parfois avec des scouts ou des volontaires qui aidaient l’organisation d’un Grand Prix. Les repas étaient simples, sans chichis. C’est aussi une période héroïque. 

   Les voitures roulent sur l’ancien circuit de 14 km avec quelques descentes vertigineuses comme Masta.  Les longues lignes droites sont périlleuses, car la route est étroite , parfois bordée de piquets, ou de mats électriques  C’est une grand route ardennaise ou le trafic normal circule en dehors des courses  Le macadam est bosselé , surtout après l’hiver  Les trous sont réparés avec une pelle de goudron comme une rustine . D’un côté , on peut se retourner sur un talus, de l’autre , on peut verser dans un ravin ou traverser une clôture à vaches. Lors d’une course de F1  filmée par une équipe américaine occupée au tournage d’une superproduction, Joachim Bonnier fait une terrible embardée. Sa Cooper termine en suspension à moitié dans le vide.  La scène est  immortalisée dans ce chef d’œuvre cinématographique « Grand Prix » avec notamment Yves Montand. De ce temps là , des simples ballots de paille séparent le public de la route. Il peut arriver qu’un imprudent paie  de sa vie une photo risquée .

Il n’aurait jamais été question d’apporter des dollars à une écurie pour avoir un volant.. Par contre, il fallait avoir de la chance et prendre des risques. De la chance pour se faire remarquer et s’introduire dans le milieu. Et ensuite de la chance pour ne pas se casser la figure.

 

 

On peut dire que Jacky Ickx a pris des risques tôt. A l’âge de 17 ans , il est repéré par un responsable de chez Zündapp. Jacky roulait une course difficile sur une moto moins performante. Au dernier tour, son pneu arrière se dégonfle lentement Cela ne l’empêche pas de gagner. Il sera engagé comme pilote d’usine. En 1962 , il devient champion de trial .  Il fallait « avoir la baraka ».  Ainsi, lors d’une course,  il roule en BMW 700 et la voiture fait deux tonneaux. Il est éjecté …et retombe sur ses pieds ! Lors de cette course retransmise par la rtbf, le directeur de Ford Belgique l’observe. Il  lui confiera une Cortina Lotus. En 1966  à 21 ans , il roule sur Ford GT 40 aux 24 heures du Mans. En 1967, il gagne les 1000 km sur Ford Mirage. A l’époque , les pilotes jouaient avec le feu . Ils ne gagnaient pas de fortune.  Il n’y avait pas de motorhome superluxueux . L’ambiance des hôtels était encore familiale et traditionnelle.

 

Certains pilotes ont des voitures fétiches . Jim Clarck et sa Lotus 49, Pedro Rodrigues en Porsche 917.Henri Pescarolo et sa Matra 650. Un peu comme Zorro avait un cheval Tornado , ou Alexandre le Grand montait  Bucéphale.

Si vous aimez Francorchamps, de nombreuses images anciennes et récentes sont sur mon site internet : www.animationtouristique.com  

 Gaëtan Plein   

Mise à jour le Samedi, 22 Octobre 2011 19:11