Jean-Marie Gaspar : « Il est chouette, ce monde ! »
Écrit par Franck Destrebecq   
Mercredi, 30 Septembre 2009 00:57


« Il est chouette, ce monde ! »

"Six mois après son départ de Verviers et 5 000 km à pied, Jean-Marie Gaspar est revenu dimanche de son pèlerinage à Jérusalem. Nous l'avons rencontré.

Parti le 8 mars de Verviers, Jean-Marie Gaspar a parcouru 5 000 kilomètres à pied.

Seul... mais jamais vraiment, tant son périple, dont il a donné des nouvelles aux lecteurs du Jour à plusieurs reprises, a été jalonné de rencontres. Il est arrivé à Jérusalem, destination de son pèlerinage, le 20 août, et il est rentré dimanche dernier à Verviers. Avant, peut-être, de repartir ?

 

Jean-Marie Gaspar, que retiendrez-vous en priorité de ce pèlerinage ?La première chose que je souhaite dire, c'est que les médias parlent toujours des mauvaises nouvelles, alors que le monde est si beau. Quand je vois la gentillesse, le sens du partage, l'accueil que j'ai connus tout au long de mon pèlerinage, je me dis : « Il est chouette, ce monde ! ». Un jour, c'est un type qui, sans que je ne demande rien, a arrêté spontanément sa voiture et m'a donné une bouteille d'eau au bord de la route. Des exemples comme ça, j'en ai des dizaines. Il y a encore cette gamine de 18 ans, dans la famille de laquelle j'avais été hébergé, et qui, le lendemain, a tenu à brosser les cours pour venir à la messe avec moi - alors qu'elle est protestante - et qui a marché toute la journée en ma compagnie. D'ailleurs, ce qui me fait encore le plus mal, c'est que j'entends souvent parler en mal des jeunes. Alors que, si je n'avais pas rencontré des jeunes dans certaines étapes, j'aurais été en grande difficulté. Vraiment, qu'on arrête de dire que le monde est mauvais.

Qu'est-ce qui a changé, chez vous, après cette expérience de vie ?Mon pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle, il y a 20 ans, m'avait déjà changé. Celui-ci a encore confirmé ma vue du monde. Et elle a conforté ma foi. Après tout ce que j'ai vu et tout ce que j'ai vécu, je me dis plus encore que ce n'est pas possible que tout cela se soit créé tout seul. On peut se demander pourquoi certains arrêtent de croire. Eh bien, à mon avis, c'est parce qu'il n'y a plus de possibilités de rencontres. Durant mon périple, j'ai rencontré des gens de toutes les religions. Quand c'était un musulman, je lui disais « Allah », car nous avons tous le même dieu, même si nous l'appelons autrement. Mais, aujourd'hui, dans nos sociétés, il y a le dieu argent, le dieu télévision, etc., dont on devient esclaves. Moi, maintenant, je ne m'embête plus, à la messe, parce que j'y rencontre des gens et des amis (Dieu aussi, bien sûr). Pour moi, c'est une fête.

Et maintenant, qu'allez-vous faire ?Ça, c'est la grosse question : est-ce que je vais être capable de me resédentariser, à vivre de la même manière qu'avant ? Je n'en sais vraiment rien. J'ai perdu la notion du temps et des dates. En pèlerinage, le matin, on se lève et on marche, sans se demander quelle heure il est (on se repère au trajet du soleil) ou quel jour on est. Alors, en moi, je suis toujours en chemin. Mais ça, je le dis depuis longtemps : nous ne sommes tous que des pèlerins, sur Terre, nous ne sommes que de passage. Une fois qu'on intègre ça en soi, on est toujours en marche.

On pourrait vous rétorquer que vous avez « facile » pour ça : vous êtes pensionné, plus de charge de famille, etc.C'est vrai. Mais quand je suis parti à Saint-Jacques de Compostelle, il y a 20 ans, je travaillais encore et je me suis arrangé pour regrouper tous mes congés. Et c'était avec la bénédiction de mes enfants et de ma femme, aujourd'hui défunte, qui se rendaient compte que je devais le faire. Il y a d'ailleurs une très belle chanson de Goldman à ce propos, qui s'appelle « Jusqu'au bout de mes rêves ». Dans la vie, on a tous des rêves mais on les met de côté. Or, un jour ou l'autre, il faut tout faire pour les réaliser. C'est cela qui manque dans notre société d'aujourd'hui, et chez les jeunes en particulier (par exemple dans le choix d'un métier, qui ne doit surtout pas être dicté par un objectif de revenus financiers) : se poser la question « qu'est-ce que j'ai en moi qui me motive ? ».

Et vous, qu'est-ce qui va vous motiver, c'est quoi votre rêve, maintenant ?Un rêve, je ne sais pas trop. Mais ce que j'ai envie de faire, c'est de partager mon voyage avec des gens qui ont envie de faire un pèlerinage mais qui n'en ont pas les possibilités physiques. Je ne sais pas encore trop comment, mais ils pourraient en faire un petit bout avec moi, à travers mes photos et des instants de méditation.

 

Il a écourté son séjour à Rome : « Cette Église de riches n'est pas mon Église »

Jean-Marie Gaspar est rentré à Verviers dimanche, « à l'improviste ». Le 2 septembre, il quittait Jérusalem et prenait l'avion jusqu'à Vérone. Ensuite, voyage à pied jusqu'à Mantoue puis à nouveau à pied de Bologne à Rome « par la route suivie par Saint-François d'Assise ». Objectif : y rester jusqu'à la canonisation du père Damien, « un de ces saints qui m'interpellent, comme François d'Assise, car ils ont vécu pleinement leur vie d'homme, avec un tempérament de cochon, en jetant l'argent par les fenêtres, avant de se dénuder et de se dévouer pour les pauvres et les lépreux ». C'est prévu le 11 octobre.

 

Mais Jean-Marie Gaspar n'a pas tenu jusque-là : arrivé à la cité du Vatican, il n'est pas parvenu, contrairement à ce qu'il avait connu durant son pèlerinage, à trouver un lieu d'accueil. « On m'a envoyé à Saint-Jean de Latran, hors des murs du Vatican, où je n'ai toujours trouvé personne pour exprimer mon malaise.

Au contraire, quand je me suis présenté aux portes de l'évêché, des carabinieri m'ont renvoyé. par deux fois. J'ai alors fait un sit-in, en m'asseyant calmement par terre. Un laïc qui passait par là a alors jeté mon sac sur la rue et un des carabinieri l'a relancé encore plus loin. J'ai alors tendu les bras, comme pour leur proposer de me menotter, tant qu'ils y étaient. Une voiture de police est arrivée et j'ai voulu déposer plainte mais en vain. »

Le pèlerin verviétois a fini par trouver un gîte, chez des soeurs. Il est aussi retourné au Vatican. « Mais tout est question d'argent. » Confronté sans cesse à des marchands du temple, il s'en est allé, samedi. « Cette Église de riches, ce n'est pas mon Église », soupire-t-il.

Pourtant, durant tout son pèlerinage, « Dieu était présent tout le temps ; il marchait avec moi ; il était partout, dans la nature, dans les rencontres que j'ai faites ; dans tout ce que j'ai fait, je peux lui dire merci pour tout, pour m'avoir trouvé à manger ou un endroit où dormir. »

Sous toutes les latitudes et terres de religion qu'il a traversées, catholiques, protestantes, orthodoxes ou musulmanes, de Verviers à Jérusalem. Partout, mais peut-être un peu moins au Vatican.

 

Interview Franck Destrebecq, journal  "Le Jour-Verviers"

Le journal Le Jour-Verviers, son rédacteur en chef Claude Gillet et son journaliste Franck Destrebecq nous font le plaisir et l'honneur de nous permettre de diffuser l'interview de Jean-Marie Gaspar réalisée dès son retour à Verviers. Nous les remercions vivement pour ce geste qui ravira bien entendu les nombreux internautes qui avaient pris l'habitude de prendre des nouvelles de Jean-Marie sur notre site.

Mise à jour le Lundi, 12 Octobre 2009 22:00