Le carnet de Loreta : juin 2013, vingtième volet
Écrit par Loreta Mander   
Dimanche, 30 Juin 2013 13:52

Loreta, nous partage sans fausse pudeur, avec simplicité, coeur et passion, son carnet de bord, celui d'une femme sur le chemin, là où la montagne se dresse.
Son 20ième volet est comme toujours touchant ou bouleversant,... comme les autres lettres qui ont précédé ! 

 

Comme un cri, elle nous disait : "Il ne faut pas attendre le pire pour s'arrêter et réfléchir un peu à soi.  Je ne suis pas plus forte qu’une autre, mais une espèce d’instinct animal me pousse à me battre de plus en plus hargneusement et ça je ne peux l’expliquer. Lors de son premier échange Loreta se présentait ainsi : "La maladie est pour moi une forme de chance, comme un rappel à la vie".

Tout allait pour le mieux pour moi : j’ai rencontré mon cœur jumeau, je reconstruis ma vie et je suis tout simplement heureuse.
J’ai 2 enfants. Il a 2 enfants. Nous voici famille recomposée de 4 enfants, qui s’entendent très bien.
Je suis née à Verviers et y ai vécu jusqu’en 2000. Pour des raisons professionnelles et amoureuses, j’ai migré vers la périphérie bruxelloise, où je réside encore à l’heure actuelle".
Voici son carnet de bord, vingtième volet

Mardi 4 juin 2013

Un nouveau mois commence et normalement, bien qu’on nous l’annonce depuis perpète le soleil devrait enfin arriver. C’est dire si j’ai choisi le bon moment pour fairee mon intéressante, voir la mariolle. Samedi soir, j’ai été prise de crampes à l’estomac, après 2 biscottes sèches, j’ai l’impression que j’ai mangé un bœuf, qui pèse une tonne. Pas facile à digérer un bœuf. Dimanche matin, alors qu’on avait prévu une chouette brocante, bingo ….. je n’arrive pas à mettre un pied hors du lit. Résultat : je dors comme un bébé jusqu’à 18heures en ayant soin de transpirer comme un bœuf (celui qui semblait être sur mon estomac certainement), Je me lève lundi matin, je crève la dalle, mais la moindre chose que j’avale me fait de plus en plus mal, le tout agrémenté d’un fièvre légère accompagnée de tremblements dignes du meilleur film gore jamais tourné. Je me sens hyper faible avec une incapacité constante à me dévouer à une tâche précise et l’encéphalogramme d’un chat mort.

JM me parle, mais ça semble traverser mon cerveau sans arrêt obligatoire. Ce matin, fièvre et tremblements, rebelotte vers 16heures, donc je me dis qu’il est quand même plus raisonnable de sonne l’onco qui me conseille, bien évidemment de faire un tour aux urgences.

Ce qui signifie un arrêt de minimum 3 jours. Justement quand le soleil commençait à chauffer nos os glacés par un si long hiver. On appelle ça la chance du débutant ! Il soupçonne une 3° pancréatite + un début de septicémie. Et bien me voilà bien gâtée, tout ça pour moi, rien que pour moi. Tu le crois, ça ? Une bactérie passe, elle me repère dans la foule et se dit qu’elle se sentirait bien quelque temps dans ce corps qui se réjouit trop de 3 semaines de pause chimio. Saloperie de bactérie. Comme quoi, on a beau avoir des rêves, parfois ils ne ressemblent pas à ce qu’on a visionné la nuit. Juste une consolation, la nuit je dors comme nounours.

Après échographie et radio, tout est normal. Les premiers résultats sanguins et urinaires ne montrent rien de spécial, donc il reste une méchante bactérie. A l’analyse de sang en culture à la détecter. Et je ne sortirai pas d’ici tant que l’infection et la fièvre ne seront pas tombées. La dernière fois, ça a duré 7 jours, juste le temps que la pluie revienne, je suppose !

Le livre est attendu avec grande impatience.

Donc je vais essayer de m’occuper pendant ces quelques jours de repos au chaud en attendant que ces dames infection et fièvre descendent de leur piedestale. Un gros fou rire au milieu de tout cela, lors de l’échographie, comme la dernière fois, ils n’ont pas trouvé la vésicule. Il paraît qu’elle est mini chez moi…. Comme le reste d’ailleurs. Ils étaient à 3 à scruter l’écran avec des mines interrogatives, c’était très drôle.

Aux urgences, tu vois de tout : des gens qui crient, de bébés qui vagissent, des doigts coupés, des soulards qui cuvent, des bagarreurs, des accidentés. Tout est bon pour remonter le moral, mais moi je m’en fous, mon moral est intact. Je regarde toutes ces scènes de haut sans les prendre sur moi, ça facilité les choses. Je blague avec les infirmières qui sont super dévouées et sympas. Pourtant, parfois à leur place, j’aurais envie de tout envoyer valser. C’est un réel apostolat, le christ en moins.

Et puis j’ai vu ma curiosité du jour, un homme long et maigre, mais que je vous dis long, c’est très long, minimum 2,10m (je lui arrivais au coude, bon je ne suis pas une bonne référence en la matière, mais ça impressionne). J’ai compatis pour lui en me demandant où il trouvait un lit à sa mesure. Il y a quand même des gens qui n’ont pas de chance !

Mercredi 5 juin 2013

Journée chargée. Réveil à 6heures, à l’hôpital tu n’es jamais fatigué puisque tu es couché toute la journée. Rituel du thermomètre, prise de la tension, prise de sang et le sourire de l’infirmièr(e). Ici, comme partout ailleurs, elles (ils) sont souriantes, disponibles et vraiment efficaces. Un grand coup de chapeau Mesdames, Messieurs, avec un grand M. Quelle vocation !

Ma petite Mamie est revenue. Pour la nuit, ils l’avaient mis dans la salle de soins, afin qu’elle ne perturbe le sommeil de personne. Je sais que je vais paraître Mère Teresa, mais je regrette mes propos d’hier. Elle a 94 ans, son chemin se termine mais dans la montée, elle est fatiguée, un peu perturbée, elle mérite une fin plus digne. En fait, elle devait être hospitalisée en gériatrie, unité de laquelle on ressort souvent les pieds devant entre quatre planches, un mouroir quoi ! Il n’y avait plus de place, donc on lui a trouvé un autre endroit. C’est tombé pour moi, mais finalement je ne le regrette pas. Que sais-je de ses 83 années précédentes, qui suis-je pour lui dire qu’elle me dérange, elle a cotisé au payement de ma retraîte, je lui dois le respect. Mais j’avoue qu’il y a eu des épisodes très drôles. Etant donné que ses rouages sont un peu grippés, elle ne sait pas très bien où elle est, ni dans quel ordre on nomme les jours de la semaine. Si ça se trouve, elle a enseigné cet ordre dans sa jeunesse….

Peut-être une ancienne institutrice ? mais la grande surprise a quand même été la visite de sa famille. JM était avec moi. On a cru faire partie du scénario de « Délivrance », ce fameux film qui a les Apalaches pour décor. Tous bizarres. Le frêre de 96 ans, casquette vissée sur la tête, les cheveux plus coupés depuis perpète. Ils avaient l’air de se comprendre entre eux.

Déjà, je ne suis pas néerlandophone, mais là il s’agissait d’un patois très étrange, un peu comme sur la planète Saturne, mais ils se comprenaient puisqu’ils s’engueulait et la Mamie avait quand même l’air d’être la chef dans l’histoire. Ca nous a valu quelques heures bruyantes, mais comiques. Elle convoitait ma bouteille de 1,5l de Spa Reine et voulait absolument du lait froid. C’est pas courant hors heure des repas et la vache n’a pas quartier ouvert dans le parking, donc il fallait attendre, ce qui l’a mis dans une colère terrible. Elle n’arrêtait pas de sonner l’infirmière qui, finalement, ne s’est déplacée que pour niquer la sonnette.

Après le départ de ses comparses, elle s’est remise dans la position qu’elle a eu toute la matinée…. Un gisant. J’ai même regardé à plusieurs reprises si elle n’était pas décédée. La tête en arrière, bouche complètement édentée grande ouverte, en position du fœtus parce qu’elle est blessée aux jambes, sans un mouvement, ni des yeux, ni d’autres parties de son corps. Mais quand quelqu’un l’approchait, elle réagissait au quart de tour. Etrange !

Je me souviens de la question du médecin à son frère aîné : elle n’a pas de dents ? Non, depuis longtemps. Même pas un ratelier ? Non, ça ne sert à rien, c’est plus comique et plus pratique comme ça, elle sert de volière à mouches.

J’ai cru m’écrouler et là, une certaine complicité entre le médecin et moi s’est établie. Triste moment, mais tellement rural pour le coup. Ca fait partie des rencontres, comme une rencontre de vacances ou de voisinage. Ca me restera encore longtemps dans l’esprit. Et pourtant, on rigole mais sait-on comment on sera à cet âge ? Moi, de toute façon, si c’est pour devenir ainsi, autant partir, quelle déchéance. Et c’est là que je trouve parfois la médecine « sans cœur ».

Comment peut-on laisser une pauvre vieille s’avilir ainsi alors que la vie ne lui apporte plus rien. A un moment donné, j’en ai eu les larmes aux yeux, elle a crié à plusieurs reprises qu’elle voulait mourir car ça ne servait plus à rien. C’est tellement vrai. Quand le bout du chemin est arrivé, il faut savoir fermer les yeux ou en tout cas, aider à le faire. Si le paradis existe, elle y trouverait un meilleur avenir. Etes-vous de mon avis ? Je ferme la parenthèse « Mamie ».

Un jeune médecin stagiaire qui ne connaît absolument pas mon dossier est venu me poser un tas de questions, qui sont les mêmes depuis 8 ans. Il m’a expliqué que tout paraissait normal à l’échographie et à la radio, donc ça c’est déjà rêglé. Le taux de bilirubine (foie) est fortement augmenté et ils soupçonne que ça se passe de ce côté-là. Il envisage un scanner demain, mais il va en référer à son supérieur.

Je ne l’ai plus revu et l’infirmière me confirme qu’il n’y a aucun rendez-vous de pris dans ce sens. Tant mieux, matinée libre. Puis arrive Hilde, l’infirmière responsable du test clinique qui vient me répéter la même chose avec d’autres mots parce qu’on se connaît mieux. Vers 16h30 il fait une chaleur étouffante dans la chambre. On ne peut ouvrir la fenêtre que le soir et la nuit, parce que la journée, il y a des travaux qui polluent l’atmosphère des chambres.

Je descends de temps en temps faire un tour dehors mais aujourd’hui, il fait étouffant dehors aussi. Ce brigand de soleil a attendu que j’entre à l’hosto pour s’installer. Coquin de soleil. Et c’est le moment que mon petit corps choisi pour élever aussi sa température. 38,5°. Re-prise de sang avec culture et paracétamol en fût par perf. La fièvre retombe aussi sec.

Il y a aussi les séquences repas. Le premier jour est toujours « menu classique ». Après, on peut faire ses choix, fixer ses options entre poulet rôti et hamburger ou potage tomate ou céleri, ou …. Ou….. oui oui, un vrai service VIP.

Matin : tartines pain blanc sous blister, quackerpap (genre semoule de riz mais un rien plus pesant – je pense même que ça n’existe qu’ici), café pas du genre Nespresso mais plutôt cafetière 25L de chambrée à l’armée (le camphre en moins), confiture (enfin, moi qui fais des confitures, j’appelle ça de la gélatine industrielle).

Midi : 2 jolies tranches de pain de viande qui baignent dans un jus brun, de la purée et des épinards broyés (il me semble que mon chat l’a déjà digéré au moins une fois). Je m’attaque uniquement à la purée, ça vaut mieux pour mon régime et j’avale mon yaourt. Entretemps, mon double est venu avec pommes, oranges, fraises. Ah un peu de fraîcheur. Quand il est entré dans la chambre, qu’il a vu Mamie, il a cru qu’elle était morte. Je l’ai rassuré. Mais il est quand même entré sur la pointe des pieds. On ne réveille pas une Mamie qui dort !

Menu du soir : filet américain mayo (par cette chaleur !), tartines, spéculoos et cerise sur le gâteau une jolie frangipane lotus-like. Tout ce que je ne peux pas manger. Je m’en vais à la cuisine avec mon barda sous le bras en demandant juste autre chose. Et là, mon choix se porte sur du jambon cuit. Et bien, je me demande encore si avant d’être du jambon cuit sous blister, il a été cochon. Comment peut-on nourrir des malades avec de la bouffe aussi malbouffe. Un bon McDo serait peut-être plus profitable. A l’heure où l’on prône le retour aux sources, le bio, ils devraient être les premiers à montrer l’exemple, vu les tarifs de l’hôtel. Ceci dit, ça garde certains clients un peu plus longtemps, mais quand même.

Le meilleur moment de la journée : vers 22 heures, je descends dans le parking, flanquée de ma potence chargée de sachets qui lâchent leur goutte à goutte inlassablement. Je m’installe sur une chaise roulante qui traîne au parking des caddies, j’allume une bonne clope (ne vous fatiguez pas, je sais, c’est pas bien – bou hou qu’elle est mauvaise la clope à la dame ! mais si ma première onco m’avait obligé à arrêter de fumer au lieu de me dire que je ne pourrais pas mener tous les combats en même temps, j’y serais arrivée. Maintenant, confortée par cette idée, je continue. Pas beaucoup, mais trop quand même), j’admire la nuit tombante.

Le ciel propose une couleur faite de rose et de gris d’un côté et gris plus foncé de l’autre côté. C’est juste beau et je savoure cet instant, comme si j’étais attablée à une terrasse un soir d’été avec une bande de potes à siroter mon eau sans bulles). L’air est doux, presque chaud, ça me réconcilie avec l’univers. Je pense juste que je suis bien, même si la terrasse est un parking et que la chaise est roulante, je profite du moment présent, juste pour me faire plaisir. Faites-en de même de temps en temps, ça remet les pendules à l’heure.

A propos de pendule, je retourne à la chambre pour me faire bercer par le tictac de mon horloge. Sur ce ….. bonne nuit !


Jeudi 6 juin 2013

Rien de bien neuf sous le soleil… puisqu’il est enfin là. Le médecin me dit qu’il n’y aurait pas de bactérie, pas de métastases, pas de tumeur, pas de calculs biliaires ou vésiculaires…. Bref aucune explication aux fièvres, si ça ne serait un dysfonctionnement de la bilirubine. Kèzako ?

Une petite leçon de biologie :

La bilirubine provient de la dégradation de l'hémoglobine des globules rouges sénescents au niveau de la rate. C'est un pigment jaune à l'origine de la coloration des urines. Elle circule dans le sang lié à une protéine, l'albumine, puis est captée au niveau du foie et est excretée dans la bile. L'ictère, ou jaunisse, donne à la peau une couleur jaunâtre, et est causé par une accumulation de bilirubine dans le sang. Un taux trop élevé ou une augmentation brutale de bilirubine dans le sang peut laisser supposer une destruction anormale des globules rouges, une hépatite ou une cirrhose du foie. La bilirubine existe principalement sous 2 formes : la bilirubine dite libre qui est toxique et est transformée par le foie en bilirubine dite conjuguée qui sera ensuite éliminée dans les matières fécales et urinaires.

Bon ben je suis bien avancée. Je n’ai ni le teint jaune, ni le fond des yeux jaunes. Mais je ne suis pas toubib et je ne m’avancerais dans aucun diagnostic.

Discussion avec l’assistant cet après-midi. Pour toute réponse : demain prise de sang et si c’est bon, vous rentrez chez vous ? Et tu crois ça toi toubib ? Ah que nenni non point, c’est pas ainsi que ça marche avec moi.

Tu me renvoies dans mes pénates dans le même état que quand je suis arrivée : les mêmes douleurs au ventre, la même digestion difficile et des petites fièvres de temps. Et tu voudrais que je me contente de ta réponse. C’est cela oui ! Je ne suis pas venue m’enquiquiner ici pendant 4 jours pour repartir sans rien savoir de plus. Tu crois que la carotte de rentrer à la maison va fonctionner ? M’en fout car à partir de samedi, il pleut, donc j’ai tout mon temps et je n’ai pas envie de revenir dans 3 jours aux urgences comme la dernière fois.

T’as besoin de mon lit ? Pas grave, je camperai dans le couloir mais tu ne t’en sortira pas ainsi. Je suis vraiment gentille, au sens propre du terme, mais il ne faut pas me la raconter, m’embobiner et te croire plus malin parce que tu fais des études depuis perpète. C’est mon corps et j’ai le droit de savoir. Alors, si tu n’as jamais expérimenté le côté obscur de ma force, ce n’est pas ton père que je serai. Capito ?

Autre détail qui me fait sourire, mais arrive à me hérisser quand même. Tous les matins, une gentille dame arrive pour me proposer les 3 repas du lendemain, dans lesquels je peux choisir. Je me demande à quoi ça peut servir, depuis deux jours, je ne reçois jamais ce que j’ai demandé. Par exemple, pour ce midi, mon souhait était poulet rôti, patates vapeur, compote sans sauce avec un yaourt comme dessert. Le seul survivant de la liste était le poulet ! Pas de légumes et une bonne grosse purée bien dense au lieu des 3 patates vapeur. Et je peux te dire que pour digérer leur purée, ça prend des plombes.

Quand je pense aux efforts surhumains que je fais à la maison pour ne rien manger de gras, ni ne contenant beurre et œufs….. la purée ! Pareil pour le soir, j’avais demandé 2 biscottes et du miel et un yaourt. Sur le plateau, saumon cuit en mayonnaise avec crudités bocal, pain blanc, riz au lait et spéculoos. J’ai échangé se superbe repas contre un carré de fromage fondu de la Vache qui Rit (au moins une qui se marre !).

Et tout le monde s’en fout. Résultat, avec un repas pareil à 17h, je crève la dalle. Je viens de me faire une pomme, une banane, un yaourt sucré et le biscuit que j’avais précautionneusement mis de côté ce midi.

Il faut vraiment lutter de tout côtés pour survivre. Monde de brutes !

J’aillais oublier : j’ai enfin une chambre seule avec vue sur les travaux des nouveaux bâtiments et la cabine du grutier à deux mètres de ma fenêtre. Je n’ose imaginer le raffut demain matin dès l’aube. C’est qu’ils se lèvent tôt les grutiers. En même temps, il faut bien que les travaux se fassent, donc lui je ne lui en voudrais que si il est vraiment moche à regarder ou pas sympa. Mais le style pubdecocacola, tadadadadam….. je lui pardonnerai, mais j’émets des réserves sur ce genre de vision aurorale.


Samedi 8 juin 2013

Hier, ils voulaient me renvoyer à la maison. Bien sûr ! Et tu crois que je vais sortir dans le même état qu’en y entrant (la fièvre en moins) sans savoir pourquoi j’ai fait ce savoureux séjour ? Mon œil.

En insistant un peu, re-prise de sang et là, oh miracle soudain, ils me disent qu’il s’agit bien d’une pancréatite et que mon taux de lithiase (je pense que j’ai bien compris) a soudainement grimpé. Pour soigner cela, pas d’autre solution que le jeûne. Et zut, zut, zut et rezut. J’ai connu cela il y a 1 an et demi et ça ne m’avait laissé que le souvenir de 12 kilos perdus en 6 jours. Maintenant, ça va.

Mais bo n. Le soir, je crève la dalle, alors en catimini, j’avale les 3 biscuits aux céréales qu’il me reste. J’ai enfin vu la diététicienne qui me fait tout un programme et qui ne comprend pas pourquoi je ne reçois pas ce que je demande. Donc, je vais bientôt me régaler, espoir de courte durée puisque l’annonce de la pancréatite vient à bout de tous mes efforts. Je ne sais pas si c’est le fait qu’on m’interdit de boire et manger qui me donne encore plus faim et soif. On a toujours envie de ce qu’on nous interdit. L’être humain est ainsi fait.

J’ai passé une super nuit. Je me suis endormie à la fin du match des diables rouges et réveillée à 8h30, quel exploit ! Je vois le médecin, toujours à jeun (pas lui, moi bien entendu), on discute et il me demande si j’ai faim. Il y a des questions parfois très idiotes. Il m’autorise 2 biscottes, de la minarine et un petit fromage fondu de la Vache qui Rit. Je m’enfile ça vite fait des fois qu’il changerait d’avis. Je monte sur la balance et byebye encore 2,5 kilos. A midi, je ne vois rien arriver et j’ameute l’infirmière. Pitié, SVP, papa mort, maman morte, un peu de nourriture. On a oublié de changer le statut d’à jeûn à régime pancréas.

Et voilà que je vois arriver un plateau avec du poulet, des patates, des carottes, un bouillon et un morceau de cake. Bon, je ne dis rien. Quand moi je pense à un bouillon, c’est à celui que ma grand-mère me faisait quand j’étais malade. Il contenait des légumes, du poulet ou de la viande en petit lambeaux et avait un si bon goût. Vous n’allez pas me croire. Ici, bouillon signifie un cube dans de l’eau chaude ! Je ne sais pas si vous avez déjà eu l’occasion de goûter à ce mélange dans une tasse, c’est tout simplement inmangeable, ça donne la nausée et c’est hyper salé. Il a fini dans l’égoût. Mais les 3 pommes vapeur m’ont un peu requinquée.

Et ce soir… Il y avait longtemps que je ne m'étais plus fendu la poire comme ça. Plateau repas du soir : 4 tranches de pain gris - fromage blanc 0% - sirop de Liège - miel - pudding vanille - flan moka - 1 poire - 1 coca - 1 jus d'orange - 1 berlingot de lait soja à la vanille - 1 cafetière de café - 1 tasse de bouillon. Oufti ! J'ai signalé à l'infirmière que j'étais seule dans la chambre. Elle m'a dit s'être fait la même réflexion avec ses collègues et que ça les avait bien fait rire. Ben voilà une journée qui se termine dans les rires. Je me sens un peu comme le caïd en prison qui accumule toutes sortes de choses pour les revendre à prix d'or. Je vais penser à ouvrir ma superette pour dealer tout ça. Dans l’ordi de la cuisine, ils doivent avoir remplacé mon nom par « poubelle » ou « réserve ». Au moins, je ne mourrai pas de faim aujourd’hui.

Pour le reste, je me sens hyper bien avec mon système pancréato-gastrique. Plus de douleurs, plus de fièvre, juste très faible avec une tension assez basse. J’ai vu le médecin qui me dit que re-prise de sang demain matin et si tout est à niveau, je pourrai rentrer lundi ou mardi au plus tard.

Avec tout ça, on rate un concert qui nous tenait à cœur pour plusieurs raisons : la qualité des artistes (Oli F – Machiavel et Djinn Saout), la passion de Michel l’organisateur et surtout son investissement dans la fête. Je penserai bien à tout ce petit monde.

Ca ira mieux demain comme dit mon amie Anny.


Dimanche 9 juin 2013

Je n’ai pas bien dormi cette nuit. J’ai été réveillée par mon voisin de chambre qui est dans un bien piteux état (phase terminale) et qui a dû recevoir des soins très lourds. Un monsieur entre 60 et 70 ans. Il est là, dans son lit, me sourit quand je sors de ma chambre. J’aimerais lui dire quelques mots, mais lesquels ? Je ne sais rien de lui. Je comprends mieux la réaction de certains amis qui me disent ne pas oser m’appeler ou m’envoyer un message, car ils ne savent pas quoi dire. On est juste triste et compatissant.

Ca doit être dur de vivre ses derniers moments. Sa femme est présente jour et nuit. Ce matin, elle a été plus loin que le sourire, parce que je pense qu’elle en avait gros sur la patate et m’a effectivement un peu décrit la situation. La question qu’on aimerait poser à ce moment est celle de l’euthanasie, celle du droit de choisir son moment. Mais je ne connais ni ses convictions personnelles, ni sa vie et j’ai une certaine retenue à en parler avec elle. Alors je la réconforte d’un sourire. Pourquoi, parfois, la médecine s’acharne ainsi ?

Je le vois souvent partir pour des examens. Mais je ne connais pas son dossier, donc je ne pointe personne du doigt. Malgré la présence de son épouse, il doit se sentir bien seul sur le chemin avec sa souffrance et son paquetage d’efforts qu’ils n’arrive plus à fournir. Sa femme essaye de le tirer encore un peu sur la route, mais elle perd la foi et la force. Je suis vraiment émue.

Au réveil, mon amoureux m’apporte deux pistolets encore tout chauds pour mon petit-déjeûner. La vie continue et laisse sur la route ceux qui ne peuvent plus suivre. On déjeûne ensemble. Quel chouette moment. Le soleil met un peu de temps à pointer son nez, mais, malgré les nuages, il ne pleut pas.

Vers midi, je le renvoie à la maison. Il y a le chat à caliner aussi et ça lui change un peu les idées. De toute façon, je vais bien maintenant, donc pas d’inquiétude à avoir. Un petit repas léger, une bonne sieste, une petite promenade et me revoici collée à l’ordi parce que je sens que j’ai des choses à dire après avoir croisé ou observé les gens qui circulent dans les couloirs infinis de l’hosto. Les gens qui me croisent ont tendance à me sourire, ce que je leur rend.

D’autres, plus pressés, regardent leurs pas défiler et ne voient personne. Si on pouvait coller une histoire sur chacun ! La potence que je trimbale avec mes mixtures sous blisters fait un bruit assourdissant, surtout le dimanche quand l’affluence est assez minime. On trimbale ses espoirs, ses croyances, ses envies à travers l’hôpital. Il faut bien passer son temps. Il y a une petite mare aux canards devant la réception et je me plais à m’y asseoir juste à regarder défiler les moments présents. A côté de moi, un papa, juste un papa ordinaire. Il tient dans ses bras sa petite fille gravement handicapée physique et mentale. Il y a tant d’amour et de don de soi dans ce tableau. Aujourd’hui c’est la fête des pères. Il est juste un papa ordinaire.

Ces moments sont précieux. Ils nous prouvent toute la chance que nous avons d’être là, debout, trottinant sur le chemin de la vie. Certains veulent beaucoup, d’autres beaucoup trop et les autres se contentent de ce qu’ils ont. Je pense faire partie de cette dernière catégorie. Après avoir couru toute ma vie après des moulins à vent, futiles et illusoires, aujourd’hui, malgré la maladie, je vis chaque instant comme si c’était le dernier (pour bien en profiter) et, en même temps, comme si c’était le premier (pour bien apprendre et observer). La vie est simple, au fond.

Le soir, à nouveau un plateau rempli comme la hotte du Père Noël. Je pense à customiser ma table de nuit et créer la Super(p)ete ou la Superette à Pepette. Avec les denrées que j’accumule, je vais y ajouter des clopes et de la bière et faire le tour des services pour dealer tout cela. Franchement, je crois qu’en sortant d’ici, j’aurai fait le tour du stock disponible. J’ai goûté à tout.

En sortant de ma chambre, je vois 6 hommes à genoux avec des petits chapelets dans les mains. C’est surprenant. Au moins, maintenant, je sais où se trouve La Mecque par rapport à ma chambre.

J’ai tout à coup une pèche d’enfer. Je veux sortiiiiiiiiiiiir ! Le médecin voulait prévoir une gastroscopie demain et ben non, je n’en veux pas, je veux juste rentrer chez moi. Demain on s’explique Doc !


Mercredi 19 juin 2013

Je n’ai pas eu trop envie d’écrire ces derniers jours. Je résume. Après une semaine d’hospitalisation, enfin de retour à la maison. Le verdict est enfin tombé : re-pancréatite. Je ne dois plus boire, lol ! Moi qui ai rarement touché un verre de vin, de bière ou d’alcool, c’est agréable à entendre. Je n’aime pas ce rictus complice du médecin. Mais je ne m’explique plus, parce que je vais finir par perdre patience. Par contre, je m’aperçois que la pancréatite « hospitalisée » se produit toujours après un séjour à La Palmyre Atlantique.

Je n’accuse personne, mais bon. Une fois, c’est un accident, deux fois, une coïncidence malheureuse, mais trois fois, c’est suspect. Nous avons donc décidé de changer de territoire pour les prochaines vacances. Le Cap Gris-Nez a retenu nos suffrages, puis la Bretagne.

J’ai encore perdu deux kilos et je me semble encore un peu faible. Mes jambes flageolent, mais je vais manger pour me remplumer un peu. J’ai retrouvé le goût de la nourriture et, petit à petit, je réintroduis un peu de tout parce que la monotonie de mes repas passés me fait perdre le goût de m’asseoir à table.

Entretemps, nous avons réceptionné les cadres des photos pour l’exposition qui se tiendra à Spa pendant les mois de juillet et août. C’est très beau. Les livres commencent à être livrés et, de toute évidence, les lecteurs aiment beaucoup. Merci les amis d’avoir cru en nous. C’est aussi grâce à vous tous que nous continuons à prendre toujours plus de plaisir à faire surgir notre créativité. De plus en plus, nous nous lançons dans les photos de paysages.

 

 

 
Loreta et Jean-Marie à l'occasion de la sortie du livre
Photo Alex Caro

 

C’est reposant. On s’assied et on attend le moment, juste le paysage et nous ! Une sorte d’intimité, de cadeau. Si on prend la peine de s’arrêter pour voir ce qui nous entoure, on profite des petits bonheurs de chaque instant. On savoure pleinement le moment présent. On essaye de le capturer dans l’objectif et, à chaque vue, une autre histoire s’offre à nous. Une œuvre d’art quelle qu’elle soit est toujours une invitation au voyage.

Que ça soit une peinture, un poème, une chanson, une photo ou une installation, une histoire se bâtit à chaque détail. Suivant nos vécus, on y trouve ce qu’on veut y trouver, on se l’approprie, on entre dans l’œuvre. Il ne faut pas chercher ce que l’artiste a voulu y raconter, il faut juste savourer l’émotion qu’elle procure. Seulement à cet instant, la communion entre l’artiste et le spectateur s’installe. On se sent proches.

Pour revenir à des détails plus terre à terre, hier, j’ai repris les chimios, toutes les trois semaines jusqu’au 20 août, date du contrôle. Si le contrôle est bon, je fais l’impasse de la chimio et je reprends trois semaines plus tard.

Le produit du test clinique, le TDM1 (ou Teresa), ne tardera pas à être diffusé sur le marché. La firme pharmaceutique recueille tous les résultats, afin de finaliser le dossier du test clinique. Je ne devrai plus remplir le questionnaire, qu’ils me soumettent à chaque séance de chimio. Ca sent bon la fin du test clinique tout ça. D’abord pour les malades qui pourront enfin en bénéficier et, égoïstement, pour moi qui pourrai arrêter ces chimios tri-hebdomadaires (je ne sais pas si le terme est vraiment exact !) à condition que mes contrôles soient bons. Ca sent le bout du tunnel, mais sans la lumière blanche, si vous voyez ce que je veux dire.

Je pourrai enfin respirer et mieux profiter, car si je rechute, le produit sera alors disponible. Ouf ! mais, en attendant, comme un bon petit soldat, j’endure tout cela avec le sourire et la gnaque qui me caractérisent.


Mardi 25 juin 2013

Me revoici après quelques jours de repos. L’après-chimio se passe plutôt pas mal. La fatigue se fait sentir en fin de journée et me permet de vaquer à mes occupations habituelles. Le soleil nous fait à nouveau la gueule et le vent du nord-ouest donne une impression d’automne. On vit des journées qui comportent les 4 saisons en même temps : un air d’automne, un centimètre carré de ciel bleu au travers des nuages, une température plutôt basse pour la saison comme disent les météorologues. Il ne manque plus que la neige et on aura fait le tour de l’année. A cette allure, j’aurais 120 ans dans quelques mois !

Ce manque de chaleur renforce mon impression de froid intérieur. Les petites robes d’été, les t-shirts et autres attirails d’été restent au placard, ça nous fera des économies aux soldes tout ça. Les inondations un peu partout dans le monde, les mini-tornades… dieu que ce monde devient malade. Hé, la nature, écoutes-moi, tu ne vas pas t’étioler si vite, j’ai besoin de ta vitalité moi !

A l’hôpital, j’ai entendu une expression que je n’avais jamais envisagée : la maladie me ronge petit à petit. C’est très négatif comme expression. Je le vois autrement : la vie me nourrit petit à petit de cette expérience pas si inutile que cela. Comme je l’ai déjà dit, la maladie a été pour moi une forme de chance. Bien sûr que si mon corps m’avait demandé mon avis avant de porter l’estocade, j’aurais réfléchi avant d’avaler le crabe, mais il se fait que ça m’est tombé dessus sans que je ne l’aie choisi consciemment. Mais ça m’a permis de comprendre beaucoup de choses et surtout d’aller à l’essentiel. Cet essentiel qui nous accompagne chaque jour et que nous ne voulons pas voir. L’accessoire est bien plus bling-bling. L’accessoire fait rêver, crée l’envie, la jalousie et toute une série d’émotions négatives. L’essentiel, lui, est simple. Nous l’avons et ne l’apprécions plus. On veut toujours plus et de suite, de préférence. On ne se donne plus le temps de respecter nos rythmes personnels. On s’adonne à des techniques de relaxation, souvent coûteuses et addictives, mais a-t’on vraiment envie de se relaxer complètement, de lâcher prise ? C’est dans l’air du temps. Tout est zen, tout est vert, tout est cool, tout nous rend heureux…. Enfin, c’est ce que promet la publicité. On s’habille en coton « écologique », fabriqué par des enfants indiens sous-payés et exploités, mais le label est écologique. On nous promet une voiture verte qui pollue moins avec à l’intérieur un être humain transformé en Albator qui sort les crocs dès qu’on touche à SA voiture ou qu’on l’empêche de rouler à tombeau ouvert. Vous trouvez ça écolo vous ? Ne serait-il pas plus intelligent de convaincre d’abord l’être humain qu’il n’a pas besoin de tout cela ? qu’avoir simplement une once de sens civique le rendrait plus vert lui aussi ?

Bullshit tout cela…. Tout commence par soi-même : s’aimer, se parler, s’écouter, admirer, sourire, rire à gorge déployée, danser (même mal), chanter (même faux) ou suivre son instinct, son intime conviction. Alors nous serions plus libres de nos choix au lieu de nous laisser enfermer dans des carcans à la mode. Parfois je me demande si la mode d’une plume dans le derrière ne trouverait pas aussi ses adeptes. Tout comme on trouve des adeptes des télé-réalités de toutes sortes. Ce besoin d’être dans la lumière, même en révélant toute la connerie du monde. Si la réussite passe par toutes ces mascarades, je préfère encore rester dans l’ombre et vivre à ma façon.

Oh que ça fait ancien combattant tout ça, mais je persiste à croire qu’il doit y avoir une part de vérité.

Samedi 29 juin 2013

Pour ne pas changer, une belle matinée d’automne…. Triste, grise, humide, pas engageante. En temps normal, on devrait prendre son café sur la terrasse. Parlons d’autre chose. Jeudi seconde conférence de presse des Francofolies de Spa. Toujours un réel plaisir de retrouver des amis. On ne s’est pas éternisés, parce que j’étais fatiguée. Depuis 3 jours, je sens que si je laisse aller les voiles, je devrais me coucher pour me reposer, mais c’est contre ma nature. Debout je suis, debout je veux rester. Je fonctionne au ralenti, mais je fonctionne. Ce qui n’est pas fait aujourd’hui, sera mieux fait demain.

Je vais clôturer ce long carnet de bord de juin. Juillet va être chargé d’émotions, de rencontres et de surprises. Le livre, l’exposition, les Francofolies et tous les amis. Pour nous, c’est comme des petites vacances. Invoquons le ciel qu’il laisse traîner le soleil pendant l’événement. Avant et après également si c’est possible.

Sans rentrer dans le détail, j’ai été confrontée ce mois-ci à la bassesse de certaines personnes. Mais ça ne m’a même pas fâchée, j’ai plutôt eu pitié pour cet écrivain anonyme en me disant que sa vie doit être bien pauvre pour en arriver là.

Sur ces bonnes paroles, je vous souhaite à tous de bien belles vacances. Que vous quittiez notre terre humide pour trouver le soleil ou que vous restiez à attendre le soleil, profitez de tout et vivez le moment présent. Le repos et les vacances sont en principe des périodes idéales, sans soucis, pour retrouver ceux que nous aimons et qui nous tiennent à cœur.

Et n’oubliez pas d’écarter les nuisibles (moustiques et autres emmerdeurs), de regarder au lieu de voir et d’écouter plutôt qu’entendre. C’est simple, vous verrez.

Mise à jour le Jeudi, 01 Août 2013 18:55