Le carnet de Loreta du 15/12 au 31/12/2011
Écrit par Loreta Mander   
Samedi, 31 Décembre 2011 13:03
 

Loreta, nous partage sans fausse pudeur, avec simplicité, coeur et passion, son carnet de bord, celui d'une femme sur le chemin, là où la montagne se dresse

Comme un cri, elle nous disait : "Il ne faut pas attendre le pire pour s'arrêter et réfléchir un peu à soi.  Je ne suis pas plus forte qu’une autre, mais une espèce d’instinct animal me pousse à me battre de plus en plus hargneusement et ça je ne peux l’expliquer."

Lors de son premier échange Loreta se présentait ainsi : "La maladie est pour moi une forme de chance, comme un rappel à la vie.
Tout allait pour le mieux pour moi : j’ai rencontré mon cœur jumeau, je reconstruis ma vie et je suis tout simplement heureuse.
J’ai 2 enfants. Il a 2 enfants. Nous voici famille recomposée de 4 enfants, qui s’entendent très bien.
Je suis née à Verviers et y ai vécu jusqu’en 2000. Pour des raisons professionnelles et amoureuses, j’ai migré vers la périphérie bruxelloise, où je réside encore à l’heure actuelle".

Voici son carnet de bord 

 

 

Jeudi 15 décembre 2011

Ca va de mieux en mieux, même si je ne pète pas la forme comme avant, mais ça n’est qu’une question de temps. J’ai toujours un petit souci avec la nourriture, mais le positif est que pour la première fois depuis des années, j’ai pu entrer dans un pantalon taille 40 et je me suis fait ce petit plaisir. On se contente de peu quand on est malade. L’autre jour, mon cœur me demandait ce qui me ferait plaisir pour Noël. Drôle de question. Je n’ai besoin de rien et, de toute façon, ce que je voudrais recevoir du Père Noël est tellement évident que personne ne peut me l’acheter. Au moins, ce qui est rassurant, c’est que même l’être le plus riche du monde en est au même point que moi. Il ne peut acheter la santé, ni la prolonger, ni l’offrir à son enfant. Nous sommes tous sur un pied d’égalité. Quand je vous disais que l’argent ne fait pas le bonheur. Au fond, Steve Job et moi, nous sommes sur un pied d’égalité, mais dans des domaines différents. Ce cadeau ne peut venir que de nous et nous seuls. A bon entendeur…. Père Noël si tu pouvais quand même me donner un petit coup de pouce, ça ne serait pas de refus.

La folie meurtrière a frappé à Liège. Ca m’attriste. Comment un être humain peut-il être aussi seul et plein de contradictions dans sa tête, pour commettre un acte aussi barbare. Par contre, le flot de conneries que j’ai lues sur facebook ces derniers jours me laisse quand même un peu perplexe face à tous les types d’imbécilités qu’on peut débiter en si peu de temps. Je ne sauverai pas le monde en disant cela, mais il y a quand même une réflexion plus profonde à avoir. Ce genre d’acte nous touche de tellement près, qu’on s’y associe et qu’on est blessé. On voudrait que ça n’ait jamais eu lieu. Tant que les guerres se passent de l’autre côté de l’eau, on regarde mais on ne se sent aucunement concerné. Quand elles nous touchent, comme à Liège, on se dit qu’on aurait pu y être. L’être humain a des réactions parfois étranges, mais qui tournent parfois aux « Brèves de Comptoir » entre poivrots qui ont toujours quelque chose à dire sur tout et tout le monde. Ne sommes-nous pas un peu responsables de tels actes ? A méditer……

 

 

Lundi 19 décembre 2011

Demain, 2ème injection TDM1….. Curieuse de voir comment ça va se passer. Mais, mon énergie est quasi au top, ma confiance aussi, donc je suis certaine que ça va très bien se passer. Je revis, j’ai à nouveau des tas de projets concrets. Je sens que mon cœur jumeau reprend aussi du poil de la bête, donc nous sommes bien armés pour avancer la tête haute. Y croire, mais surtout être certain qu’on est capable et qu’on a les ressources nécessaires pour y arriver.

Je reviens du supermarché et je suis un peu saturée des boîtes de foie gras, de saumon fumé, des bouteilles de champagne, de whisky de toutes les couleurs, des sachets de chips, des pralines, … bref de toutes ces choses que je ne pourrai pas manger. En plus, je n’aime pas trop l’ambiance des fêtes. Jingle Bells et Michael Bubl dans tous les haut-parleurs, les clochettes, ça me fout le bourdon. On a l’impression que la planète s’arrête, qu’il n’y a plus de crise, que tout le monde veut s’en mettre plein la cravate, sinon on n’est pas dans le moule. Depuis que ma maman est partie, il manquera toujours quelqu’un à table et je n’aime pas, tout comme je n’aime pas les quais de gare et les aurevoirs. Cette obligation de mettre son petit chapeau à paillettes et d’avoir des confettis plein le veston m’effare toujours. Se retrouver au réveillon à côté de gens qu’on ne connaît pas, qui viennent, oublier, l’espace d’une soirée, les soucis de la vie et qui, quand minuit retentit, t’éructent un énorme Bonne Annééééééeeeeee avec une haleine de camembert et de vin. Pffff… Je caricature, mais c’est vrai que se retrouver en famille autour d’une table illuminée en regardant briller les yeux des enfants, c’est quand même un beau moment. J’ai déjà imaginé qu’on fêterait Noël en plein mois d’août : le sapin dans la pelouse et un barbecue qui sent bon avec plein d’amis…. Ca serait drôle, ça !


Jean-Marie m’a un peu relayé dans le projet du bouquin / photos sur la musicothérapie à l’UZ Leuven et Inge Bracke. Il a fait le dernier shooting, car je n’étais pas vraiment en état. Demain, nouveau shooting. Il ne manque plus grand chose pour illustrer la littérature de Inge. JM est occupé à faire la mise en page et je pense que ça sera très bien. Ce projet me donne vraiment des ailes. Mais ce genre de shooting demande énormément de recul. Au début, il y a des attitudes que je n’osais pas photographier, mais comme je suis à même de comprendre leur douleur, bien que je la trouve terriblement injuste, une complicité s’est installée. Certains sont déjà partis rejoindre les étoiles et ça, c’est parfois dur, car ils m’avaient tellement donné. J’espère avoir été digne de la confiance de Inge, car c’est vraiment une complicité au-delà de tout. Bientôt, nous devons nous voir avec BJ Scott, qui m’a présenté Inge, car le livre sera accompagné d’un CD qui reprendra les chansons et poèmes des enfants mis en musique. Encore beaucoup de pain sur la planche, mais l’envie et le cœur y sont pour qu’un maximum de livres soient vendus au profit de ces petites têtes blondes qui suivent ce chemin sinueux.

Parfois, on se dit qu’à l’âge de l’innocence, le chemin devrait être droit, sans embûches et que les pierres ne devraient servir qu’à jouer à la marelle mais pas comme un fardeau à porter. Et pourtant, ils rient, ils s’amusent, l’instant d’une séance de musicothérapie.

 

 

Mardi 20 décembre 2011

Jour J, Date D, Minute M … nous y voici ! Je suis très relax, étonnante, toute la force sera avec moi. JM en profite pour rencontrer Inge et faire un nouveau shooting à l’hôpital des enfants pour continuer à illustrer le bouquin de musicothérapie. Quel beau projet. J’espère qu’il aura le succès mérité, car tout le monde s’est vraiment impliqué. Je suis très fière de mon cœur jumeau. Lui, qui ne pouvait pas entrer dans un hôpital, il a fait un travail exceptionnel. Comme il dit, derrière l’objectif, il cherche une image et oublie l’environnement. Petit à petit, ça prend forme. Les premiers essais de mise en page se construisent.

Revenons à ce qui m’occupe aujourd’hui. 9h30, 4° étage, hôpital de jour, service oncologie. Il me semble qu’à chaque visite, il y a de plus en plus de monde. Tout le monde discute dans son coin. On commence par la prise de sang et on m’annonce qu’il faudra attendre que tous les résultats soient connus, avant de savoir si on fait l’injection. Ceci nous mène à 13h30. J’ai les yeux qui ne voient plus les cases de mon mot croisé. Enfin, le verdict tombe…. Je suis OK pour passer à la phase suivante. Les résultats sont bons. J’ai tout récupéré (globules blancs et rouges, potassium, infection partie). Maintenant, il faut commander le produit à la pharmacie centrale ce qui nous mène à 15h…. et, enfin, la poche arrive. Comme j’en étais persuadée, tout se passe bien. Pas d’allergie, pas de réaction. On lève le camp à 17h30. Quelle journée bien remplie…. A attendre. Alors plutôt que de perdre mon temps, j’observe les autres patients et je vois une scène attendrissante. Un couple d’une septantaine d’année arrive. Madame est dans une chaise roulante et, en la regardant, j’ai presque mal. Elle est énorme pas parce qu’elle est obèse, mais soufflée par les produits. Ses jambes sont comme des poteaux de téléphone, énormes, d’un bloc. Mais, elle rit très fort. Elle lance des blagues à l’encontre des infirmières et des autres patients. Beau à voir. Plus d’un se cacherait et serait déprimé en se voyant ainsi dans un miroir. Son petit bonhomme pousse la chaise roulante avec beaucoup de mal, il la cogne dans les murs et ça la fait de plus en plus rire au point que les autres patients se mettent à rire avec eux. On dirait une scène de film qu’on est en train de tourner. J’attends le clap de fin, mais non, on est dans la réalité. Ils sont amoureux, ça se voit. Pour le meilleur et pour le pire. Probablement, que, comme les autres patients, ils ne voyaient pas leur retraîte de cette façon, mais ils font contre mauvaise fortune bon cœur et vivent. Il lui caresse la joue tendrement, lui remet sa veste qui glisse, l’entoure de tout son amour. Quel belle scène d’espoir.

Mon voisin de chambre est un petit homme de 73 ans, vif, alerte, qui n’arrête pas de bouger. On finit par échanger quelques mots. Il parle anglais. Tiens ! Ce monsieur vient de Londres tous les 12 jours pour recevoir une injection qui dure exactement 3 minutes !!! Je suis effarée. Il me dit qu’il suit sa 3° chimio et qu’en Angleterre, on ne veut plus le soigner. La médecine d’état est saturée. Gratuite, mais saturée et pas toujours de qualité exceptionnelle. Si vous voulez être soigné correctement, il faut avoir recours à la médecine privée, très chère, avec des listes d’attente très longues. Là-bas, on ne veut plus le soigner, car on n’est pas certain du résultat. Ben merde alors ! D’après l’infirmière, c’est pareil aux Pays-Bas, c’est pourquoi qu’énormément de hollandais viennent se faire soigner en Belgique. Mais, au fond, si on nous piquait tous, comme les chevaux ou les chiens. On ne coûterait plus rien à la communauté, vu qu’on n’est pas certain de nous guérir. Au 21° siècle….. mais c’est un retour au Moyen-Age. On nous garde parce que ça rapporte aux sociétés pharmaceutiques ? Triste. Et quand je lui disais que je l’admirais de faire tout cela, il m’a répondu avec le flegme anglais légendaire : « This medicine saves my life. What is a day against my life ? ». Chapeau Monsieur ! Quand je vous disais qu’on trouve des ressources inépuisables quand on aime la vie !

En rentrant, la fatigue est là, mais après une bonne nuit, on verra ce qui m’attend. Demain est un autre jour.


Mercredi 21 décembre 2011

J’ai bien dormi. Je me lève tard, mais reposée. Je me tâte et je souris. Il paraît qu’un sourire au réveil fait une belle journée. Tiens, aujourd’hui, c’est l’hiver. Plus que 3 mois et le printemps revient et, avec lui, la fin des séances de chimio. Vas-y Pepette, plus que quelques dodos et tout cela sera derrière moi. Je suis un peu nauséeuse mais rien à voir avec la première séance. Je revis, je sens la force remonter en moi, je sens que je vais à nouveau lui faire la peau à cette saloperie. Et toujours pas un coup de fil de celles que je considérais comme mes meilleures amies, presque ma famille. Allez-y, continuez à foncer tête baissée. J’espère juste que vous n’oubliez pas dire à vos enfants, à vos amoureux, à votre famille que vous les aimez. D’autres, plus inattendus, se manifestent par un petit mot, un coup de fil. Ca fait une bonne balance.

 

 

Mardi 27 décembre 2011

Comme je n’avais rien de spécial à dire, j’ai fait comme les indiens, je n’ai rien écrit. Noël est passé comme un jour ordinaire. Je n’aime pas les fêtes de fin d’année. Cette période de l’année où tu as l’impression que la terre s’arrête de tourner, que les êtres sortent de leur corps pour devenir comme des fourmis dans les files, dans les magasins, chez le traîteur, chez le boulanger, devant ses fourneaux. Comme une obligation de faire bombance, de s’amuser coûte que coûte et de culpabiliser si on est seul ou qu’on ne fait « rien de spécial ». Depuis que maman est partie, il y a 14 ans, il y aura toujours une place vide à table et j’aime pas qu’elle me le fasse remarquer. Etant donné ma « gourmandise » actuelle, autant vous dire que le réveillon s’est passé très calmement devant une raclette où je me suis régalée de 2 patates vapeur, mais ça m’a paru très bon et voir mon double se régaler m’a fait doublement plaisir.

Côté effets secondaires, je suis assez surprise et contente. Pratiquement rien de gênant comme les précédentes chimios. Juste la fatigue en prime, mais qui me permet quand même de mener une vie normale. J’ai retrouvé mon énergie et suis à nouveau sur le ring prête à me battre envers et contre tout pour lui arracher le cœur à cette saloperie de crabe. Certains amis s’étant probablement sentis visés par mon second carnet de bord se sont manifestés et j’ai bien compris que j’arrivais au milieu de leur vie déjà très occupée et je le comprends. La troisième, à part quelques lignes impersonnelles sur Facebook… rien, ni joyeux noël, ni « comment tu vas ? »… rien ! Et bien, ça restera quelques bons souvenirs de bons moments et voilà. J’étais déçue, mais aujourd’hui, je me dis qu’on ne peut pas obliger les gens à sortir de leur routine, c’est ainsi.

J’en ai profité pour voir mes petits-enfants et mes enfants, sans faire de grosse réunion, parce que je ne m’en sens pas encore le courage.


Mercredi 28 décembre 2011

Vers 18 heures, ça y est, ça me reprend ! Des frissons, la tête qui chauffe et bardaf… 38,5° de fièvre. Je pensais que tout allait pour le mieux. Je me dis que, comme d’habitude, cela va durer une paire d’heures (ce qui fût le cas). Janis, notre chat, a dû sentir quelque chose. Elle est venue près de moi, m’a passé doucement la patte sur la joue et est venue délicatement s’installer sur mon ventre en ronronnant jusqu’à ce que la fièvre disparaisse. Miracle de la relation homme / animal ? Je ne sais trop mais elle m’a apaisée. J’ai lu que les chats étaient des remèdes miracle contre les ondes négatives. Il semblerait qu’ils les absorbent et dorment pour les évacuer. Qui sait ?


Samedi 31 décembre 2011

Hier, petite escapade à Maastricht. Cela nous a fait du bien de changer d’air après toutes ces péripéties. C’était également un peu nécessaire, vu que je ne trouve plus un pantalon qui ne tombe pas sur mes pieds dans ma garde-robe ! Un peu profiter des soldes, c’est bien féminin ça !!!!

Nous arrivons au dernier jour de l’année. Elle fût parsemée de grands bonheurs, de voyages, de belles rencontres, de découvertes, de beau travail photo mais aussi de grandes peurs, de désarroi, d’envie de tout laisser tomber et de souffrance. On pourra donc conclure que 2012 ne peut être que meilleure. En tout cas, j’y crois dur comme fer.

Je veux profiter de cette période de vœux et de bonnes résolutions pour remercier tout particulièrement mon cœur jumeau qui a gagné le battement de cœur d’or de 2011. Si il n’avait pas été là, je pense que le moment était propice pour tout laisser tomber à me demander pourquoi me battre si fort et si longtemps pour en arriver là, à me dire que cette souffrance n’était vraiment pas pour moi, qu’elle était simplement insupportable, à me fendre le cœur dans une chambre d’hôpital en service onco à regarder les autres partir tout doucement, avec ou sans souffrance. Non, je ne veux pas passer par là. Je peux maintenant avouer que j’ai cru passer de l’autre côté du miroir, parce que ma tête et mon corps n’avaient plus l’énergie nécessaire pour continuer. JM a toujours été là à me booster, à croire en moi, à me forcer à boire, à manger, à marcher, à me persuader qu’on a encore tant de belles choses à vivre et à découvrir. Il m’a emmenée sur son dos, alors que je perdais pied et que je ne savais plus nager. Rien que pour cela, pour son entêtement, son amour, je lui envoie tout mon amour et ma reconnaissance, même si je sais qu’en sauvant ma tête, il sauve aussi notre avenir. Merci mon cœur jumeau !

Je voulais aussi remercier les amis et la famille, qui ont été là pour me soutenir dans ces moments où j’avais le plus besoin d’eux. Merci à Maud, Arnaud, Brenda, Thomas, ma maman de cœur, Inge, Julie, Sandra, Franceska, Mario, Thierry, Xavier, Mimi, Paolo, et tous ceux que j’oublie. Je remercie également mes amis Facebook, qui, par un petit mot ou une douce pensée, m’ont aidé à garder le sourire. Merci à Christophe Dechêne qui m’a permis de transcrire mes pensées sur le site de Best of Verviers. Ca m’a fait le plus grand bien de partager les bons et les moins bons moments (et ça va continuer jusqu’en mars).

Ma balance dit merci à ma vésicule pour lui permettre d’afficher maintenant un poids de jeunette….

Et j’archive ceux et celles qui m’ont oubliée, alors que le téléphone posé sur la table de nuit, j’attendais un signe de leur part !

2012 commence par une bonne nouvelle puisque ma fille m’a annoncé qu’un petit prince ou une petite princesse viendrait illuminer notre univers au mois d’août.

A vous tous, qui me suivez, je souhaite que 2012 vous révèle le bonheur simple et gratuit que nous offre la vie. Arrêtons de pester pour un pneu crevé, un embouteillage, un pot de mayonnaise qui se brise ou une tartine qui tombe toujours forcément du mauvais côté. Essayons plutôt de voir le côté positif des choses, car il y a toujours le pôle positif face au pôle négatif. A nous de décider quel côté nous préférons. Gros bisous à tous et toutes !!!


Mise à jour le Samedi, 31 Décembre 2011 13:12