Le carnet de Loreta du 27/11 au 7/12/2011
Écrit par Best of Verviers   
Jeudi, 08 Décembre 2011 12:40

Loreta, nous partage sans fausse pudeur, avec simplicité, coeur et passion, son carnet de bord, celui d'une femme sur le chemin, là où la montagne se dresse

Comme un cri, elle nous disait : "Il ne faut pas attendre le pire pour s'arrêter et réfléchir un peu à soi.  Je ne suis pas plus forte qu’une autre, mais une espèce d’instinct animal me pousse à me battre de plus en plus hargneusement et ça je ne peux l’expliquer."

Lors de son premier échange Loreta se présentait ainsi : "La maladie est pour moi une forme de chance, comme un rappel à la vie.
Tout allait pour le mieux pour moi : j’ai rencontré mon cœur jumeau, je reconstruis ma vie et je suis tout simplement heureuse.
J’ai 2 enfants. Il a 2 enfants. Nous voici famille recomposée de 4 enfants, qui s’entendent très bien.
Je suis née à Verviers et y ai vécu jusqu’en 2000. Pour des raisons professionnelles et amoureuses, j’ai migré vers la périphérie bruxelloise, où je réside encore à l’heure actuelle".

Voici son carnet de bord 

 


 

Dimanche 27 novembre 2011

Depuis 2 jours, j’ai de la fièvre le soir entre 19 et 20h. Quel drôle de rendez-vous ! J’attends des news….
Mais je voulais aujourd’hui un peu parler de l’éthymologie de certaines expressions :
-    J’en ai plein le dos : marre de tout supporter qui donne souvent des maux de dos
-    Tu me saoûles : j’en ai plein la tête de tes conneries, tu me files la migraine
-    J’ai un poids sur l’estomac : je n’arrive pas à digérer une attitude, une parole alors j’ai mal à l’estomac
-    Je me fais de la bile ou du mauvais sang : à force de se tracasser, on se bousille le système hépathique
-    Et plein d’autres comme ça……
A ce propos, je vous conseille le livre de Michel Odoul « Dis-moi où tu as mal, je te dirai pourquoi ! ». Super intéressant.

Alors, si on joue sur les mots, le monde est constitué de deux tribus : les patients et les impatients.
Les Impatients sont les humains en bonne santé ou en tout cas ceux  qui vivent en liberté dans la nature. Ils sont souvent peu souriants, ils sont stressés parfois jusqu’au burn-out, ils râlent sur tout (même les bêtises), ils courent partout sans toujours savoir pourquoi ni où, ils aiment la reconnaissance, voire la puissance et écrasent leurs voisins pour être les premiers (de quoi ????). Souvent, ça leur fait mal de devoir reconnaître que vous êtes parfois meilleurs qu’eux et sont très peu reconnaissants de vos conseils. Dans la vie, mieux vaut faire du mieux qu’on peut, car si il n’y avait que des premiers….. quel ennui ! Vous les reconnaissez ?
Les patients, eux, comme le mot le dit bien, sont des impatients qui ont appris la patience. Une pierre leur est tombée sur la tête et ils se retrouvent soudain plongés dans un monde qu’ils n’avaient jamais fréquenté et qu’ils ne comprennent pas toujours. Leur univers est blanc. Leurs anges gardiens sont habillés de blanc, n’ont pas d’ailes, et font « clip clap » dans les couloirs avec leurs Birkkenstok ou Crocks, qui connaissent les remèdes qui vous font du bien mais qui ne savent (ou ne peuvent) jamais répondre précisément à vos questions.
Leur chef est souvent un homme d’un certain âge, les cheveux gris, un air sévère, qui vient vous annoncer une nouvelle (que souvent vous connaissez déjà), qui vous parle comme un dictionnaire médical et qui décide de votre sort. Ils l’appellent Professeur.
Celui-ci est souvent flanqué d’une série de jeunes médecins, appelés assistants, qui le suivent partout et qui viennent vous tâter afin de demander au professeur ce qu’ils doivent faire.
Quel monde étrange que celui-là.
Je trouve que le mot « patient » est super bien choisi pour parler d’un malade. Qu’est-ce qu’on peut attendre : un rendez-vous, un résultat, une chambre, un médicament, une décision, …. Le nombre d’heures passées en 7 ans à attendre m’a rendue très philosophe par rapport à la patience. Il est un proverbe qui dit que tout vient à point à qui sait attendre. Depuis le temps que j’attends, ça devrait quand même payer à un moment donné.
Etre patient n’est peut-être pas la meilleure chose qui me soit arrivée dans ma vie, mais elle m’a appris que faire les choses dans l’urgence ne sert à rien, car elles sont souvent baclées et irréfléchies. Je ne suis pas certaine de vouloir retourner dans la tribu des impatients, sauf si je peux le faire avec patience et compréhension.



Lundi 28 novembre 2011

Que dire de cette journée ? Des déceptions et des joies, des réflexions, des pardons, …. 8h30 : scanner du foie. Depuis cette nuit, j’ai à nouveau mal aux environs du foie et depuis vendredi soir, j’ai une petite fièvre de 17 à 21h (ben oui !). Pour la mauvaise nouvelle : la douleur vient d’une seconde métastase enragée qui s’est logé sous l’existante et qui voudrait aller de l’avant. Quand l’oncologue me l’annonce, je ne peux m’empêcher d’encaisser le coup et de laisser couler deux grosses larmes. Se battre si fort, si positivement, depuis tout ce temps pour CA. Je suis déçue. Mais comme à toutes mes déceptions du style, je rebondis très vite. Parce que la mauvaise nouvelle est suivie d’une bonne (ben oui, j’en suis à me réjouir de cela !) : j’ai été tirée au sort pour entrer dans le test clinique du TDM1. YYYYEEEESSSSSSS !!!!!!! C’est exactement ce que je voulais. Jean-Marie arrive vers 13h et nous fondons en larmes dans les bras l’un de l’autre, puis on met notre nez rouge, on chante notre petit air « Quand on est deux amis » et le sourire revient. Avec lui, revient l’énergie et la force de rentrer dans le lard de cette saloperie. Je commence à comprendre pourquoi je ne suis pas trop fan des plateaux de fruits de mer ! Mouais, ça c’est de l’humour médical. Mais ici on ne réfléchit pas trop, donc on se contente de petites bêtises. J’ai aussi ENFIN une chambre seule, mais, en principe, je sors demain soir.



Mardi 29 novembre 2011

Le grand jour est arrivé : à 8h55 le TDM1 a commencé à couler dans mes veines. Comme pour tout nouveau traîtement, tout le monde est aux petits soins et on appréhende en équipe les effets immédiats, tels qu’allergie ou autre imprévu. On est tous soudés, comme si on était inscrit dans la même équipe pour un marathon. On se regarde les uns les autres, on se sourit, on rit pour casser la tension, mais on n’est plus un médecin, des infirmières, un patient, mais une seule et même équipe. Dans une heure, on passera tous à autre chose mais là, pour l’instant, on veut tous gagner !  C’est un sentiment qu’on ne peut pas retrouver ailleurs.  Petit couac : allergie au produit (mais ça se produit souvent lors d’une première prise de médoc), donc cortisone et gros dodo. Tout est rentré dans l’ordre. Je pense que je vais bien supporter le traîtement. Et, en plus, je sors demain ! YESSSSS…..
Comme il ne se passe rien de spécial qu’attendre, je voulais envoyer une réflexion. Je viens de trouver deux définition d’un ami : » c’est quelqu’un qui vient quand on va bien et quand on l’on l’appelle et qui, quand tout va mal, vient tout seul » ou encore « un ami est quelqu’un qui connaît la chanson comme vous, mais qui vous en rappelle les paroles quand vous ne vous en souvenez plus » (ou quelque chose comme ça). Comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, à force de courir après le temps, le matériel, l’excellence, il ne nous reste que peu de temps pour s’occuper de nos amis ou même de nos proches. On les aime et ils le savent certainement. Mais ce qui va bien sans le dire, va encore mieux en le disant. D’où ne jamais oublier de dire aux gens qu’on aime, qu’on les aime très fort. Or, un ami en détresse, ne demande pas forcément de l’aide, c’est une question de feeling, de sixième sens. Et certains amis sur lesquels on pensait pouvoir compter ne trouvent pas une seconde de temps pour envoyer un SMS, un mail ou simplement un appel. Les amis savent qu’ils ne me dérangent jamais et que si c’était le cas, je le leur dirai parce que je ne suis pas dans ma zone de confort, mais parfois, ça rend un peu triste, même si on se dit que, finalement, ils sont passés dans nos vies, ils nous ont fait du bien, ils se sont fait du bien, on garde le meilleur et on continue sa route, tout simplement et sans regret. Par contre, d’autres personnes, que je n’attendais absolument pas, sont venues spontanément et ça m’a fait un énorme plaisir. C’est dans la détresse qu’on reconnaît ses vrais amis, et bien, je pense que je vais finalement pouvoir faire tenir tout cela dans un grand mouchoir de poche. Merci à ceux qui ont pensé à moi d’être là. Ca m’a fait du bien.

 

Jeudi 01 décembre 2011
Je suis finalement sortie de ma prison hospitalière. Le retour est un peu difficile, très faible (je ne marche pas encore d’un pas très assuré), les antibiotiques me rendent nauséeuse (mais je dois encore les prendre jusqu’au 5/12). Bref, c’est pas la super forme. Qu’est-ce que j’ai horreur de me sentir si dépendante et faible. J’ai du mal à me supporter ainsi. Je ne suis pas une super woman, donc j’ai aussi le droit de râler de temps en temps même si ça ne dure pas longtemps. En plus, je manque de potassium et je dois avaler une espèce de liquide rouge bien appétissant au niveau look, mais quand tu l’avales, on dirait que tu bois 1kg de sel à l’état pur. Faut résister. Je vais donc voir quels sont les aliments qui contiennent du potassium, afin d’éviter cette merde rouge !!! Ce matin, je me suis levée nauséeuse, j’ai essayé de manger une biscotte…. Ça ne passe pas ! J’ai quand même grignoté tout au long de la journée et surtout beaucoup dormi. Pfff, ça va finir par passer, mais je voudrais pointer mon nez dehors, même sous la pluie, sauter dans les flaques, bref, des choses si simples. Allez, encore un petit dodo pour essayer d’être en forme demain. En plus, on a reçu confirmation pour les photos du concert de JL Aubert à Forest National samedi prochain. Et m….. trop faible pour le faire. Tant pis, ça sera pour une prochaine fois.


Samedi 03 décembre 2011

Terminé les compléments de potassium. Comment peut-on produire des mixtures aussi mauvaises. J’ai remplacé par des bananes, de kiwis et des épinards, plus faciles à digérer. Mon état s’améliore tout doucement, mais la fatigue est toujours très présente. Est-ce dû aux antibiotiques et la fin de l’infection ou est-ce un effet secondaire de la chimio ? En tout cas, cette fatigue me rappelle celle que j’ai connu lors de ma toute première chimio : exténuante, saoûlante, l’impression d’être une serpilière qui hante le parquet, jusqu’à éprouver de la difficulté à prendre un verre et le porter à la bouche. Moi, qui n’aime pas du tout être dépendante et clouée au lit, je suis servie. JM est une vraie fée du logis. Il est attentif au moindre geste, à la moindre demande. Seule, je ne pourrais m’en sortir. Je n’arrive pas à assurer les tâches simples de la maison et ça m’énerve. Mais si mon corps me dit stop, j’accepte, je dépose les armes. Est-ce possible de devoir endurer tout cela après s’être tant battue. J’avoue que je vois le bout du tunnel, mais qu’il y a 3 semaines, j’ai été en grande détresse morale. J’ai perdu pied pour le première fois en 7 ans avec une envie de tout laisser tomber, vu que les événements s’enchaînaient à une allure fulgurante. On n’en voit plus la fin et la souffrance est intolérable. J’ai même à certains moments reçu de la morphine pour grimper la dose, mais bon, il ne faudrait pas s’accoutumer. J’ai aussi été déçue ou attristée (je ne sais pas bien quel terme choisir parce que ça ne me laisse pas de trace, c’est juste une constatation) qu’à ce moment de détresse morale profonde, certaines vraies amies n’ont pas pris la peine de me passer un petit coup de fil, même bref, ni même de m’envoyer un  petit SMS d’encouragement, alors qu’elle avaient le temps de mettre une phrase parmi d’autres sur mon mur. Etrange, d’avoir toujours été là pour tout le monde et le vide quand tu en as besoin. Est-ce vraiment de l’amitié ? Tu sens quand tes amis ne vont pas bien, ils ne doivent pas être demandeurs et puis, je n’ai jamais donné pour avoir en retour. L’amitié est toujours gratuite, mais c’est une système de vases communicants qui savent intuitivement de quel côté ils doivent se diriger. Visiblement, mes vases communicants ne communiquent plus. Par contre, tout cela a largement été compensé par tous les messages d’encouragement de mes amis Facebook. Ca m’a été droit au cœur. Je ne pensais pas pouvoir réunir autant de solidarité. Je les en remercie tous. Et puis le facteur a apporté hier une grande enveloppe : elle venait de Maud et Mila…. Des dessins et collages, une petite carte d’encouragement. Ca a été le soleil de ma journée. Aujourd’hui, Saint-Nicolas passait pour Mila, mais je n’ai pas eu le courage de faire le déplacement et le brouhaha me fatigue encore énormément. J’en suis triste, mais ça sera partie remise pour la semaine prochaine. Quel petit rayon de soleil : je lui ai parlé, elle m’a dit que le grand Saint était passé et j’ai eu droit à la liste. Honte à moi, la moitité de ce vocabulaire, je ne le comprends pas. Heureusement, que je reste connectée à internet pour en savoir plus.
21h : j’ai chaud et surtout 38,5° de fièvre. Mais quand tout cela va s’arrêter ? Je dors pratiquement depuis 72 heures avec quelques sursauts d’énergie entre les coups. Je suppose que le corps le demande, mais je me vide de mes forces, de mon énergie. J’attends juste un petit coup de main de mon mental pour rebooster tout cela. Re-dodo pour une bonne nuit en espérant qu’elle efface tout ce qu’on veut oublier.



Lundi 5 décembre 2011

Je retrouve un peu d’énergie. Je marche encore lentement, mais je sens que la volonté d’y arriver revient. Je dors toujours beaucoup. Mais, ce matin, j’avais envie de me refaire une petite beauté. Je me suis maquillée, pour les fringues, c’est autre chose parce que je n’ai plus grand chose à ma taille. Donc, côté positif de la chose…. Quelques kilos en moins ! Je voulais sortir faire des courses, mais encore un peu molle sur mes guibolles. On essayera de reporter à demain. En plus, je pense que mon taux de globules blancs et rouges est au plus bas, d’où la fatigue et surtout une énorme prudence face aux microbes qui circulent. Un petit masque, ça fera l’affaire. Le patient masqué….. le nouveau jeu de midi !!!!
J’ai emballé les cadeaux de Saint-Nicolas pour mes petits-enfants et ça m’a fait un bien fou de retomber un peu en enfance. J’imagine leurs yeux émerveillés devant ces quelques babioles. C’est un peu comme une madeleine de Proust : la poupée, la poussette qui m’ont émerveillé il y a tellement longtemps, mais on reproduit le schéma chaque année, ça fait un bien fou !



Mercredi 7 décembre 2011

Aujourd’hui, je me sens à nouveau revivre. Je sens l’énergie qui se promène à travers moi et ça fait tellement de bien. Je voulais juste apporter une nouvelle réflexion à l’approche des fêtes de Noël, qui prônent tant la tolérance. Mais pourquoi juste à Noël. Ne pourrait-on appliquer quelques principes très simples à notre vie de tous les jours ?Accepter qu'on ne sera jamais parfait, avoir l'humilité de s'accepter avec nos défauts et nos qualités, avoir confiance en soi et être persuadé que nous avons toutes les ressources pour y arriver. Les possibilités existent, mais nous avons peur de les exploiter. Peur de mal faire, peur de décevoir, peur d'être jugé, peur de ne pas réussir, peur d'avouer nos faiblesses. Pffff..... le principal n'est-il pas d'avoir essayé pour ne jamais avoir de regrets. Si on se plante, tant mieux, ça prouve qu'on doit faire d'autres efforts, différemment.Apprendre, apprendre et continuer à apprendre.Etre à l'écoute de l'autre, emballer notre savoir-faire avec notre personnalité et nos émotions.Apprendre de tous, même (et surtout) des simples d'esprit, tout est bon à prendre si on en fait bon usage.Ne pas juger l'autre mais accepter que sa perception est peut-être différente de la nôtre... et en tirer le meilleur, sans agressivité ni superbe. Affirmons-nous !Tout le monde a quelque chose à nous apporter, dans sa propre mesure, mais il est souvent difficile d'admettre que nous ne savons rien, que nous ne saurons jamais tout. Nous n'avons des leçons à donner à personne, même pas à nous-même.Un sourire, un merci à l'autre qui nous a apporté quelque chose.... ça s'appelle un peu de reconnaissance !Et comme dit le proverbe indien : Attends d'avoir traversé la rivière pour dire au crocodile qu'il a une bosse sur le nez !

Mise à jour le Jeudi, 08 Décembre 2011 12:48