Rencontre avec Claire Marquet, au coeur d'Imprim'Express
Écrit par Best of Verviers   
Mardi, 01 Septembre 2009 08:32

- Best of Verviers : Claire Marquet, racontez-nous la rue des Martyrs puisque qu'on parle de 30 ans de présence d'Imprim'Express dans cette rue ?

- C.M. : 30 ans, c’est vrai !

En 1979, après des études commerciales, comptabilité et marketing et 21 ans comme consultant indépendant, Gaston Bedoret souhaitait changer d’orientation. Avec l’aide d’un cousin qui travaillait chez Xerox, marque leader dans le domaine de la photocopie, il a réalisé une étude de marché. Sur Verviers, il y avait bien Madeplan qui vendait du matériel pour les architectes et reproduisait leurs plans, mais pour le reste, rien qui ressemblait à un vrai copy-service.

Alors, en septembre, à la rentrée scolaire, il s’est lancé. Et je trouve qu’il a eu une idée vraiment lumineuse en appelant son entreprise « Imprim’Express ».

Quant à moi, jusqu’en 1990, j’étais logopède mais je n’avais plus d’emploi. Un peu par hasard, je me suis adressée à Imprim’Express, j’étais à la recherche d’un endroit pour achever mon recyclage en « travaux de bureau » suite à une formation au FOREM.

On traversait déjà une crise de l’emploi à l’époque. Et je suis instantanément tombée dans le chaudron ! C’était au début du mois de juillet.  J’ai fait un essai d’une journée et il fallait que je me décide le soir même…

Petit à petit, l’activité s’est développée et l’espace du numéro 30 de la rue des Martyrs devenait un peu étroit. L’occasion s’est présentée en 1992 de pouvoir déménager juste un peu plus haut, au numéro 36. Nous pouvions disposer là, du double de la surface. Pour marquer le coup, nous avons demandé à René Hausman, notre plus illustre client, qui venait régulièrement photocopier les planches de ses bandes dessinées, de nous faire un dessin.

 

Je dois avouer que nous en sommes très fiers : il a admirablement transposé dans son univers,

l’ambiance de notre  atelier !

 

Fin juin 2001, Gaston Bedoret m’a passé le flambeau en douceur, je suis alors devenue la gérante…

 

- Le parking, pas un souci pour la rue des Martyrs ?

 

Je dirais oui et non.

En fait, tout le monde ne le sait pas, mais si on pousse sur le bouton de « l’eurodateur », la machine vous donne un ticket gratuit pour ¼ d’heure. Cela suffit souvent pour réaliser quelques copies, ou alors pour déposer ou venir rechercher un travail plus gros. Nous recevons aussi pas mal de commandes par e-mail et un arrêt en double file le temps de charger ses caisses est toléré, il faut bien que tout le monde travaille !

Et beaucoup de nos clients viennent aussi à pied du centre ville.

 

- 30 ans, c'est un fameux anniversaire. En quoi consiste votre travail au quotidien ?

 

C’est une vaste question !

Cela va de la simple copie d’une attestation pour la mutuelle jusqu’au dossier de milliers de pages. Que ce soit pour un particulier ou un avocat, en passant par des plans d’architecte, la publicité d’un jardinier, des manuels de formation d’un centre sur les énergies nouvelles, des modes d’emploi pour le montage d’un grill, les affiches A2 pour les ventes publiques des Notaires, les cartes de visite, les carnets de messe de mariage, les faire-part de naissance, les menus de restaurant, les cartes de fidélité pour magasin de prêt-à-porter, car-wash ou vendeurs de pita ou pizza. Des cartes de rendez-vous pour des coiffeurs, des kinés, des diététiciennes, …  Impossible de dresser une liste sans que cela ne prenne 3 pages !

 

- Voyez-vous Verviers changer au fil des années ?

Je ne peux pas m’empêcher de constater une certaine paupérisation du centre ville, avec aussi l’abandon et le délabrement de bien des commerces aux emplacements désespérément vides. Mais je pense vraiment que ceux qui restent font beaucoup d’efforts pour leurs clients, chacun dans leur domaine.

Le métissage apporte aussi son lot de surprises. Nous avons des clients qui parlent un nombre incroyable de langues ! Mais il faut parvenir à traduire en français ce qu’ils veulent communiquer. Cela tient parfois de la lecture dans les pensées pour arriver à comprendre…

Extrait d’une conversation lors de la rédaction d’une publicité pour un réchaud de grande taille, mais portatif, à louer, qui fonctionnait avec « pas de combustible », sur la photo, il n’y avait pas de fil électrique :

Madame, votre appareil, il chauffe comment ?

« Pas de combustible », me répète-t-elle (au moins 3 fois !).

Et soudain dans mon esprit, tilt : de la pâte combustible !!!

Ah là là, j’en ris encore.

 


 

- Si vous aviez une baguette magique, qu'est-ce que vous aimeriez apporter à la ville ?

La propreté de tous les instants ! Vraiment, quand j’arrive certains matins et que je vois le nombre de détritus qui « garnissent » la rue des Martyrs, sans parler des crottes de chiens, j’ai honte ! Très souvent, la journée commence par un bon coup de tuyau d’arrosage sur le trottoir… Et pourtant, le service de nettoyage de la Ville passe souvent, mais c’est toujours à recommencer.

 

- Vous avez de nombreux clients très fidèles. Le Spirit of 66 notamment...

Oui, en effet. Pour Francis Géron, avec ses changements de programme à la dernière minute, il est primordial de pouvoir reproduire son petit journal au tout dernier moment et en une matinée express ! Toute l’équipe s’active en tous sens chaque mois pour mener cette tâche à bien.

 

- En fait, ne voyez-vous pas arriver la deuxième génération des mémoires et travaux divers à reproduire ?

C’est vrai : des étudiants sont venus faire leurs petits copions à Imprim’Express, ensuite leur mémoire, au temps où il fallait laisser refroidir les ouvrages 24 h. Puis ils ont fait leur faire-part de mariage, ont annoncé la naissance de leurs enfants et voici ceux-ci qui viennent à leur tour pour leur travail de fin d’études. Mais aujourd’hui, tout doit être EXPRESS, et bien souvent, un mémoire qui est photocopié et relié à 10 heures doit être rendu à Liège pour midi… C’est surtout ça, le changement d’époque. Et il faut aussi pouvoir jongler avec les fichiers informatiques…

 

- Vos clients, deviennent-ils toujours plus exigeants sur la qualité ?

Nous avons toujours mis un point d’honneur à ne faire que la meilleure qualité, notre slogan : les plus belles copies, le meilleur service… et les meilleurs clients !

Pour cela, nous avons souvent été à la pointe et avons toujours suivi les évolutions de la technologie.

 

- Avec l'arrivée des programmes de graphisme, les performances des imprimantes, le développement de la photo numérique et la technologie toujours plus pointue, comment faites-vous pour rester à la page ?

Nous proposons un accueil personnalisé. Bien souvent, en venant ici, un client qui n’a pas une idée exacte de ce qui lui conviendrait le mieux ressort avec une réalisation en main à laquelle il n’aurait jamais pensé tout seul. Mais nous avons aussi beaucoup de clients, des graphistes ou des particuliers, très doués et plein de talent qui arrivent avec des fichiers plus que parfaits !

Au niveau du matériel, nous avons toujours fait confiance à Xerox. D’abord uniquement pour le noir et blanc, mais depuis quelques années, aussi pour la couleur.

Je peux toujours compter sur mon représentant motivé qui vient me présenter les dernières évolutions, pas question de lui résister ! Mais au fil des années, la technologie a bien progressé, est devenue plus respectueuse de l’environnement et surtout très fiable, ce qui est primordial pour assurer le service aux clients. Derrière tout ça, il y a des équipes de techniciens formidables. Quand la grosse machine est démontée pour l’entretien, je me demande toujours si tout va retrouver sa place ! Mais oui…



En quoi êtes-vous particulièrement spécialisés ?

Nous travaillons à trois et chacun a un peu sa spécialité. Mais le fil conducteur, c’est la reproduction EXPRESS ! Aujourd’hui, tout le monde est pressé et veut tout, tout de suite. On fait vraiment beaucoup de choses en tous genres.

 

-Il y a toujours du monde lorsqu'on pousse votre porte. Parlez-nous des rencontres que l'on fait chez vous ?

D’abord, je suis souvent étonnée du nombre de personnes qui se connaissent et qui se rencontrent par hasard à Imprim’Express. Un vrai salon de conversation parfois !

Et puis, pour faire patienter les clients pendant qu’on fait leurs copies, nous affichons sur un mur les dernières blagues qui circulent sur Internet.

Et c’est toujours très amusant d’observer le visage de quelqu’un qui arrive soucieux, hyper pressé et stressé, avec tout un tas de feuilles à reproduire dans la minute ! Mais qui doit bien attendre que le travail se fasse… Pourtant absorbé dans ses pensées, il finit par voir des petits papiers collés en bataille. Curieux, il s’approche et son regard tombe alors sur une « bien bonne ». Et il rit tout seul. Certains jours, la moisson est riche, il y a beaucoup à lire. Et c’est presque à regret qu’il nous quitte, avec un grand sourire. Aurait-on été trop vite ?

Notre clientèle est très variée. A côté des entreprises, des services-club, des mouvements de jeunesse, des restaurants, des architectes, des ingénieurs, des médecins, des administrations communales, des services de prévention, ou encore des enseignants et étudiants ou des musiciens, nous avons aussi une catégorie de personnes à laquelle on ne penserait pas immédiatement : c’est celle des pensionnés actifs. Sur-actifs, je dirais même ! Nous leur réservons toujours un accueil patient. Beaucoup de nos aînés se sont mis à l’informatique sur le tard. Ils ont beaucoup de mérite car la plupart s’en sortent très bien. Quand ils ne sont pas autodidactes, ils ont souvent suivi des cours. Et avec toute la bonne volonté qui les anime, nombre d’entre eux sont bénévoles dans toutes sortes d’associations. Ils créent des liens entre les générations. Grâce à eux, l’histoire locale, le folklore, le patrimoine, les coutumes, la généalogie, un coin de nature, des recettes de cuisine, des récits de voyage, des biographies ou que sais-je encore, ce qui représente bien souvent nos racines, tout cela est transmis et reproduit sur papier. Peut-être est-ce classé dans une armoire, mais ce n’est pas perdu. Quelqu’un les ressortira un jour…

 

Et c’est aussi parfois de l’histoire bien vivante, je pense par exemple entre autres, aux catalogues d’exposition et brochures du musée de la lessive à Spa. Ou encore aux passionnés d’automobiles anciennes, qui eux font rouler le patrimoine et mettent les mains dans la mécanique…

Nous réalisons également beaucoup de périodiques pour un grand nombre d’associations, des clubs sportifs, des cercles d’Histoire, des astronomes, des pèlerins, des collectionneurs…

Et j’ai une pensée particulière pour tous les secrétaires de toutes ces associations qui, souvent dans l’ombre, consacrent du temps, chacun avec leurs moyens, pour des membres qui ne s’imaginent parfois pas tout le travail qu’il y a derrière la petite brochure qu’ils ont en main.

 

 

- Un souvenir particulier ?

Une journée qui reste gravée dans ma mémoire ? C’était le jeudi 11 janvier 2007. Le téléphone sonne, il était à peine 9h30. Sur le combiné, c’est un n° commençant par 071 qui s’affiche. La région de Charleroi ? C’est bien loin, ça !

Et pourtant oui. Il y a au bout du fil un type tout excité qui me demande s’il est possible qu’il envoie des  fichiers de plans par Internet pour les avoir le plus vite possible, mais surtout avant la fin de la journée.

On se met d’accord sur les paramètres à utiliser et on fait un test avec le génie de l’informatique de cette entreprise du Hainaut. Et ça marche !

Il y avait à peine six mois qu’on avait la machine à plans connectée à l’ordinateur et à Internet. On n’avait pas encore utilisé ce système très souvent. Le plan qui sort de la machine représente une forme vaguement familière. On dirait le Caprice des Dieux, les bâtiments du  Parlement Européen… Et c’est même tout à fait ça !

 

Alors, une journée tout à fait folle a commencé. Ce ne sont pas moins de 53 fichiers de plans qui nous sont parvenus l’un après l’autre, à sortir en 3 exemplaires chacun et à plier. Les plans du Parlement Européen de la cave au grenier !

Mais pas question de laisser tomber nos autres travaux en cours. Alors Monsieur Bedoret est venu à la rescousse pour le pliage et nous nous sommes attelés à la tâche toute la journée sans une seule minute d’arrêt. A la fin, ça faisait une montagne de papier impressionnante !

Dehors, le vent soufflait en tempête, à une vitesse largement supérieure à 100 km/h. Le client avait du retard à cause de problèmes sur la route. Il est enfin arrivé à 18h30. Heureusement, il avait une camionnette vide pour embarquer tout ça.

Une question me taraudait : comment nous avait-il trouvé ? Et bien, simplement en tapant sur Google : « plan-photocopie-express ».

 

- C'est donc un travail prenant mais passionnant. Cela ne s'arrête jamais ? Une autre anecdote ?

Juste après le tsunami, une entreprise de la région devait fournir en Indonésie tout un tas d’énormes pompes. Ils ont sous-traité chez nous la réalisation des copies des fardes techniques se rapportant à chaque unité. Ils étaient très organisés et nous avaient apporté de très grandes caisses en carton pouvant chacune contenir la documentation de chaque pompe. Le seul problème, c’était le manque de place !

 

Un jour, on avait mis le plus possible de ces gros cartons dans le couloir de l’entrée, le camion du client devait venir les chercher. Nous étions tous occupés à l’intérieur avec plein de clients et on n’a pas entendu notre livreur de papier qui déchargeait sa palette. C’est seulement quand quelqu’un a voulu partir qu’on s’est rendu compte qu’on était tous coincés à l’intérieur, le livreur avait bouché le passage et était parti sans demander son reste ! Ce jour-là, le papier n’a jamais été aussi vite rangé, tous les clients nous ont donné un coup de main…

 

- Qu'est-ce qui vous motive aujourd'hui ?

Je dois bien avouer que je ne me suis jamais posé ce genre de question !

J’arrive chaque matin sans vraiment savoir à quoi ressemblera la journée… Mais toujours de bonne humeur et pleine d’optimisme.

En fait, c’est comme vous l’avez mentionné tout à l’heure : mine de rien, au 36 de la rue des Martyrs, on rencontre tout un tas de monde. Et c’est une chance formidable !

Beaucoup d’habitués deviennent des amis. Comme une seconde famille.

 

Un centre de photocopies est aussi, et plus souvent qu’on ne le pense, le lieu de rendez-vous de personnages étonnants, passionnés, de vrais spécialistes de très haut vol. Plusieurs visages me viennent à l’esprit : quelqu’un qui étudie les hiéroglyphes, un astronome qui est souvent dans la lune – et qui oublie qu’une fois l’an, on prend des vacances ? -, un héraldiste, un expert en perles de culture qui maîtrise en plus le japonais, des philatélistes experts aussi en marques postales, des dessinateurs de BD vraiment doués, des peintres renommés…, des étudiants, génies de l’université, qui présentent une thèse  et en lisant rien que le titre, je comprends moins de trois mots sur cinq !

La relève est assurée…

Est-ce toute cette diversité qui fait que la journée est finie sans que j’aie pu me poser la moindre question existentielle ? Et aussi beaucoup d’artistes : je profite de l’occasion pour remercier la jeune graphiste Anaïs Charlier (www.lesgribouillisdanais.be)

Depuis le tout début, Imprim’Express a eu comme logo un bonhomme qui court en portant des feuilles de papier. C’est Gérard Bedoret qui l’a créé en 1979. Pour le déménagement, en 1992, le bonhomme a été relooké de manière plus moderne, toujours par Gérard. Et aujourd’hui, pour ses 30 ans, c’est incroyable, notre bonhomme a encore rajeuni ! C’est à Anaïs que nous avons fait appel, Gérard étant devenu désormais  un architecte « célèbre et débordé »…

Elle est encore inconnue, mais elle a vraiment beaucoup de talent ! Au fil de ses créations, j’entre dans son univers et il me plait, coloré et vivant.  Et je me réjouis de la voir évoluer. Je suis certaine qu’elle est promise à un bel avenir…

 

- Quelle est la plus grande difficulté dans votre job ?

Dans le stress, laisser passer une coquille ou faire une fausse manœuvre ! Reproduite à 120 copies minute, ça fait vite des dégâts…

 

- Au fond, lorsque vous avez besoin de quelqu’un ou de quelque-chose, vous ne devez pas chercher bien loin ?

C’est plus que tout à fait vrai ! Un large éventail de tous les corps de métiers et professions passent par chez nous. Du coup, beaucoup de nos clients sont aussi devenus nos fournisseurs… et il n’est pas rare qu’on nous téléphone pour nous demander si on ne connaît pas, par hasard, quelqu’un qui…

 

- Que peut-on souhaiter de mieux à Imprim'Express que 30 nouvelles années de bonnes impressions ??? Alors, joyeux anniversaire à vous et longue route !

Christophe, je suis heureuse d’avoir fait votre connaissance, et je vous remercie sincèrement pour le travail que vous faites et la passion que vous y mettez vous aussi. Vous apportez un vrai plus à Verviers et ses environs.

Vous ouvrez toutes sortes de portes qui permettent de partir à la découverte de notre belle région, et de faire aussi des rencontres intéressantes ?

J’invite tous vos lecteurs à faire connaître le site de www.bestofverviers.be  autour d’eux…

Et merci aussi aux personnes qui auront eu la patience de lire cette interview jusqu’au bout !

 

Mise à jour le Lundi, 07 Septembre 2009 16:29