Montmartre, la carte postale de Gaëtan Plein
Écrit par Gäetan Plein   
Samedi, 07 Août 2010 07:46
Carte postale et caricature en souvenir de Montmartre

Avant de commencer cette chronique touristique, permettez-moi de me présenter. Je m’appelle Gaëtan. Je suis un ancien guide. J’ai travaillé ces 25 dernières années à animer des groupes en Ardennes, et à l’étranger périodiquement. J’ai l’intention de vous écrire de petites cartes postales, souvenirs de voyages insolites ou de rencontres en Ardennes.
En effet, les années qui passent et les circonstances de ma profession me permettent de témoigner d’univers gris ou colorés, anciens ou récents : le mur de Berlin, le Club Med au temps de Trigano et l’Amérique « underground » en 1980, vue par un « européen sans papier ».

J’écrirai des petites anecdotes qui je l’espère, vous amuseront. J’ai cinquante trois ans. Et je me rends compte que des souvenirs qui datent de trente ans, bien communs à époque, deviennent avec le temps, pittoresques. De ce point de vue là, comme j’envie les personnes de plus de septante ans ;-)



Je travaille actuellement comme animateur touristique, conteur et caricaturiste dans la région de Spa, Stavelot et Francorchamps. Parfois, je pars en tournée à l’étranger. La prochaine au Liban, si cela se confirme, en février prochain.

Voici ma première carte postale pour « BestofVerviers ».


Je viens de passer cinq jours à Paris en stage de «  randocroquis ». Il s’agit d’une technique de dessin rapide que les Américains appellent le sketchcrawl. Des stages s’organisent sous la conduite de professionnels. Ils  donnent des conseils sur la technique au crayon, à la mine de plomb ou au pinceau au cours d’une balade à thème. Ainsi une douzaine d’artistes débutants ou confirmés, se motivent en se réunissant dans un quartier de ville historique ou dans une réserve naturelle.

Les thèmes, en se baladant, sont choisis par le professeur, mais l’interprétation est libre. Il dira par exemple : dix minutes pour dessiner ce vieux camion sous le tilleul. Ou encore : dans une demi-heure, on se rejoint ici avec votre croquis : le thème est « silhouette de touristes attablés à la terrasse d’un café ». Les avantages de ces cours sont nombreux. Par exemple, la convivialité de se retrouver avec des personnes qui ont un hobby commun, le dessin.

Ensuite, la motivation de devoir aller vite et à l’essentiel, ce qui donne une certaine grâce au dessin. Dessiner en plein air ou parfois dans un site insolite et inconnu est une forme de tourisme qui pousse à la curiosité et à la rencontre. Enfin, comparer l’interprétation de chaque artiste élargit la créativité.

Le matériel est rudimentaire : un bloc à dessin, une gomme et quelques crayons ou marqueurs. On peut emporter en bandoulière un petit fauteuil pliant ou une vieille nappe pour s’asseoir accroupi. La première fois que j’ai participé à un tel stage, c’était il y a cinq ans avec un groupe allemand le long de la Moselle.


En partant à Paris, je n’ai pas eu l’occasion de trouver un stage. Mais le hasard m’a permis par internet de rencontrer un caricaturiste avec lequel j’ai fait une expérience, place du Tertre. Les caricaturistes sont, selon les cas, « officiels » quand ils ont pignon sur rue, tout autour de la célèbre place. Mais d’autres sont non-officiels, dans les environs de la place et souvent mobiles autour du Sacré-Cœur.

Certains sont en situation irrégulière. Les techniques sont diverses : ils utilisent la  couleur, dans un style portraitiste. D’autres pratiquent la silhouette aux ciseaux ou croquent en noir et blanc à la mine de plomb. Les prix varient, de quinze Euro à 40 Euro. Le résultat n’est pas toujours en rapport au prix, ni même au temps que l’on consacre. Je peux en témoigner, car je dessine souvent lors de séminaires ou de mariage une trentaine de personnes en une demi-journée. Mais ces dessins sont sommaires, visant surtout à donner une ambiance pendant une fête, pas à faire « un chef d’œuvre ».

Un caricaturiste peut réussir un dessin marrant en quatre minutes. À d’autres occasions il peut rater un dessin en y passant  pourtant beaucoup de temps. J’ai vu là-bas quelques grands professionnels qui m’ont impressionné. Mais en parlant aux uns et aux autres, et en observant certains, je pense qu’il n’y a jamais de garantie de réussir un dessin à main levée.

Chacun a son style. Il faut savoir qu’un client sur trois a « une tête » qui passera facilement : un menton en galoche, une grosse tignasse ou encore des lunettes bizarres facilitent le dessin. Si vous avez un visage banal ou trop bien proportionné, la caricature ne donnera pas grand chose. Il faudra jouer sur une situation, ou un accessoire. Par exemple, Jean Gabin, était souvent représenté en gabardine typique des commissaires de police et avec un Borsalino. Son air était celui d’un homme méfiant à côté d’une blonde compatissante.



J’ai poursuivi mon périple parisien en croquant des statues d’Aristide Maillol (1861 1944) exposées au jardin des Tuileries, près du Louvre. L’endroit est délicieux et connu des élèves de l’académie. Ces baigneuses vont enchanteront : des corps féminins glorifiés. Aristide Maillol n’a jamais gagné la gloire, mais son art est mondialement reconnu.   
Il est mort le plus simplement du monde comme un pauvre vigneron.

On n’est jamais seul quand on dessine. Je l’ai vérifié encore au musée d’Orsay. Des étudiants originaires de Toscane s’étaient donné pour thème « Puvis de Chavanne ». Ils étaient là dans toutes les positions et on entendait les plumes croquer les cartons …

Mon dernier thème était cette superbe exposition des robes et créations d’Yves Saint Laurent au petit Palais. Des centaines de robes créées surtout dans les années soixante, l’âge d’or de la Haute Couture. Connaissez-vous cette robe inspirée d’une peinture de Piet Mondrian ? Un Jersey de laine écrue en carrés colorés ? Là aussi, se retrouvaient d’autres artistes stylistes, qui dessinaient des croquis rapides sur bloc-note. (Les photos sont souvent interdites lors des expositions). Je n’ai jamais vu autant de femmes « glamour » en un seul endroit.

Cela m’a fait penser à une dernière anecdote locale. Il y a une dizaine d’années, j’avais participé à une bonne action le 31 décembre : une soirée de charité à Verviers. Plusieurs artistes bénévoles animaient ce Réveillon et l’ambiance était excellente. Parmi les participants, je me souviens avoir fait la rencontre insolite d’un homme assez élégant. Il  portait un costume Prince de Galles, rapiécé et usé jusqu’à la corde. Cet octogénaire parlait d’une façon courtoise, un peu « vieille France ». C’était un ancien lainier, déchu, mais toujours fier et nostalgique. Une sorte de clochard, arlequin aristocrate et philosophe humoriste.

C’est en son honneur que je souhaiterais dédicacer ce premier article …

Gaëtan Plein, Andrimont Stoumont,  août 2010

Mise à jour le Samedi, 07 Août 2010 08:00