Le président nouveau est arrivé
Écrit par Edmée De Xhavée   
Jeudi, 06 Novembre 2008 00:17

 Nous étions tous dans le train de l’histoire ! Un train rempli de ballons rouges et bleus, de majorettes, de confetti, de drapeaux… Un train de cirque, un train de parade, tape-à-l’œil, bruyant et filant à toute allure vers le changement. Un train accueilli par la fanfare de tous ceux qui ne voulaient plus subir et agissaient enfin, l’espoir faisant étinceler leur regard.

 

 

 

Qu’il était attendu, ce changement, après deux termes d’une présidence dévastatrice qui avait rendu l’Amérique et les Américains plus impopulaires que jamais ! Le cœur empli du désir de renouveau, le peuple a voté, endurant de longues lignes d’attente, résistant parfois à l’intimidation, aux prédictions effrayantes. Le peuple a décidé de croire que oui, l’impensable était possible. Et sa confiance a été comme une grande lame de fond qui s’avançait en vagues écumantes reflétant le soleil, bondissante comme un banc de dauphins.

 

Le président nouveau est arrivé ! Le fait qu’il soit noir ne changera pas son rôle ou sa présence. Mais symboliquement, quel éclat ! Quel arc-en-ciel !

 

Je me souviens si bien de ma consternation lors de la sortie, en 1972, du film « Le candidat » avec Robert Redford. Je pensais que tous ces ballons, cocardes, bannières, chapeaux étoilés, fanfares assourdissantes, bref… cette ambiance de foire pour quelque chose d’aussi sérieux était une exagération ! Pas du tout, comme vous le savez…

 

Cette indécente explosion de fausse joie et optimisme, cette orgie de dépenses qui, cette année plus que d’habitude, ont dérangé les raisonnables, sont nécessaires pour satisfaire une soif de parade au village qui ne veut pas mourir.

 

Quant aux candidats, l’enthousiasme n’a été qu’un enthousiasme de dernière minute, il me semble. N’étant pas une journaliste ni une enquêteuse, je dois me baser sur mon impression et sur ce qu’on me dit, ce que je lis. Le coin où je vis, la côte nord est, est souvent plus démocrate que républicaine. J’entends rarement des propos en faveur de Bush, McCain ou le parti républicain en général. Cette année pourtant, les choses ont été différentes en tout.

 

Obama est noir. Personne ne dira ouvertement que ça le dérange, mais on s’attendait par exemple à ce que des gens qui avaient dit haut et fort qu’ils voteraient pour lui allaient finalement voter pour McCain, simplement parce qu’il n’était pas noir ! Et j’ai entendu des noirs qui soutenaient Hillary Clinton et surtout pas Obama ! Ils le ressentaient comme trop « élitiste », trop éloigné d’eux et de leurs préoccupations. Peu de stickers sur les pare-chocs cette année, et c’est rare. Peu de pancartes aussi dans les jardins ou aux fenêtres. Une sorte d’indécision et de discrétion qui a tenu jusqu’au bout, en dépit du faste éblouissant qui accompagnait les deux candidats, et l’intoxication abrutissante à la TV : on n’échappe pas à la campagne, le choix étant la campagne ou un film vu treize fois au moins cette année, la campagne ou une biographie de McCain, la campagne ou l’interview du beau-frère de Sarah Palin, la campagne ou… bon, je me tais !

 

Les Etats-Unis ne sont pas si unis que ça, en réalité. Il y a de grandes différences entre la vie des gens des grandes villes et tous ceux qui vivent encore dans des communautés rurales et isolées, et soumis au pouvoir de l’église et de la tradition. Et l’église ne lâche pas prise ! Il y a les luthériens, les catholiques, les baptistes, les évangélistes, les …, les… et toutes les églises parallèles qui se sont divisées et subdivisées encore et ont formé leurs groupes de fidèles. Elles sont des multitudes, et très influentes ! Je sais que certaines demandent à leurs ouailles de révéler leur revenu annuel, et d’en verser 10%.  On conseille aussi aux épouses de rester au foyer. Celles qui travaillent malgré tout déshonorent donc un peu leur époux : soit il ne gagne pas assez, soit il n’a pas d’autorité sur sa femme. Et la cerise sur le gâteau est que l’épouse soumise et vertueuse se charge aussi de l’éducation des enfants. Souvent, en milieu rural, on rencontre peu de résistance : l’école peut être loin, et le village ne pas être sur une route de bus scolaire. Et puis, même dans les banlieues de grandes villes, bien des femmes s’accommodent de cette « suggestion » du révérend parce que, finalement, les salaires ne sont pas encourageants.  Mais voilà donc une femme qui, du vaste monde, ne connaît que le centre commercial, l’église et les réunions de famille, et à qui on confie l’éducation de ses enfants. Qui apprendront bien sûr ce que le révérend trouve important. Lors des élections de 2004, un pasteur s’est vu réprimander car il disait à ses fidèles pour qui ils devaient voter pour plaire à Dieu ! Ce pasteur – et cette église d’ailleurs – se trouvent ici, à 31 kms de Manhattan, et pas dans les collines du Kentucky !

 

En fin de course, les comparaisons entre la fatigue de McCain et l’enthousiasme d’Obama ont ajouté de l’ardeur aux débats. McCain est souvent respecté, mais la crainte était qu’il ne serve la même soupe (recette G.W.B.) dans une plus jolie soupière, mais aussi indigeste. Obama était soupçonné d’être arrogant, et surtout de manquer d’expérience. Et tous les coups ont été permis : on a parlé de personnes votant plusieurs fois, il y a eu des affichettes d’aspect tout à fait officiel distribuées dans un Etat, avec le sceau de l’Etat en en-tête et incitant la population à voter républicain le 4 et démocrate le … 5 !!! On a « fait peur » en annonçant que si Obama était élu, ce serait l’apocalypse (enfin… c’était l’apocolypse, j’ai trouvé ça trop amusant pour me priver de l’utiliser sur la photo ci-dessus…) car les terroristes se délecteraient de son inexpérience… Bien sûr, on a vu ce qu’un président sans expérience a pu faire de dégâts en deux termes (car certains ont eu assez d’appétit pour en redemander, de la soupe !)… et ça faisait réfléchir. Et bon, il y a un fameux travail à faire, et il y aura des échecs. Qui seront rageusement mis en évidence par le parti adverse qui, on s’en doute, aurait fait mieux…

 


Mais le président nouveau est arrivé, avec je l’espère toute la force et l’enthousiasme nécessaires pour, au moins, orienter les choses dans la bonne direction…

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Mise à jour le Dimanche, 09 Novembre 2008 23:03