Isabelle Monnin et Erwan Larher, deux jeunes auteurs parisiens
Écrit par Sophie Gardier   
Dimanche, 26 Décembre 2010 09:07

Voilà qu’une année « grande dis » s’envole à tire d’aile,  sous les plumes glacées d’une couette neigeuse.


Les événements du monde nous parviennent comme assourdis  par ce tapis lumineux, vierge de toute trace durable :  tout s’efface derrière les informations de la météo,  glissant sur le verglas de nos routes impraticables.
Peu à peu émerge d’un brouillard givrant l’ébauche d’une année neuve.
Insensiblement, 2010 s’estompe au ralenti, laissant deviner un nouvel espace immaculé.

Une page blanche s’ébauche dans nos imaginaires engourdis par la douce chaleur de ces journées trop courtes.
Le temps s’étire, félin paresseux effarouché par la neige.
Que ne puis-je longtemps encore garder ce rythme « adagio ma non troppo » en harmonie parfaite avec la terre gelée qui porte mes pas !

Je déguste ces moments propices à la méditation, au silence et à la lecture en compagnie de nouveaux romans, chatoyants reflets de notre époque troublée dans sa grande zénitude….

Mon coeur se porte aujourd’hui vers deux jeunes auteurs parisiens: Isabelle Monnin et Erwan Larher.

 

La première livre un roman aussi extraordinaire que  son titre : « Les vies extraordinaires d’Eugène » (JC Lattès), journal poignant d’un jeune père désenfanté.
Sa femme s’est murée dans le silence.
Il se met alors en devoir d’écrire la vie de leur fils à peine entrevu.
Les mots indicibles naissent sur le PC de cet historien peu doué pour les épanchements  littéraires.


 Il s’en va chercher dans les hôpitaux, les crèches et les statistiques la vie rêvée de son bébé, papillon d’un instant éphémère.
Avec un naturel sidérant, souvent teinté d’humour,
Isabelle Monnin construit un roman inoubliable d’équilibre et de justesse.
Nous cheminons aux côtés de ce couple fracassé, égrenant les jours d’une longue apnée où la vie continue envers et contre tout, pas à pas, vacillante mais tenace.
Ce vécu intime est partagé avec tant de profondeur ingénieuse que les pages se tournent sans lassitude ni pesanteur.

Isabelle Monnin a transmué sa souffrance en un roman tout en nuance qui me laisse au cœur un sourire embué de larmes.
C’est tout simplement beau et fort.



 

 

 

 

 

 

« Qu’avez-vous fait de moi ? » (Ed Michalon)  se demande Erwan Lahrer dans son roman déjanté entre fantasme et réalité.
Satire sociale à l’écriture soignée, il vire au polar noir à mi-parcours, m’évoquant Frédéric Dard en version light.
J’ai adoré ses petites phrases hilarantes et corrosives qu’on rêve de recaser dans une conversation « élégante et spirituelle ».
 C’est drôle et léger comme un vin pétillant du Piémont, avec un raffinement exquis de la langue et du style.


Léopold Fleury est un héros assis entre deux mondes : avide de conquêtes faciles et bien roulées, il aspire pourtant à un monde idéal dont il se croit bientôt le justicier.
Dans une première partie intitulée « Naufrage », nous assistons à sa débandade :
 chômage et exclusion sociale aboutissent tout naturellement au détonnant chapitre
 « Je suis une bombe ».
L’épilogue « Persévérance du Réel » surprendra plus d’un lecteur enthousiaste.

Un premier roman qui ne manque ni de goût ni d’audace littéraire, oscillant entre divertissement pur, polar et pamphlet politique.
Savoureux !

Mise à jour le Dimanche, 26 Décembre 2010 09:18