Souvenir d'un brame
Écrit par Renaud Tiquet   
Lundi, 22 Février 2010 22:14

Le jour se lève. Il fait assez doux et une légère brise me force toutefois à porter une épaisseur.Les couleurs commencent à se prononcer à l'horizon. Nous sommes le 13 Octobre 2009. Il est 9h00 du matin.


Je parcours un sentier de graviers et, n’ayant pas la moindre idée où je vais, je sais juste que les lieux sont propices au brame.

L'oreille attentive, j'emprunte un coupe feu dans une zone pourvue de miradors. Je scrute le sol et j'aperçois des traces de gibier : du cervidé plus précisément.

 

Toujours l'oreille tendue, je continue sur ces traces. A ma droite, une jolie panoplie d'amanites ;  j'en profite pour prendre quelques clichés. Le gel n'ayant pas encore montré le bout de son nez, les champignons continuent leur prolifération. Je poursuis en montée - l'accès est pentu – et bottes embouées, je me bats pour en sortir.

J'arrive à une clairière. J'y perçois un son en la traversant, qui ressemble à un brame, mais je reste perplexe à l'idée que cela pourrait être un beugle au loin (un cri de la vache qui y ressemble fortement). Je reste sur mes gardes et j'avance au travers de la tourbe et des hautes herbes brunes claires. Entre bosses et fosses, je me fraie un chemin truffé de pièges. Je parviens à me poser sur un vieux tronc sec et défraichi. Une élévation judicieuse. Un point de vue imprenable.

En face de moi, une paire de bois de cerf se démarque du décor. Je pointe mon appareil photo dans sa direction. La bête est un peu loin mais l'opportunité de faire une belle image dans son élément me fait déclencher.

 

 

Un brame retentit qui ne provient pas du cerf que je fige ; il vient de droite ; les buissons s'affolent. Un combat a lieu!

Je ne les vois pas mais reste tout de même posté sur mon tronc. En cette période de frénésie sexuelle, les cervidés peuvent montrer une certaine agressivité dans leur comportement vis-à-vis de l'homme.

L'un d'eux sort des buissons au galop ; j'attends la pose pour photographier. C'est un magnifique 18 cors, assez rare dans la région. Je jubile.

Il est là, pas loin. Il est énorme. Je savoure la rencontre. Je sais que je fais face à une bête exceptionnelle. Quelques minutes plus tard, il continuera son chemin pour disparaître dans les épicéas en face.

Je reste encore quelques instants pour me remettre de ce tête à tête et prends tout doucement le chemin du retour, l'esprit et l'appareil comblés.

Deux jours plus tard, je montre les photos de ce 18 cors à Franck Renard, qui est garde forestier de la région de Spa et photographe naturaliste renommé (http://www.franckrenard.com).

Son œil expert m'apprend qu'il s’agit de Robert, un cerf classé rouge et protégé par la ligue de la chasse de Belgique. Il m'annonce qu'il a été tiré le lendemain de mes photos, certainement un chasseur qui n'a pas pris assez de temps pour observer sa cible avant le tir. Je n'ai rien contre les chasseurs, mais je n'ai rien pour.

 

 

Sur ces derniers clichés de Robert, - "en sa mémoire" - je vous souhaite de bonnes balades et de jolies rencontres.

 

 

Renaud Tiquet


Mise à jour le Mardi, 23 Février 2010 06:49