Affût en bord de Vesdre
Écrit par Jean-Marie Poncelet   
Lundi, 07 Décembre 2009 14:21

 

Lorsque, dans mon interview précédente sur Best of, vous m'aviez demandé quel était l’oiseau le plus difficile à photographier, je vous avais répondu : « Je dirai le Martin pêcheur, car j’ai déjà attendu plusieurs heures pour pouvoir faire une photo… et pas toujours une bonne photo. »

Qui est-il, ce Martin pêcheur ?

Le Martin pêcheur d’Europe (Alcedo atthis) est un oiseau de la famille des Alcédinidés et de l’ordre des CORACIIFORMES. Son aire de répartition est principalement l’Europe d’où son nom. Ses principales caractéristiques sont :

  • une livrée brillante et très colorée (bleue sur le dessus, rousse et blanche en-dessous),
  • un bec long et fin,
    • chez le mâle : entièrement noir;
    • chez la femelle : la mandibule inférieure porte une tache rouge orangé s'étendant de la base vers l'extrémité. La dimension de cette tache est variable suivant les individus, parfois la mandibule est entièrement rouge.
  • un corps court et trapu,
  • une taille approximative de 16 à 17 cm.

 

sur cette photo on voit bien la couleur de son dos
 
 Sa vitesse de vol, ainsi que sa couleur, lui ont valu le nom de « Flèche bleue » ou « Eclair bleu » peut-être l’avez-vous déjà vu volant au ras de l’eau, puis disparaissant à un détour de la rivière ne laissant de lui que le souvenir d'un éclair étincelant…

Le Martin-pêcheur se rencontre au bord des eaux calmes, propres et peu profondes, plutôt en des lieux abrités du vent et des remous. L'eau doit rester assez claire pour un bon repérage des proies. Il se nourrit de petits poissons et de petits animaux aquatiques qu’il repère perché sur des poteaux, piquets ou au bas des arbres se trouvant sur les berges de la rivière. Il défend un territoire, le plus souvent une portion de cours d'eau longue d’un kilomètre environ. Cet oiseau est un bon indicateur naturel de la qualité d'un milieu aquatique.  

 

Ce préambule me semblait indispensable pour vous dire que trouver un Martin pêcheur dans de bonnes conditions et réussir une bonne photo n’est pas chose aisée. Repérages essentiels…

Connaissant les habitudes des Martins pêcheurs (grâce à la formation en ornithologie de terrain que j’ai suivie avec mon épouse Joëlle), j’ai parcouru plusieurs fois des tronçons de la Vesdre à la recherche de cet oiseau. Lors d’une balade, scrutant les branches des arbres bordant la rivière, mon attention fut attirée par un point bleu vif dans un petit arbuste… il était là… me tournant le dos à une cinquantaine de mètres de l’endroit où je me trouvais.

Mais ce n’était pas gagné pour la cause… il fallait, pour pouvoir pratiquer un affût, qu’à cet endroit je puisse me cacher, que la lumière soit bien dirigée et surtout que l’oiseau soit fidèle à ce perchoir.

 

En général, les Martins pêcheurs aiment revenir au même endroit, mais attention, pas question d’aller enlever des branches gênantes ou faire des modifications sur le site, car cet oiseau est extrêmement sensible aux changements apportés à son environnement immédiat.Je continuai de l’observer, dans mes jumelles, jusqu’au moment où il décida de changer de perchoir. Il en choisit un de l’autre côté de la rivière et commença une séance de nettoyage qui dura plusieurs minutes. Après avoir replacé ses plumes au bon endroit, il revint au premier perchoir et, là, j’assistai à une partie de pêche…

A ce moment, je me dis que j’avais peut-être trouvé un bon endroit. J’ai attendu que l’oiseau parte digérer ailleurs pour aller près du perchoir afin de me rendre compte de son accessibilité et des possibilités d’affût.Un rêve… Arrivé sur place, je vis directement la chance que j’avais eue de trouver cet endroit. En effet, un petit chemin paisible, bordant la Vesdre, me permettra d’avoir un affût de luxe… ma voiture ! C’est nettement plus confortable que couché sur le sol avec, pour couverture, un filet de camouflage (comme cela m’est déjà arrivé). Ce sera donc assis ou couché partiellement sur le siège avant de ma voiture, appareil et téléobjectif fixés sur un support de portière et, bien entendu, le filet de camouflage par-dessus me permettant d’être bien dissimulé. Le moindre mouvement, éclat métallique, bruit, etc. seraient en effet préjudiciables à la bonne réussite de cette entreprise.

En ce qui concerne la lumière, je me rendis compte que c’était le matin que je devais aller, car l’après-midi, l’oiseau serait à contre-jour.  Le jour J…Malheureusement, durant quelques jours qui ont suivi le repérage de l’oiseau, la météo fut mauvaise : gris, pluie et vent. Des conditions, il est vrai, assez courantes chez nous. Heureusement, une bonne semaine plus tard, toutes les conditions étaient rassemblées : j’avais congé et le temps était au beau, avec une lumière acceptable.Je me dirigeai vers l’endroit repéré et, chemin faisant, plusieurs idées traversèrent mon esprit : « Viendra-t-il ? J’espère qu’il n’y aura pas de promeneurs, de joggeurs, de chiens, chats… C’est un jour en semaine : les enfants seront à l’école… il y a des chances que l’endroit soit calme. »

Arrivé à moins de 100 m de l’endroit, je fis halte, arrêtai le moteur, pris mes jumelles et inspectai les environs… on ne sait jamais qu’il serait déjà là… Rien à l’horizon, alors j’installai mon matériel (appareil, objectif, support) et le filet de camouflage. Je réintégrai mon véhicule par la portière passager, me replaçai au volant, repris mes jumelles pour une nouvelle inspection : il ne faudrait pas, qu’en faisant les derniers mètres, je le fasse s’envoler… Toujours rien à l’horizon, j’avançai doucement et arrivai à l’endroit que j’avais repéré. Je coupai le moteur. J’étais à pied d’œuvre…  Rapidement, je pointai mon objectif sur le perchoir, je fis plusieurs photos pour mes réglages, je vérifiai ces photos sur l’écran LCD de mon réflex numérique.

Une fois que j’eus affiné les réglages… l’attente commença… pour combien de temps ? C’est une bonne question. Personnellement, dans ces moments d’attente, je me contente d’écouter, de regarder partout en essayant de faire des mouvements les moins brusques possibles : ce serait dommage de faire peur à l’oiseau avant même de l’avoir vu. J’ai des copains qui ont la même passion que moi et qui font des mots croisés, de la lecture… pendant ces parfois longues heures d’attente. Une heure passa… toujours rien… Je devrais dire toujours pas de Martin pêcheur, car j’ai eu quelques visites : une femelle Canard colvert, une Bergeronnette des ruisseaux, et quelques petits oiseaux des haies comme le Rouge-gorge, l’Accenteur mouchet et quelques Mésanges charbonnières et bleues.

 

Une deuxième heure… toujours rien… je commençai à me dire qu’il ne viendrait pas, peut-être m’avait-il repéré… Soudain, j’entendis  des cris aigus aux sonorités métalliques… il venait de passer… c’était un bon début… il était dans le coin. Je le vis soudain, il s’était perché sur une branche d’un arbre en face de moi, mais assez loin, de l’autre côté de la rivière… une nouvelle attente commença, mais celle-ci beaucoup plus facile, car je le voyais… J’étais prêt, car il ne me laisserait que peu de temps pour lui « tirer le portrait »…

Il décolla et vint dans ma direction, j’eus une montée d’adrénaline… il était posé sur le perchoir… tout doucement, je le visai et je déclenchai une courte rafale… directement, je visionnai les photos sur l’appareil pour voir si tout était correct… le résultat était satisfaisant, les réglages étaient bons… alors, pendant quelques instants, qui me firent oublier les heures d’attente, je le mitraillai. Heureusement que c’est un appareil photo numérique, car j’ai vite fait une centaine de photos.

Tout à coup, sans raisons apparentes, il repartit sans un bruit… j’essayai de le suivre du regard, mais très vite je ne le vis plus… il était passé comme dans un rêve. J’attendis un bon moment, mais il n’est pas revenu. Ce sera pour une autre fois ! J’étais déjà très content de la petite séance qu’il m’avait octroyée… Cela m’est déjà arrivé d’avoir fait plusieurs jours d’affût sans même l’apercevoir. Il ne me resta plus qu’à rentrer à la maison afin de pouvoir visionner les clichés pris en espérant ne pas être déçu du résultat.

 

 Photos ont été prises lors de l'affût

Vous allez peut-être penser : « Tout cela pour quelques petites photos… », mais c’est cela la PASSION. J’espère que vous avez passé un bon moment avec moi et que je vous ai peut-être donné l’envie de mieux regarder, d’observer cette belle rivière qu’est la Vesdre.

De plus, je vous souhaite d’avoir la chance de voir ou d’apercevoir ce bel oiseau. 

Photo prise au centre ville
 
Je vous retrouverai dans deux mois pour une nouvelle rubrique consacrée aux oiseaux de nos mangeoires et, plus particulièrement, le piégeage photo à l’aide d’une barrière infrarouge.  

Passez de bonnes fêtes de fin d’année et profitez de la beauté de la nature qui nous entoure.

Jean-Marie Poncelet

www.jmponcelet.be

Mise à jour le Dimanche, 20 Décembre 2009 14:45